06/11/2015
Fugit irreparabile tempus.
On me demande d’expliquer un prétendu passéisme : pourquoi mes écrits sont-ils, tous, ancrés dans le passé, pourquoi cette nostalgie qui affleure etc. Je ne suis nostalgique de rien, et considère avec acuité tous les âges de la vie, le mien et ceux de mes proches. Je suis fasciné par le fait que mon fils aille sur ses vingt ans uniquement parce que le nizanien que je suis resté garde un souvenir douloureux des siens. Mais je suis admiratif de l’être qu’il est devenu et me réjouis d’une indépendance qu’il a très vite acquise, de l'avenir et des choix qui s'offrent à lui. Si j’écris sur des temps passés, c’est sans doute parce que le présent s’en affranchit plus vite qu’il le faudrait et que des leçons ne peuvent être ainsi retenues : en jetant un œil sur la Russie – au sens large - du début du XX°s. ou sur la fin des années 80 comme je le fais en ce moment, il est fascinant de constater que des évidences ont été éludées et que la marche absurde du monde s’est confirmée d’elle-même. A chaque phénomène correspond la façon dont on l’intègre et c’est souvent celle-ci qui cloche, allez comprendre. En retrouvant, par l’écrit, des voix qui se sont tues depuis longtemps, ça n’est pas une réaction – sens littéral - que j’entraine, mais un retour sur la perception d’une action. Mes personnages sont bien souvent supérieurs aux êtres qui les ont précédés dans la réalité : sans doute est-ce aussi une façon de m’améliorer moi-même.
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05/11/2015
Flash.
Plus de deux mille photos cumulées en plusieurs années, disparues d'un seul coup, retrouvées miraculeusement, qui défilent sous mes yeux en moins de deux minutes: l'impression étrange de vivre le cliché de l'ultime anamnèse.
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04/11/2015
Rapport de stage.
Il faudrait juste demander
Pardon pour le chagrin vécu
Et reconnaître in fine
Que ce qui était là n’est plus ;
Qu’il n’y aura de résurgences
Qu’à la fortune du hasard,
D’une impression ou d’une essence
Que le destin ramène, hilare.
Le séneçon laineux ainsi
Que la fétuque rouge, conjoints,
Colorent les champs définis
D’une esquisse des jours anciens ;
Les cris des fulmars boréaux
Riant de la tristesse humaine
Ne laisseront à ce héros
Que l’issue héraclitéenne :
Le fleuve jamais ne repasse
Le cours des amours effacées ;
On peut en espérer la trace
Sans plus jamais la retrouver.
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03/11/2015
Généalogies.
C’est l’histoire de quelqu’un qui s’est demandé pourquoi on avait dit de Marie-Pauline P., née en 1863 de parents inconnus, qu’elle était sans doute péripathéticienne quand on l’a pourtant déclarée domestique, en même temps qu’indigente, le jour où l’on a déposé le fils qu’elle venait d’avoir à l’Assistance Publique. C’est l’accoucheuse - Hélène N., qui a mis au monde le jeune Louis-Marius P - qui fait cette déclaration, alors même que Marie-Pauline est employée chez elle, rue Duquesne, dans le 6ème arrondissement de Lyon. Drame bourgeois - bien qu’anticonformiste, puisque Hélène N. et Louis L. n’étaient pas mariés - amours ancillaires? Monsieur L., restaurateur, aurait-il fauté avec la servante, laquelle s’est quand même acquittée de sa tâche en mettant l’enfant au monde, puis en prenant en charge les procédures d’abandon ? Ou Madame N. tenait-elle elle-même une de ces maisons closes dans lesquelles on suivait les filles à qui la contraception avait échappé ? Toujours est-il que le jeune Louis-Marius, après avoir connu trois familles d’accueil, rencontrera un jour Marthe P., qui mettra au monde Edouard, lequel donnera naissance à celui qui cherchera à en savoir plus sur Marie-Pauline. Qui découvrira des choses curieuses, comme le fait qu’elle était l’enfant naturelle de Adèle P., lingère de son état. Que le père, déjà, était inconnu, ce qui en fait deux sur deux générations… Qu’Adèle P. habitait Impasse Monsieur – ce qui ne s’invente pas, toujours dans le 6ème, que cette impasse s’appelle maintenant Impasse Molière. Que Marie-Pauline P. retournera vivre dans le Jura où, alors qu’elle est déjà âgée de 46 ans, un âge respectable à l’époque, elle prendra pour époux un homme de quatorze ans son cadet, sabotier, portant le nom de Marie-Alphonse M. Ce jour-là, le maire, Isidore M., lui attribue la qualité inédite de lingère.… Un mariage qui ne durera que six ans, puisque Marie-Pauline mourra le 24 juin de 1916, en l'absence de son époux vraisemblablement mobilisé. Pour quelles raisons Marie-Pauline s’est-elle réfugiée dans des terres qui désormais abritent vingt-deux habitants du même nom sur une zone restreinte de trois communes ? Que faisait l’homme qui l’a recueillie, était-il veuf, libre-penseur, recueillait-il une de ses anciennes amours au crépuscule d’une dure existence ? Il n’aura évidemment pas d’enfant avec elle, mais la vie qu’ils ont terminé de mener ne sera donc pas restée vaine.
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02/11/2015
Jour des morts.
Tous ces gens qu’on a connus, aimés, dont on croyait, enfant, qu’ils seraient toujours là, que rien ne changerait jamais, et dont on ne sait pas où ils sont, maintenant : l’incroyance est de la même nature que la croyance, c’est un paradoxe. Je garde l’idée que je les reverrai, tous, d’une façon ou d’une autre. C’est un peu comme espérer gagner à la loterie sans jamais y jouer.
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01/11/2015
Concomitantes.
Cette angoisse qui monte dès qu’un projet est terminé, la crainte de subir les foudres de ceux qui ne vous autorisent pas à vous emparer d’un sujet qu’ils voudraient ne garder que pour eux. Celles de ceux qui vous reprocheront de ne pas les avoir sollicités et qui feront une lecture centrée sur cette frustration-là. Pourquoi écrit-on, pourquoi soumet-on à la lecture, à chaque sortie, les mêmes questions se posent jusqu’à ce que un, puis deux, puis plusieurs avis plus neutres, moins investis, vous disent qu’ils ont aimé, la démarche, l’intention, l’écriture. Hier, j’ai assisté à la projection du film de Curro Sánchez Varela sur son père : un beau documentaire que ce Paco-là, avec ses qualités - le fait qu'il se confie à son fils nous permet de voir un Paco détendu, ce qu'il n'a jamais été avec les médias, quels qu'ils fussent, depuis ses premiers succès et une barre à placer continuellement haute, sous peine d'être fustigé, ce qui l'a aigri, selon ses propres termes - et ses défauts, comme le fait de ne pas aller assez loin dans sa relation avec Camaron, ou l'ellipse totale des femmes de son parcours. Mais un Paco attachant, qui prend Diego, son petit dernier, à parti en lui demandant si son Papa est l'homme à l'exigence incommensurable qu'on décrit (et qu'il ne dénie pas être) ou celui qui aime rire tout le temps, ce que confirme Dieguito, qui ne sait pas que deux mois après ces dernières images, son Papa, en jouant au foot avec lui... Un bon moment, rien de très inédit à part deux-trois archives audio (un duo avec son père!), mais le beau regard d'un père sur son fils, comme on rêverait qu'un fils nous regarde un jour. Ce film-là, j’ai eu la drôle d'impression d’en avoir écrit le scénario: rien d’étonnant, parce que tout a déjà été dit sur Paco, et que je ne rajoute que ce que la fiction me permet de rajouter. Mais bon, alea jacta est. Et je me suis posé les mêmes questions à propos de « Tébessa », alors…
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