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16/05/2012

Au Colophon des routes (2/4).

DSCN2436.jpgLa Maison du Bailli, qui accueille la librairie, l’atelier de typographie et le musée du même nom, abritait la maison de justice des seigneurs de Grignan, au XVIème siècle. Le juge, le bailli, y était accompagné d’un lieutenant, d’un procureur et d’un greffier. On n’y trouve plus maintenant comme reliques que la prison, une geôle dans laquelle ont dû échouer quelques prétendants à l’indulgence du jury. Qui écrit – dira plus tard Isabelle Kauffmann – les pages de ces deux jours quand les auteurs viennent les lire. C’est le sel de ces rencontres d’amateurs, au sens littéral. Chacun des membres du comité les a préparées, attendues, les meilleurs plats ont été faits la veille, les plateaux de mignardises et de tartes maisons s’enchaînent, les sirops, les thés des écrivains, le Domaine de Montine aussi, qui rend les gens un peu plus enjoués, encore. Dans la cour aux acacias, les tables en forme de panneaux de signalisation ponctués d’esperluettes ou d’autres points, abritent les discussions off, celles qui précèdent les rencontres ou qui les refont. On a tellement débattu, déjà, dans ce collectif, on a noté, annoté, contesté. Des œuvres ont fait l’unanimité, d’autres ont gêné. Je sais depuis le départ que « la partie de cache-cache », ce livre dont je dirai plus tard qu’il fait taire, a justement beaucoup fait parler. On a ramené à la surface l’impossibilité qu’auraient des enfants de 11 ans de s’exprimer comme ils le font. Cet argument dont René-Pierre Colin m’avait prévenu, m’annonçant que le roman susciterait des réticences. Remontant des origines du « stream of consciouness », ou même du style indirect libre. Depuis les temps anciens, on reproche aux romanciers, m’a-t-il écrit, de prêter à leurs personnages des pensées qui excèdent leur entendement. Et que donc, là, on s’emparerait de l’âge des enfants. Oubliant que dans « lignes de faille », Nancy Huston descend jusqu’à quatre ans. Peu importe, si elle est là, « la partie de cache-cache », c’est bien parce qu’elle est légitime et que le jury l’a décidé. Je ne vais pas non plus m’imaginer que si on semble moins venir vers moi que vers d’autres, c’est pour d’autres raisons que pour mon physique intimidant et ma veste noire ! Je sais qu’à un moment, on me laissera en parler et que j’aurai, tiens donc, cent minutes pour convaincre. Pour rassurer sur mon état mental. Christelle Guy-Breton, qui finira Docteure en cacharologie au vu des notes qu’elle a prises sur mon petit roman, en est convaincue et c’est bien là l’essentiel : il y a de l’humour, aussi, dans cette tragédie berrichonne en trois actes. Et même le dénouement, comme pour « Tébessa, 1956 », n’est pas aussi pathétique qu’on veut bien le penser. On en n’est pas là. Pour l’instant, après Isabelle Kauffmann, c’est Tatiana Arfel qui va parler de ses clous. Le public s’est rabattu à l’étage, mistral oblige, froid tombant également. Cette jeune fille est pleine d’assurance, publiquement, elle fait état de ses multiples petits boulots et de la façon dont on l’a perçue, dans l’entreprise, et dont elle, diplômée de psychologie, l’a perçu, le monde du travail. Du vrai travail. L’entretien est bien mené, très vite, pourtant, les réactions virent au réquisitoire politique. Dommage, j’aurais aimé qu’on s’arrête sur ses personnages secondaires, les sans-grades, Roman, Sélim, sur la liberté qu’apporte le livre à l’individu puisque nous nous sommes là pour ça et que eux nous le disent, dans le roman. Tatiana a des origines russes et quelque chose dans le regard nous le laisse penser. Je pense à Aurelia, dont j’ai très vite parlé pour me sommer, comme à chacun de mes passages en librairie, de faire ce que j’ai dit que je ferai. Ça doit être ça, la littérature : une question d’intention, au départ. J’en ai parlé et Isabelle Kaufmann a renchéri : elle connaît très bien la littérature de l’Est et l’école dite du roman russe. Carole Martinez a trouvé passionnant que je passe des heures sur la hiérarchie dans les usines de production de sucre en 1905, en Ukraine. Pour quelques lignes de roman, censé couvrir treize années d’exil…

Les tables rondes du samedi sont terminées, c’est le lâcher-prise, maintenant: le Montine prend le pouvoir. L’errance dans Grignan tournera court : on ne bouscule pas comme cela les habitudes d’une ville médiévale. On murmure beaucoup, ici, dans la Collégiale, on n’y supporte pas les chuchotements : c’est le signe du départ, la fin du début des Rencontres du II° titre. Rencontres à plus d’un titre, forcément.

19:52 Publié dans Blog | Lien permanent

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