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23/08/2014

Mensonge personnel.

Il faudrait qu'un jour, un auteur raconte vraiment ce qu'il est capable de faire pour échapper à l'écriture. Les myriades de prétextes, d'excuses, de reports, d'élans brisés. Toute l'auto-conviction dont il est capable pour dire que ce n'est pas sa faute, les séries télé abrutissantes avalées en rafale, les jeux vidéos datant de l'URSS justifiées par la réminiscence (ben voyons). Le bureau mille fois rangé avant de commencer, trop tard pour commencer vraiment. Le lendemain comme ligne permanente d'horizon, surtout celui d'après. Le véritable inventaire de ses talents, c'est la somme des histoires qu'il se raconte, pas seulement celle qu'il donne à lire.

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22/08/2014

Job Center.

10585059_10152621782634696_1896209688_n.jpgC’était la sixième fois, aujourd’hui, que je me retrouvais en face à face avec mon éditeur, dans le salon de sa maison de Dijon, pour relire un texte en vue de parution. Un texte théâtral, court, trois fois huit scènes sur le travail et les dérives de sa valorisation morale: un texte ciselé, déjà maintes fois relu, qu’il m’a demandé de venir retravailler, une fois de plus. Une contrainte nécessaire, tant sa lecture est rigoureuse, et tant son aval, au bout du compte, fait office de quitus, une fois le livre édité. Parce qu’après, il est trop tard. Je souhaite à tous ceux qui écrivent de rencontrer un éditeur comme celui-ci, dût-il être mal diffusé. C’est le seul tremplin qui devrait exister pour une distribution plus large, après: c’est en tout cas le chemin que j’ai pris, et que je ne regrette pas. Parce qu’à chaque épisode, j’ai la même appréhension de l’apprenti devant son maître: il a été mon formateur de philosophie, c’est lui qui m’a demandé, quand il s’est lancé dans l’édition, si mon manuscrit sur l’Algérie était encore disponible. C’est lui qui va éditer, pour la fin septembre et le salon du Clos-Vougeot, « 3X8 », donc, ma trilogie théâtrale au vitriol. On a beaucoup palabré, recompté, ri, aussi. Il m’a confié, alors que je partais, un exemplaire du dernier recueil de nouvelles qu’il a édité, après mon « Gros Robert », plus, sans doute, le pire manuscrit qu’il a reçu, pour que je constate que son métier n’est pas de tout repos: les réminiscences corses d’une jeune exilée, qui se remémore le saucisson de son village. J’ai des amies sur l’île de Beauté: je tiens les meilleurs feuillets à leur disposition.

PS: écrire, c’est effacer, éditer, c’est choisir. Le dessin de Casoli, Sisyphe moderne sur sa montagne de travail, n’a pas survécu à la journée: l’éditeur veut privilégier, pour le théâtre, une couverture sobre, sans illustration, quelque chose d’intemporel. Je sais - et je lui dis - qu’il a raison neuf fois sur dix. Je le garde donc pour moi, et, au nom d’Olivier, l’auteur, vous l’offre.

 

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21/08/2014

Une sacrée Affaire.

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Je reproduis ici la note et lève l'anonymat qu'avait obligé la lecture du livre en avant-première, sous forme tapuscrite. Le vrai, le beau, est sur ma pile, je le relirai début octobre, avant de recevoir Christian, le 16, à la Librairie du Tramway. D'ici là, faites le chemin jusqu'à votre librairie à vous, achetez, offrez, diffusez: on tient un grand roman.

Dans "Souvenirs de la Maison des Morts", Dostoïevski démontre que, quoi qu’il ait fait, un assassin est toujours un homme. Dans ses morts à lui, qu’il met en scène dans "l’A. des V.", Christian Chavassieux, toujours lui, finit par démontrer, avec les deux derniers personnages qui survivent à sa fresque naturaliste, que les vivants sont redevables des morts autant que l’inverse. Si un roman russe me vient en analogie, immédiatement, c’est parce que le choc de la lecture fut rude. D’abord par son privilège, et son support : lire, à sa demande, le manuscrit d’un ami écrivain avant la parution du livre, est une belle marque de confiance. Que j’ai failli trahir. Il y a quelques mois, je n’en avais ni le courage, ni la capacité, et l’histoire naissante, qui s’annonce exhaustive dès les premières lignes, de Charlemagne – oui – dans une campagne qu’on situera entre Roanne et Lyon, en plein XIX° siècle, m’a un peu effrayé, je dois concéder. Jusqu’au moment où je m’y suis plongé, sans pouvoir la lâcher, retardant, comme l’auteur – comme il l’écrit lui-même au lecteur, concluant un cycle d’insères récurrentes – la fin de l’histoire. Qui lâche Charlemagne, sa famille de pauvres hères faibles et dégénérés à peu près à sa moitié, quand on s’imagine qu’il va durer tout du long. Quand le récit se clôt, je l’ai dit, sur les deux derniers vivants, les deux rescapés, un de la vie qu’il s’est créée, l’autre de celle qu’il a subie. Je ne raconterai rien, puisque le livre s’offrira au public bientôt ; j’ai même préempté l’animation de la rencontre au Tramway, sur proposition de Romain, intrigué par mon enthousiasme. Parce que l’Affaire des vivants, selon moi, est d’abord un grand livre par sa grande qualité d’écriture : voilà, en plein XXI° et résurgence de l’autofictif, un auteur qui va mêler les analyses sociétales naturalistes aux meilleures descriptions des univers qu’il dépeint. Puisque Charlemagne naît dans une ferme défréchie, c’est la campagne profonde, ses rites et ses saletés que l’auteur va décrire ; puisqu’il s’élève très rapidement à la force de ses bras et de son intelligence mêlés, c’est le monde de l’industrie, des premières toiles cirées, du commerce du tissu et de la bourgeoisie qu’il restitue. Les descriptions sont profondes, précises et permanentes : quand Joseph-Antoine Pajaud se présente à la boutique, ce n’est pas Alma – future parti de Charlemagne – sur laquelle on focalise, mais l’uniforme de celui-ci. Dont on se doute, au fur et à mesure qu’on nous en présente la coupe rectiligne, que celui qui l’habite ne l’est pas autant. Une scène et voilà convoquées tous les misérables petits tas de secrets que sont les hommes en conquête ressurgissent. Magnifiquement mises en abyme : les plus misérables ne sont pas ceux que l’on montre comme tels, même si la société et la justice des hommes finissent toujours par les désigner. Dans « l’Affaire des vivants », on trouve des termes obsolètes, « plicaturé », « déjetaient » ou précis « arbres raffaux », « algides », « Chitine », « cilices », « hétaïre », qui renvoient le lecteur à son élévation (dictionnaire) ou sa paresse (canapé). Ou au lexique en fin d’ouvrage, qui éclaire les « copurchic » et le désormais fameux « achatti » - qui aime les douceurs, comme les chats – qu’il nous demande de faire circuler. Chose faite. Dans le même temps, puisqu’une telle entreprise ne saurait être verbeuse, on recrée à l’identique, à l’écrit, le parcours des visiteurs de l’Exposition Universelle de Lyon, en 1872 ou celui des clients d’un bordel découvrant leur première négresse (mot remis dans le contexte en index, moins péjoratif, dit Littré, que noire). On suit l’évolution des personnages, le lien ou celui qu’ils ne formulent pas, la transmission, on continue in abstentia avec de belles personnes qu’on ne voit pas ou plus – Louis, et surtout Jeanne, qui m’a émue – on croise l’épigone de Louise Michel puis Louise Michel elle-même, on traverse les guerres – à chaque génération la sienne et la façon d’en revenir – les conquêtes et les déchéances, les procès, l’homosexualité, la naissance de l’automobile. A la lecture, je pense au « Dans la marche du temps », de Daniel Rondeau, remarquable roman du XX° fondé sur les mémoires d’un père très âgé et de son fils d’une cinquantaine d’années, qui retrace plusieurs conquêtes, révoltes et acquis sociaux de haute lutte (la révolte des vignerons en 1911 pour commencer). Ici, moins de lyrisme, même dans le parcours remarquable de Charlemagne : la rudesse n’est jamais loin, autant ne pas s’y attarder, mais une précision, comme toujours chez Chavassieux, un sens du détail entomologique. Si j’avais à trouver une nuance, je dirais que Charlemagne disparu, le roman retombe un peu (un peu), mais ce n’est même pas un reproche, puisque c’est lié à la personnalité, velléitaire, d’un personnage qui n’a pas – ni dans l’histoire, ni dans sa narration – son charisme. La fin lui vient en aide, néanmoins, par la surprise qu'elle réserve.

Si ce livre m’a coupé le souffle, à sa lecture, c’est aussi parce qu’il est dans la tonalité et la démarche que je cherche encore pour mon « Aurélia Kreit ». Parce que c’est un roman russe de Mérives. Le livre d’un auteur dans sa pleine maturité. L’avantage, avec lui, c’est que je n’ai pas le temps de le jalouser, tant je suis heureux de chacune de ses pépites. Après « J’habitais Roanne », dont l’écriture a dû l’aider pour celui-ci, c’est la nouvelle démonstration que l’écriture n’est pas toujours là où on nous dit qu’elle est. Une diffusion nationale de « l’Affaire des Vivants » est totalement méritée, et attendue : il faut espérer que le public ne paressera pas.

PS : dans nos parcours parallèles et réversibles, je trouve cet amour de Hugo. Dont nous avons tous deux déclamé « A Villequier », un jour. Ironiquement, je trouve dans ce roman des références, une connivence récurrente au Grand Homme, les mêmes dont j’ai usé dans les premières pages de mon roman russe à moi. Celui qui verra peut-être le jour quand je serai prêt, dont l’importance m’apparaît plus encore depuis que la voie m’a été montrée.

 

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20/08/2014

Troisième génération.

D’autres que nous l’ont sans doute vu tourner autour de la moto, la regarder de près, feignant l’intérêt mécanique pour ce vieux modèle; ils ont peut-être, même, hésité à nous dire de faire attention, qu’un mauvais coup se préparait… D’ailleurs, quand il s’est approché de nous, on a tous, instinctivement, eu un mouvement de recul, imperceptible, on s’est demandé ce qu’il voulait, ce jeune maghrébin à l’air patibulaire, mais presque, disait le comique des années 80’s. Quand il s’est adressé à mon ami, reconnaissable à ses bottes, son casque aux pieds, qu’il lui a demandé si la moto était à lui, on s’est encore demandé ce qu’il voulait, pourquoi il avait fait un tel détour pour le savoir. Mais on n’a pas eu le temps de répondre, de lui demander si ça le regardait: il a juste ajouté faites attention, vous avez laissé les clés sur le contact.

 

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19/08/2014

Somosierra sur les liseuses.

Mon ami Sandro en avait déjà fait une version, mais j'ai remis en page ma "Soirée à Somosierra", comme annoncé, pour ceux qui veulent garder une trace de ce qu'il faut bien appeler un feuilleton, une série de l'été: rafraichissante, mais pas fondamentale, dirait Herfray lui-même. Mais enfin, on a aussi de l'affection pour ses oeuvres de jeunesse, et celle-ci, passée à la moulinette, a sa place dans ma construction d'auteur.

Pour lire et télécharger, c'est ici.

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18/08/2014

Fín de Fiesta.

La voix un peu cassée, la présentatrice des groupes du Off est venue sur scène remercier un par un - ça va être un peu long, a-t-elle prévenu - les bénévoles de ce village d'un peu plus de mille habitants qui reçoit deux-cent cinquante fois plus pendant trois semaines, l'été, autour d'un genre musical qui fait se déplacer un public éduqué, bien-mis, épicurien. Ça tombe bien, la région l'est, et les commerçants font sur cette période une recette équivalant, parfois, à la moitié de celle de l'année. Il n'empêche, quelles que soient les infrastructures, les moyens mis en place, c'est toujours le cœur un peu serré qu'on range les lumignons, qu'on démonte la scène, qu'on entasse les chaises. Sans doute se disent-ils, ces bénévoles, que les touristes qu'ils ont le temps, en trois semaines, de maudire, leur manqueront dès le lendemain, une fois le calme revenu. C'est ainsi que se créent les rendez-vous: par la nécessité absolue qu'un moment qui se termine revienne.

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17/08/2014

Vacance (de l'esprit).

Se dire qu'on ne reviendra pas là où on est déjà allé est une des premières marques de l'acceptation de soi.

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16/08/2014

Au bal à Bill.

L'épistémologie viendra plus tard: savoir quel est l'artiste, qui sont les musiciens, qui a eu l'idée, le premier, de ce trompe-l'œil génial, mais au musée Guggenheim de Bilbao, au premier étage, il y a une salle dans laquelle on trouve d'immenses photographies projetées sur les murs: huit tableaux d'intérieurs, de grandes salles de châteaux, des boudoirs, des salons, des bibliothèques... Un temps figé, poussiéreux: d'ailleurs, les liseuses, les confidents sont recouverts d'un voile, qu'on a jeté sur la vie qui y est passée. Et puis une ombre, qui traverse, en arrière-plan, le premier tableau, qui n'en est donc pas un, puis le deuxième, qui fait le tour des pièces, passe dans chacune des toiles, d'abord subrepticement, puis de façon de plus en plus visible. Tout s'est mis en mouvement, et dans chacune des pièces - au double sens du terme - un musicien se prépare, accorde son instrument: piano, guitare, accordéon, batterie, basse, une sublime violoncelliste... Ils ont chacun un casque, vont jouer ensemble, au clic, le pianiste tire sur son Havane une dernière fois, annonce vingt-cinq secondes, et le morceau s'installe, langoureux, tout en crescendo, magnifique. J'observe l'arbre qu'on voit par la fenêtre, en haut à gauche du joueur de banjo: pas un micro-mouvement, il se peut que l'artiste ait joué de la sur-impression, mais la vraie 3D est en action et les œuvres ne font pas que parler, elles jouent, avec la magie d'un "Playing for change", par exemple, et l'assurance de toucher du doigt le Sacré. Même Braque paraîtra pâle, après ça.

07:56 Publié dans Blog | Lien permanent