14/10/2015
Bluette.
Parce que, disais-je, ce travail-là n'a pas connu les suites qu'il aurait dû connaître. C'était il y a quatre ans et demi, ça me semble une éternité, mais c'est un pan important de mon "oeuvre". Alors j'ai cherché des Tournesols et je les ai collés sur la chanson, rien de plus.
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13/10/2015
Transports.
La salle d'attente du cabinet de médecine est à la fois un des derniers bastions de l'égalité, et un sommet de libéralisme: de la façon dont elle jaugeait les personnes arrivées avant elle, j'ai bien compris que pour cette dame, sa vie avait plus d'importance que les nôtres. Alors je l'ai regardée avec douceur quand le médecin est entré dans la salle, comme si, oui, ça y était, les autres, dont moi, avaient compris qu'il fallait qu'elle passe la première. J'ai étouffé ces mots-là, indistinctement, au moment où je l'ai frôlée, sans plus lui porter d'attention.
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12/10/2015
Les Noces de Camille.
Ce week-end va être chargé: outre le rôle de médiateur littéraire qui m’a été confié pour « les Mots en scène », samedi & dimanche toute la journée, avec des rencontres qui font saliver d’avance, je serai avec Isabelle Flaten dans la si belle galerie du Réalgar, le vendredi à 18h30, pour les « apéros-lecture » des Editions du même nom : deux auteurs à chaque fois, des mots qu’on échange mais pas de ceux qu’on échange quand il y a échange de mots. Des lectures croisées, en ce qui nous concerne : je dirai les mots d’Isabelle, ceux des « Noces Incertaines » et de « Se taire ou pas », elle dira ceux de « Valse, Claudel » et, paraît-il, quelques-uns, d’autres, en avance sur leur temps de sortie. Le temps d’une Valse, donc, d’un verre échangé. Après, je file : dix-sept entretiens à orchestrer sur les deux jours d’après, ça nécessite un minimum de sommeil.
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11/10/2015
Stichomythie.
Tu es la personne qui m'a le plus souvent dit que j'avais tort sans jamais te demander si tu ne te trompais pas.
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10/10/2015
Quelqu'un d'autre.
C’est avec curiosité et sans – encore – avoir lu un de ses livres que je suis allé écouter Olivier Martinelli, ce matin, à la Médiathèque André Malraux, en plein cœur de la Cité, vers l’étang de Thau. Ma première sortie sétoise pour un auteur du cru, ce qui ne veut rien dire, j’en conviens : j’ai suffisamment faussé les pistes en m’aventurant dans le Berry, le Béarn ou d’autres contrées pour qu’on abandonne l’appellation auteur lyonnais pour ne pas l’infliger, sous d’autres formes, à quelqu’un d’autre, mais je sais aussi à quel point, même ici, être de quelque part vous détermine. Mais enfin : Martinelli, donc, dont Daniel Damart, du Réalgar, m’a parlé le premier, avec lequel j’étais entré en contact, déjà, mais que j’ai vu pour la première fois lire des extraits de son dernier roman, « Quelqu’un à tuer », accompagné à la guitare par Luc Panel, des airs de René Belletto, qui vit de son art dans la grande ville voisine. Un de plus, que je rencontre, et croiserai peut-être aux Internationales du même instrument, la semaine prochaine, quand j’irai voir Vicente Amigo me conforter (ou pas) dans la justesse de mon prochain roman… Olivier Martinelli a 47 ans, enseigne dans le lycée au bout de ma rue, aime tellement la musique que, par respect pour elle, a arrêté d’en faire, a écrit un roman remarqué ayant pour fond la guerre d’Algérie et ancre son dernier dans le contexte de la Guerre d’Espagne… Il a décroché un Prix au nez et à la barbe d’une auteure connue, qui s’est vengée sur le Goncourt, et se demande, à chaque rencontre, s’il faut encore en parler tellement on la connaît elle et tellement on le connaît peu… Pour ceux, qui suivent, et qui pensent que je me suis (encore) inventé un double, je vous assure, ce n’est pas de moi dont je parle, mais bel et bien d’un auteur dont la musique (des mots) est supérieure au genre que la couverture revendique, quelqu’un dont l’écriture est affinée, mélange de psychologie et d’histoire, quelqu’un qui a appris des auteurs américains, John Fante et Salinger en tête, que l’écriture vient des tripes et non pas des diplômes. Un auteur qui explore les tréfonds des âmes tout en revendiquant une douceur d’être, une vie tranquille, sans les affres de la création, preuve, du coup, que ce n’est pas moi. Son ami Luc l’accompagne à la guitare, les rythmes sont flamencos, doux, faussement primesautiers. Je ne peux m’empêcher, en fin de rencontre, de contredire gentiment une dame qui pense que la musique allège un peu le propos, dur, des mots : ça n’est pas ça, le flamenco, c’est aussi une façon, festive, d’aller chercher ce qu’il y a de plus sombre en soi. Les deux faisaient donc, aujourd’hui, le même boulot. L’homme est avenant, cultivé, il a exploré tous les genres alternatifs de l’édition, allant, c’est osé, jusqu’à créer, avec des amis, sa propre maison, il avoue, du coup, avoir coulé les trois quarts de celles qui l’ont édité, il a un regard sur l’édition nationale, se rappelle de ce que lui a dit René Fregni (vieux souvenir d’une interview que j’ai menée pour « Jules & Jim »…), que tant qu’il resterait petit prof de province, il pourrait toujours attendre. Pour pousser le mimétisme, s’il el fallait, l’homme revendique une relation avec son éditeur, a franchi, déjà, les premiers échelons de l’édition blanche, jamais les derniers, s’appuie sur son succès d’estime et la reconnaissance d’un réseau qu’il s’est construit par la force du poignet. De quoi donner envie de le suivre, ce qui est déjà le cas, si j’en juge le public d’une rencontre matutinale en Médiathèque. Puisqu’on ne s’est pas – encore – croisé en Salon, sans doute nous échangerons-nous nos livres, sur la place du village. Nos expériences d’édition. Des contacts, aussi, que je puisse venir présenter mon quatuor « Littérature & Musique » et mes romans dans une ville qui ne me connaît pas. Quelques disques enfin, vraisemblablement : dommage que je n’aie plus le matériel idoine, je lui aurais volontiers refait une K7 de « Echo & The Bunnymen », tiens.
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09/10/2015
Couch Potatoe.
Les Russes voulaient croiser des hommes et des grands singes pour créer des soldats plus résistants : l’homme occidental moderne, sur son canapé, s’est de lui-même transformé en moule, c’est moins risqué. Paraît-il.
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08/10/2015
Que nous disent les arbres de ce qu'on ne sait pas?
Otages Intimes, de Jeanne Bénameur, justifie le pluriel de son titre par le croisement des récits d’une seule libération, de soulagements multiples et d’angoisses diverses : quand Etienne, photographe de guerre, est libéré de sa condition d’otage dans un pays dont le nom n’est pas dit, mais que l’inconscient collectif saura situer, quand il recouvre la vue, le mouvement et la conscience d’être autre chose qu’un objet, d’échange ou d’avillissement, ça n’est pas que son existence qui bascule encore, mais celle, également, de ceux qui l’ont aimé et attendu. Différemment, en s’en cachant, en renonçant à l’attendre : renoncer à attendre, c’est déjà partir de l’attente, rien n’y fait. Dans le lot, il y a les deux avec lesquels il composait un trio inoxydable, Enzo, l’homme des bois, l’homme des arbres – lesquels, avec le jardin, sont un élément essentiel du roman – celui qui laisse parler son violoncelle parce que ce qu’il dit est plus important que le silence qu’il romprait par des paroles, Jofranka, la flûtiste, qui a consacré sa vie aux femmes qui souffrent des guerres que les hommes se mènent, continuellement. Ces trois-là ont vécu, dans l’enfance, le pacte du sang, les premières amours, celles qui font que l’un des trois va partir, et les deux autres s’essayer puis se séparer. Ils se retrouvent, tous, même si Jofranka n’arrive jamais qu’aux deux tiers du roman, dans la maison de Irène, la mère d’Etienne, celle qui s’est vouée à l’attente, d’abord d’un mari marin, disparu en mer, dont elle aura su, un jour, qu’il avait une autre femme, qui l’aura attendu plus longtemps qu’elle, ensuite de son fils, icône quotidienne des journaux télévisés, plaie béante en elle-même : Jeanne Bénameur écrit des lignes sublimes sur l’ombre des mères (« un fils ne sait pas ce que cache le front d’une mère »), sur le rapport de cette petite vieille au jardin, à la terre, genoux cagneux et mains bien ancrées dans le sol. Etienne y dormira, lui, dans le jardin, une fois rentré dans la maison d’enfance, pour toucher le sol, les arbres, sentir la vie, se retrouver. Otages Intimes est le récit polyphonique des éternels retours, et l’auteur joue du trompe-l’œil, en croisant les énonciations, au détour d’une phrase : qui parle, du narrateur aux personnages, qui mène cette réflexion à voix haute, avec ses figures d’insistance (la répétition, la disparition des points), qui passe de elle à on pour désingulariser quoi, la rage contenue d’Etienne, la sagesse rentrée d’Enzo, les regrets assumées de Jofranka ? Qui dit « il oubliera, je le sais », suivi d’un « j’oublierai d’être attentif », lié au goût du pain, qu’on a délaissé jusqu’à ce qu’on devienne une bête dont le décompte des jours se fait en nombre de gamelles données ? Les récits d’un même retour se croisent, donc, et se doublent de tout ce qui n’avait pas été dit avant : des secrets que je ne dévoilerai pas ici, des scènes entrevues d’angles impossibles, des mots qui ne sont pas sortis quand on les a attendus. Il est beaucoup question d’écriture, aussi, dans « Otages Intimes », et l’auteur se dévoile par pointes, comme dans tous les bons romans : on trouve refuge dans les mots d’un dictionnaire, celui du père, le double qu’on rejette avec adoration, les lettres qu’on ne lit pas, celles qu’on écrit sans attendre de réponse : les mots, glisse Jeanne Bénameur, quels qu’ils soient, sont désormais inutiles. Il ne faut pas attendre, nous dit-on dans ce livre dont l’attente est la genèse, celle des femmes, des amis, amours, amants. Le piège du sujet simple et empathique (le difficile retour du fils prodigue, le « pourquoi moi » du rescapé) est évité avec maestria. Même les personnages « secondaires », allégories de la vie qui a passé depuis (Franck, Emma) touchent au plus juste. Le rappel, bien distillé, de ceux qu’il a croisés « là-bas » aussi : la femme aux enfants, figure obsessionnelle du tableau de son rapt, le vieil Arabe qui l’avait emmené chez lui pour qu’il joue du piano et sa servante (Elfadine) également. Parce que c’est la musique, celle des mots, celle du trio et celle que sa mère joue pour lui, celle dont il s’est efforcé, à chaque seconde de sa captivité, de retrouver et jouer mentalement les notes, qui l’emporte, dans ce roman. Sans la musique, la vie serait une erreur, la citation apocryphe de Nietzsche vient spontanément à l’esprit, quand on lit « Otages Intimes ». Mais elle se double de la certitude que vivre sans l’avoir lu serait une perte de temps.
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07/10/2015
Manuel de l'anti-nostalgie: "la partie de cache-cache" a 5 ans (5/5).
Et puis il y a cette permanence que j'aime tant, le rôle que jouent, après qu'on les a laissé partir, les personnages qu'on a créés. La réaction, vive, des élèves de 2nde d'une classe de Saint-Etienne qui m'ont reproché le choix de la fin, privilège du démiurge. La façon dont Emilie, ma petite Emilie, reste dans un coin de ma tête, avec les deux autres, certes, mais plus distants, davantage livrés à leur propre vie (ou mort). J'ai mis plus d'années à écrire ce livre que j'ai mis à écrire les autres, celui en cours excepté. Parce que j'avais renoncé à le faire, parce qu'il m'a fallu reprendre le manuscrit plus d'une fois, me détacher des personnages pour leur donner vie. Cette femme-médecin, lors d'une rencontre, convaincue que j'étais asthmathique parce qu'on ne pouvait pas écrire les lignes que j'ai écrites sur la maladie sans la vivre soi-même m'ont convaincu que j'avais eu raison de m'accrocher. Les premiers mots en retour, à l'époque, du grand romancier de "l'Affaire des Vivants" aussi. Je les ai gardés en mémoire, ils me reviennent aisément, et me disent qu'on n'a jamais vraiment le choix quand on écrit des romans: on n'arrêtera que quand on aura tout dit.
18:29 Publié dans Blog | Lien permanent