07/04/2014
Brèves de métro.
Lui tire autant qu'il peut sur la paille en plastique, mais le gobelet de soda qu'il a demandé à emporter dans une grande chaîne de fast-food est désespérément vide; il porte une casquette à l'envers, des baskets bleues, et la première impression qu'il donne, c'est qu'il est déjà trop vieux pour ça. Elle, même quand lui et la sonnerie la préviennent qu'on arrive à destination, ne lâche pas son portable, sur lequel je vois les bulles de toutes les couleurs qu'il faut aligner et qui passionnent mes contemporains, à l'heure actuelle. Elle ne fait guère plus jeune que lui, somme toute. Ils ont tous les deux des écouteurs, écoutent peut-être la même musique, mais pas ensemble. Je replonge dans mon livre, mais l'idée m'obsède quand même un peu, jusqu'au soir: que vont-ils faire de leur vie déjà si déterminée?
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06/04/2014
Enfans (celui qui n'a pas la parole).
J'explique à mon fils, à l'instant, que si la morale n'est pas obligatoire, elle est nécessaire à toute conduite d'une vie humaine, qu'on jugera au chemin qu'elle aura tracé. Le droit chemin est connoté, religieusement, mais l'éthique permet de discerner la juste ligne qu'on s'est fixée, et qu'on tient, tant bien que mal, justement. Et là, la réponse tombe, lapidaire: "laisse tomber, c'est pour mardi!".
20:52 Publié dans Blog | Lien permanent
05/04/2014
Pérégrination.
Dans les villes que l'on a quittées depuis longtemps, on ressent plus les destins croisés de tous ceux qu'on y croisaient régulièrement que leur absence, quand on y retourne.
15:45 Publié dans Blog | Lien permanent
04/04/2014
Nécessité de mémoire.
A ma gauche, le beau jardin d'Eve, dans le Loiret, au Nord d'Orléans, sa pergola, ses petits carrés fleuris et pédagogiques: un petit îlot de paradis où je me suis égaré, en accompagnant quelqu'un. A ma droite, longeant les entrepôts, une ligne de chemin de fer rouillée dont je ne peux ignorer, quel que soit le bien-être environnant, qu'elle conduisait sans doute au camp d'internement de Pithiviers, la ville voisine. Dans le même temps, la fin d'"Aurélia Kreit" veut proposer une réflexion sur la fatalité. On n'est jamais tranquille.
14:54 Publié dans Blog | Lien permanent
03/04/2014
Gros bras.
On pourra toujours ergoter: le seul révélateur de la culture, c'est le déménagement.
16:30 Publié dans Blog | Lien permanent
02/04/2014
Devant le néant.
La pochade premieravrilesque d’hier ne doit pas me détourner de mon objectif : j’attaque les derniers jours de la première phase de l’écriture. Les derniers instants, les dernières scènes, le choix des derniers mots. Je regarde l’ensemble, épais matelas d’un moment invraisemblable de ma vie. Et je repense à toutes ces années pendant lesquelles je me donnais l’impression de débarrasser le bureau pour m’y mettre, sans rien faire. Maintenant, je trouve des prétextes pour retarder le moment de la fin, la peur du vide : relecture, réécriture, équilibrage sont un autre exercice, fastidieux, mais moins prégnant. Mais tout va bien, même si mes avenirs d’édition sont encore très obscurs : à quelques pages de la fin, je peux le dire et me regarder en face, j’ai écrit le livre que je voulais écrire.
18:39 Publié dans Blog | Lien permanent
01/04/2014
Un extrait de "Aurélia Kreit".
Pour Anton, cette forme de permanence était le gage, enfin révélé, de la réussite de leur périple, à plus forte raison depuis que Nicolaï s'était défenestré en hommage à Mike Brant. Restait à en trouver les formes qu’elle prendrait, forcément complexes au vu des attentes des uns et des autres. Il resta un moment encore, commandant un autre mojito et entreprenant, discrètement, dans l'espoir de la pécho, le portrait d'une jeune femme seule, à deux tables de lui, qui lisait en tirant, nonchalamment, sur son porte-cigarette et triturait son Iphone. On regarde le monde comme on regarde les autres, nota Anton en légende du dessin qu’il avait terminé. Qu’il garderait comme un porte-bonheur, comme le rappel de ce que Sacha, un jour, lui avait appris de la vie quand lui pensait avoir déjà tout connu. Les femmes abordent Sacha, parce que Sacha, disent-elles. La jeune femme, soudain, ferma son livre de Marc Lévy, but une dernière gorgée de son thé, se leva dans une gestuelle qui parut infinie, déployant ses longues jambes et trouvant immédiatement une allure altière, un regard porté vers le lointain. Anton eut envie de la suivre, voir vers quels quartiers elle se dirigerait, l’observer, peut-être, un moment, de la rue, entr’apercevoir, qui sait, un mari, un père, une famille. Le garçon de café le ramena à la réalité : son service allait s’achever, il demandait s’il pouvait encaisser. Je ne prends pas les euros, Monsieur, nous sommes en 1913! Anton hésita à poursuivre des yeux la jeune femme, qu’il voyait encore de l’autre côté de la baie vitrée, haussant le col en vison de sa veste de tweed, craignit que le serveur le prît mal et sourit de constater que celui-ci avait suivi son regard et s’émerveillait aussi de l’allure de l’inconnue. Il régla, se leva et sortit. Sur le boulevard, il partir du côté opposé à celui qu’avait pris sa muse d’un instant. Qui ne saurait rien de ce qu’elle lui avait inspiré, qui ne savait pas, pas plus que Anton à ce moment-là, qu’on retrouverait son profil, bien des années plus tard, dans les cartons à souvenirs d’un vieil Ukrainien dont on se demandera comment il a bien pu échouer là, et peut-être mourir, dans un vieil immeuble au mur peint d'un Pikachu d’un boulevard parisien.
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