04/06/2024
You can't teach monkey tricks.
Si ça continue, il va falloir que cela cesse : ce blog – poétique et critique, c’est écrit dessus – n’a pas vocation à devenir une espèce de surstephanepetrierlolo.com : j’ai une vie, une œuvre et très peu de propension à les effacer au profit de celles des autres. Mais je lis, j’écoute, je vais voir et, souvent, je restitue. Quand il m’a confié son nouvel opus, Stéphane Pétrier, j’ai éprouvé, immédiatement, les mêmes réserves que celles énoncées à la réception de Kill The Dog, mais elles ne concernaient, de prime abord, que l’édition elle-même, la mise en page et les difficultés de lecture afférentes. C’est l’auteur de deux romans de 400 pages en caractère 11 qui vous parle, autant dire qu’on peut tout à fait balayer mes réserves d’un revers de main. Ainsi donc, dans la même veine, Pétrier ressort-il, 6 ans (quand même !) après son premier roman, une réédite des aventures de son avatar (Stéphane, à ne pas confondre avec la remarquable figure féminine du même prénom, en référence à Stéphane Audran, dont les romanciers ne parlent pas suffisamment). Kiss The Monkey après Kill The Dog, on est au moins dans l’anamorphose animalière, et il se pourrait que Marguerite, la vache philosophe, ait pris une option sur le 3e volume. Blague à part, l’auteur file sa métaphore dystopique et place ses personnages improbables dans une société à la Mad Max – c’est revendiqué - où la guerre civile bat son plein, les Français Libres, par antiphrase, contre ceux qui essaient de préserver un minimum leurs acquis. Ainsi, l’assez agaçant personnage central, à l’aquabonisme revendiqué qui n’empêche pas d’avoir envie de lui mettre des baffes – au contraire d’un Simon Polaris chez Dubois, par exemple – traîne sa misère d’une vie riche et ratée à Lyon, d’un handicap de la paternité à une soirée parisienne branchouille où, à défaut d’y rencontrer Robert Smith, il croise le regard et l’existence d’une chanteuse de variétés au surnom grotesque, Cindyrella, qui a au moins le mérite de le préserver de son traumatisme enfantin, Alice au Pays des merveilles (dommage, le roman de l’homme aux huit salades est remarquable). Puisqu’elle tweete contre ces ploucs endettés et décérébrés de la France libre qui ont fait annuler un de ses directs, et qu’elle leur balance par la fenêtre le seau de pisse et d’exécréments de son singe fêtiche, Brad Pitt, ils sont condamnés à prendre la fuite (mais pas à Varennes) dans la clandestinité, à bord d’une mini rose, avec son copain gay et son compagnon, pour finir dans une ferme de survivalistes qui voient enfin leur prophétie de fin du monde se réaliser. Ouf, c’est bon, on est dans la fatrasie la plus absurde et Pétrier y va fort, s’appuie sur les trois derniers albums qu’il a écrits et composés (seul ou avec son Voyage de Noz) pour théâtraliser le désastre. Si, si, j’ai vérifié, entre les flammes hautes de l’incipit (ou presque), l’énumération des dérives bio et bobo du Bagdad Disco Club, de la zone libre et du van (mais pas jaune, pour le coup) de ISQLF, jusqu’à la petite pute que serait la vie de l’Homme coupé en deux, l’auteur a lâché les vannes de ses névroses et ses obsessions. S’acoquine, son grand dada, à vomir partout, à parler cul, bite et couilles (de Jésus), sortir de l’image qu’on peut avoir de lui, qui a lassé son avatar. L’euphémisme dira que je ne suis pas fan des dialogues, plus efficaces quand ils sont resserrés (comme aux p°109-110). Sinon, il y a un autre bestiaire, politique celui-là, puisqu’on trouve un Giscard tatoué dans le dos d’un molosse, Mitterrand (et Mazarine) de ci de là, Bayrou (créature inoffensive, insipide et flasque) mais aussi Nadine Morano. Les références propres à l’auteur, Baudelaire, Lautréamont, Billie Holliday, Depeche Mode ou Starsky & Hutch. De belles pages, comme dans le premier, sur l’enfance, la sienne, celle de son fils qu’il n’a pas su intégrer. Sur la perte du père, les moments (de nage) partagés. Et des souvenirs scolaires sur les boums, les humiliations. L’intervention d’une dénommée Séverine qu’il n’avait pas calculée et qui met fin avec courage au supplice d’un souffre-douleur, quand lui se tait et se cache dans la meute. Pour faire appel à son courage, il faut d’abord avoir peur. Séverine n’avait pas eu peur, écrit-il. C’est juste et c’est beau, et ça me parle davantage que la mascarade – le mot est de l’auteur – que vit l’attelage improbable. Le roman s’achève dans sa construction cyclique, sur une forme de rédemption, sur fond de Beatles – on ne pouvait pas y échapper - et c’est bien. Finalement, la seule faute de goût, pour l’auteur d’un contrit Saint-Étienne sur son dernier disque, ça aura été de nous replacer la métaphore Beau comme un coup-franc de Juninho*, sans comprendre qu’il faisait, là aussi, référence à un temps passé et corrompu. C’est fini, tout ça. C’est lui qui le dit.
*vraisemblablement imposé, sous la contrainte, par celui qui, dans le cas contraire, ne serait pas devenu son producteur musical !
17:10 Publié dans Blog | Lien permanent
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