26/09/2019
Le roman d'Aurelia (89-19 13/15)
Les lecteurs les plus pugnaces auront fait le lien d’eux-mêmes : si l’histoire d’AK est née de l’imagination d’une bande de jeunes qui en ont déduit une matière créatrice, s’ils l’ont exploitée en chanson mais si rien de tout cela n’est vrai ou vérifié, si le mythe qui s’est créé n’a de source que l’élan qu’ils lui ont donné, alors, me serine-t-on gentiment à longueur de journée, jusqu’à ce que ces notes se terminent : mais qui est la petite fille, alors, sur la photo de couverture ? « L’image qu’il s’accordait, c’était Aurelia devenue grande, huit, dix ans, droite devant une table fleurie, cheveux de jais longs jusqu’aux coudes, robe côtelée noire et chemise à fleurs fines, fixant l’objectif de ses grands yeux sombres. Cette image, Anton la tenait d’un cliché – rare – de sa mère, mais quand son esprit s’abandonnait, c’est Aurelia qu’il voyait comme ça. Où cela se situerait-il ? Les fleurs sur la table, le confort d’un mobilier bourgeois, tout prouvait qu’ils réussiraient, Aurelia étant à la fois le risque majeur qu’ils prenaient et l’obligation qu’ils avaient de réussir. » dit le roman, qui retrouve la photographie par le jeu des époques superposées, jusqu’à l’avenir qu’on devine. Le cliché initial la voit en pied, il y a une date : 1917. « Aurelia Kreit » s’achève en 1914, il fallait donc mentir, ou, du moins, arranger la réalité : l’écriture est aussi une affaire de faussaire. La photo a été retouchée, la date effacée et les pieds de la jeune fille, ses chausses solides, qui ont pourtant un temps fait figure de rappel dans la partie supérieure, n’ont pas survécu au choix final, contraint par la définition d’une image dont l’original a disparu, depuis bien longtemps… Alors, qui est cette jeune fille sur la photo ? La question est aussi vaine que légitime : elle revient à demander à l’alchimiste si sa recherche de la panacée avance. Et puis quoi ? Ce serait Rosemary la téléphoniste ou la grand-mère d’un surgé du lycée Saint-Ex de l’époque du groupe que ça ne changerait rien. Ça n’est pas moi qui l’ai mise en avant, pas moi qui en ai fait une affiche, un flyer, un code de ralliement. Personne ne s’est posé la question, dans le premier temps de sa vie : elle était Aurelia Kreit, ça suffisait, comme un Gaffiot dans le métro, pour qu’on se sache entre initiés. « Nous ne sommes pas un groupe à textes, et les mots ne sont là que pour faire chanter la musique », prévenait pourtant Tito, déjà. S’il veut mon avis, rétrospectivement, c’est raté, à part pour la musique. Aurelia, c’était elle, déjà, « voyageuse par obligation, romantique par nature mais aussi timide jusqu’à l’autisme », disait-on. Tout ce qui fait le sel des angry young men que nous étions et que nous sommes en partie restés. La preuve : cette belle photo d’Aurelia ornait les murs du très jeune homme que j’étais, à côté du poster d’Alain Larrouquis ; maintenant, elle occupe une belle place dans ma bibliothèque et, très vite, j’espère, dans celle des autres.
Ces chroniques racontent la genèse et l’édition du roman « Aurelia Kreit », paru aux Editions Le Réalgar.
Présentation du roman le 28 septembre à 14h30 à la librairie du Tramway et à 20h à la MJC Ô Totem de Rilllieux, pour la reformation sur scène du groupe (couplée aux 30 ans du Voyage de Noz).
06:36 Publié dans Blog | Lien permanent
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