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25/09/2019

Le roman d'Aurelia (89-19 12/15)

violonlong.jpgElle a été la première du groupe à montrer un intérêt suivi à mon projet, puis à mon travail. A se demander ce qu’allait devenir Aurelia sous ma plume. Elle fut à l’époque l’incarnation de la particularité d’AK, la marque classique dans une formation new-cold wave (je n’ai jamais vraiment compris ce que cela signifiait), celle qu’un imbécile – je m’en souviens – brocardait de la salle avec un jeu de mots pourri et récurrent. Il y avait deux filles dans Aurelia Kreit, l’une était blonde et éthérée, gueule d’ange et d'actrice inatteignable, réfugiée derrière ses lunettes et ses claviers ; l’autre était brune, coupe en brosse post-punk, envoyée au casse-pipe du devant de la scène à chaque fois que son violon entrait en lice. Peu d’images mentales, je l’ai dit, ou alors celles reconstruites par le biais des photos, récemment ressurgies. Sauf que Mumu, puisque c’est elle, a été à la fois la plus pugnace dans le suivi et la plus réservée sur la reformation, au vu du travail dantesque qu’il allait falloir fournir. On ne remonte pas à violon aussi rapidement qu’on réapprend le vélo, surtout quand il s’agit de se produire devant un public qu’on attend nombreux et impatient. J’ai pris la liberté de lui envoyer un message, qu’elle m’explique, sans rien dévoiler, comment les membres comptaient s’y prendre pour reconstituer le combo ; nous avons échangé - comme le faisaient les gens de notre âge par d’autres modes, à l’époque d’AK – elle m’a confié sa joie de retrouver ses amis tels qu’elle les avait laissés, quelques rides en plus, ses craintes liées à la mémoire, à l’arthrose des musiciens ; le refus qu’elle a essuyé quand elle leur a demandé si elle pourrait avoir un pupitre (et tu veux pas jouer assise, pendant que tu y es ?), les réflexes qui sont revenus et, après les échanges numériques entre les uns et les autres sur leurs parties, la première répèt’, comme à la Mi-Graine, mais trente-deux ans après. L’un est à Paris, l’autre un peu partout, il y en a trois sur Lyon, ils ont trouvé une maison de campagne au-dessus de Condrieu (pas folles, les guêpes !), se sont appuyés sur un nouveau membre (Jérôme, qui prend la basse et laisse Tito se concentrer sur la voix) qui joue déjà avec deux des autres dans Nellie Olson. Des décisions de changement de tonalité ont été prises, chacun a bossé chez soi sur les enregistrements d’époque, transposés, pour certains. Il y a eu du réel, du WhatsApp, Raphaëlle a dû apprendre les derniers morceaux joués après son départ, quand une dénommée Sophie – que je n’aurai jamais vue sur scène – l’a remplacée (pas longtemps, de fait). Et Muriel, alors, a repris son violon, sans savoir que ça lui procurerait autant de plaisir. Elle m’a avoué que, quand on lui a proposé une reformation, fût-elle « unique », comme indiqué sur l’affiche, elle a compris que j’étais associé au projet et, dit-elle, tout (s)on être l’a refusé : AK, c’était désormais mon roman, elle avait tourné la page, avec un peu de mépris pour la Mumu d’avant, insouciante, légère et inconsciente. Sont-ce les mots de JJ, ceux de Stéphane qui l’ont convaincue, ou la conscience, justement, qu’on est jamais vraiment que ce qu’on a été et ce qu’on sera. Elle dit vouloir partager ça avec ses filles, de jouer les morceaux d’hier avec ses oreilles d’aujourd’hui ; s’est mise une pression de dingue tout en se disant que rien de ça n’est grave. Elle le sait, depuis qu’ils ont refait corps, ensemble, rien ne peut leur arriver. Quand elle aura fait sa partie, c’est la mienne qui commencera, la lecture des autres et le jugement de l’autre. Où en sera-t-elle du roman, dans le train qui la ramènera à Toulouse, quand il s’arrêtera, à peine le temps de lever le nez, dans la gare de Sète ? Son Aurelia sera venue, de très loin, dans le temps, passer le relais à la mienne : nul doute qu’elles auront encore beaucoup à se dire.

Photo: Lucien Ageron

Ces chroniques racontent la genèse et l’édition du roman « Aurelia Kreit », paru aux Editions Le Réalgar.

Présentation du roman le 28 septembre à 14h30 à la librairie du Tramway et à 20h à la MJC Ô Totem de Rilllieux, pour la reformation sur scène du groupe (couplée aux 30 ans du Voyage de Noz).

 

07:15 Publié dans Blog | Lien permanent

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