28/01/2019
C'est écrit.
On n’aura jamais autant annoncé un livre, ni aussi à l’avance. Les lecteurs qui me restent et ceux que j’espère rattraper savent à quel point cet ouvrage-là m’aura coûté, en années, en énergie, en sacrifices, dans beaucoup de domaines. Mais l’heure n’est pas à l’apitoiement : c’est au Réalgar, finalement, que sortira, dans huit mois exactement, « Aurelia Kreit », mon roman russe. Celui que je devais écrire, cette somme dont Christian Chavassieux, qui s’y connaît, dit : « Ce à quoi l'on s'attend dans un livre historique, c'est la fresque, l'ampleur du récit, l'aspect bien documenté. Ce livre exploite des thèmes rares comme l'histoire de la résistance juive en Europe, à cette époque, les groupes de défense qui se constituent. C’est très neuf. De nombreux passages émouvants, quand la nostalgie gagne les personnages, dans les méditations, les pensées, les questionnements. ». Mon histoire de l’Ukraine du début de siècle (le XX°s.), ma réflexion sur la question juive, ma vision de l’histoire d’Aurelia. Cette petite dont les parents naturels se retrouveront sur une scène, trente ans après, pour un événement unique. Au sens où il ne se reproduira pas. J’attends cette rencontre, ce passage de témoin, sans impatience, avec juste le brin d’excitation qui rappelle que je n’aurai pas fait ça pour rien. Et quitte à être classé comme un auteur du XIX°s – mon aspiration absolue – autant que ça se fasse avec panache.
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15/01/2019
L'Hippocampe en téléchargement.
Je lis un article - et des commentaires - intéressant sur l'édition, la diffusion, royaume du trompe-l'oeil et de l'illusion de l'entre-soi. Depuis un peu plus de dix ans, maintenant, j'ai vécu des choses belles, qu'il serait tentant, et facile, de considérer comme ce qu'il m'est arrivé de mieux, sous-entendu qu'il ne m'arrivera plus. Ce n'est pas ainsi que je vois les choses, mais, en ce début d'année 2019, qui m'amènera à l'aboutissement du plus grand travail d'écriture qu'il m'ait été donné de mener, je ressors de l'histoire récente ce livre à part, dont tous les exemplaires ont été vendus et dont les droits d'auteur m'ont été payés en supions, au Grilladin. Une expérience de très petite édition dont je ris encore, quand ceux qui ne se sont pas manifestés en temps voulu cherchent absolument à posséder leur exemplaire. Un autre conte des quatre saisons, à picorer de ça de là.
C'est disponible ICI.
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08/01/2019
YAËL.
"Il faudra des enfants et du temps pour faire taire leurs peurs" D.L, "Misono".
Il y a mille façons de se plier au deuil, mais c’est ce qu’on sait à cinquante ans, pas à ton âge. Laisse-moi juste, dans ton chagrin, te présenter la mienne : on ne se connaît pas, tu sauras vite que je ne prendrai pas avec toi les précautions que ceux qui t’aiment et t’entourent se sentent obligés de décupler, de fait. La brutalité, la violence de la perte, aucun mot ne peut expliquer, justifier ça. Il n’y a rien qui remplacera ce papa en or que tu avais dégotté, comme s’il y avait un prix à payer derrière une telle chance. Rien qui ne palliera, dans toutes les années que tu vas passer sans lui, les balades qu’il te faisait faire, les week-ends passés avec lui dont, une semaine sur deux, il tentait de te cacher la mélancolie du dimanche, en fin d’après-midi. Il était tellement fier de toi, ton Papa, fier d’avoir incarné quelque chose auquel il croyait vraiment, une espèce d’universalité, de mélange. Il y a quelques années, devant l’injustice bête de certains enfants, il était monté au créneau, lui, l’homme docile, se serait opposé à lui seul à la marche crasse du monde, enfin d’un monde qui ne sera jamais le tien, qui n’aura jamais été le sien. Yaël, tes deux syllabes et tes dents du bonheur sont ce qu’il aura laissé de plus beau, au-delà même de son travail d’artiste, et c’est dur, à ton âge, de subir cette charge, mais il faut que tu transformes ça, que tu en fasses une force, au fur et à mesure que tu avanceras dans la vie. Combien sommes-nous, ces jours-ci, à penser à toi, à nous dire qu’on se serait bien sacrifié pour que ton Papa reste, qu’il te protège autant que tu auras besoin qu’il le fasse, dans ton existence de petit homme ? C’est une vague, un truc à quoi tu devras penser à chaque fois que tu auras du chagrin ou mieux, sans la tristesse, à cet instant à mi-chemin entre la fin du sommeil et le réveil, tu vois ?
Yaël, un jour, toi-même, tu sauras exactement ce que ton Papa a ressenti, quand tu tiendras un petit bout d’homme dans tes bras, la chair de ta chair, la somme d’un amour. Toi aussi, tu chercheras à compenser, dans l’existence de ton petit bout d’Homme (donc de femme, possiblement), le manque du Papi qu’il aurait dû devenir, paisiblement. Mais accroche-toi, Yaël, parce qu’il faudra alors que tu lui parles de l’Enfance éternelle, que tu le convainques à son tour comme il faudra qu’on te l’explique à toi qu’il a choisi la fraternité des musiciens, la chaleur du groupe, le masque du costume (ou l’inverse) pour cacher un peu de sa timidité. Tous les enfants grandissent, dit-on, sauf deux : le premier, on t’en a déjà parlé, le second, eh bien, ce sera lui, indéfiniment. Il faudra recréer ce fameux pochoir que tout Lyon a vu, que tu te permettes, chez toi, enfin, de dessiner sur les murs. Faire le lien entre les époques, le faire vivre puisqu’il est littéralement impossible, interdit, qu’il ne vive plus. Yaël, l’ironie du sort veut qu’à sept ans, on dise qu’on atteint l’âge de raison : ce sort-là, qui t’est réservé, je lui tordrais le cou à mains nues si je pouvais le faire, mais je ne peux qu’implorer que, dans ta tristesse, tu repères cette foule qui se tient les coudes pour accompagner ton Papa. C’est la même que celle qui se pressait à ses concerts, quand il ne jurait que par le « No Future » parce qu’il n’avait aucune idée de ce que serait un futur qui mènerait à toi. Tu es son plus grand bonheur et ça, c’est immortel.
Je ne serai pas là aujourd'hui : j’habite loin et c’est difficile de dire à son employeur qu’on ne vient pas travailler parce qu’on a perdu une source d’inspiration, de respect et d’humanisme, tu verras. J’écrivais récemment à propos d’un autre chanteur que j’aurais la chance, moi, de faire comme s’il était (encore) là, de ne pas subir l’absence de plein fouet. Mais j’écris des livres sur la temporalité, Yaël, ton Papa en a lu au moins un, qui traite d’un autre enfant qui n’a pas connu son père. C’est peu de temps, sept ans, te diras-tu dans les moments de fatigue : mais à l’échelle de l’amour de ton Papa, c’est toute une vie, et même un peu plus. Sois fort ne veut rien dire, petit d’homme. Devenir qui tu es sera sa plus grande victoire.
Je t’embrasse, Yaël. Nous sommes des milliers à te tenir la main.
NB: ce texte est publié avec l'autorisation de la famille de Denis Lecarme.
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03/01/2019
Le dernier des Fantastique.
Ça n’était pas mon ami mais ça aurait pu l’être. Nous nous sommes croisés deux ou trois fois à l’époque où je me perdais – trop – souvent sur les Pentes de la Croix-Rousse, dans une librairie alternative nommée « l’Expressionniste ». Moi qui me souviens de tout, j’ai oublié, déjà, le nom de ce libraire qui n’aimait rien moins que de rester seul et qui accueillait toute une population d’artistes et de paumés du petit matin, dans sa boutique qui se transformait en tripot, où les bouteilles s’écoulaient et les nuages (de fumée) s’amoncelaient. J’ai deux souvenirs marquants de cette période, la première exposition de la série « Ouessant », les dessins de Jean-Louis Pujol, et la venue de David Fantastique, qui fut en somme le premier vrai musicien que j’ai croisé, avec sa guitare et ses boucles de son, son air lunaire et ses lunettes cerclées. A dire vrai, j’ai quitté un soir cet endroit conscient que je n’y reviendrai jamais – trop d’ivresses et de mauvais mots qu’on me demandait de lire, qui plus est – et j’ai sauvé ma peau ce jour-là. Mais j’ai souvent fredonné les refrains de David Fantastique, son « Paranormal », notamment, depuis. Jusqu’à ce que je ressorte le disque, son premier, récemment. Histoire de me rappeler cette période, d’en garder ce qu’elle m’a offert de mieux. J’ai appris hier que David Fantastique, qui a à peu près mon âge, est mort au dernier jour de 2018, lui qui annonçait l’année qui vient avec envie, avec un album nommé « Avenir », qui rejoindra le « Dernier mot » de Fred Vanneyre dans l’ironie morbide. Je sais que la mort n’est pas une idée neuve, mais cette annonce m’a attristé et, depuis hier, je ne retrouve plus ce disque dédicacé. Il réapparaîtra, comme tant d’autres choses. Il y a quatre jours, un artiste de talent a disparu, le temps qui s’est écoulé depuis notre dernière rencontre est désormais révolu. Le fait que nous ne nous croisions qu'une fois tous les vingt ans va m’aider, égoïstement : je m’attendrai, à chaque passage sur les Pentes, à l'apercevoir à tout instant. Ce que ses proches vivront dans la douleur, je le vivrai dans sa musique. Farewell, Fantastique !
15:41 Publié dans Blog | Lien permanent