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27/11/2025

APOCALYPSE NOW.

att.RjamlZVAs_QHoPTZ7Ppbs4FXYVhj_3wgB0acfKp-9YI.JPGIls sont jeunes et plein d’allant, ces artistes qui viennent s’emparer de l’Open Space pour présenter leur vision de leur Apocalypse (Now), en réponse à ce qui n’était, il y a 50 ans, que les prémices de ce qui les attendrait aujourd’hui, un truc que les parents de leurs darons leur ont cédé jusqu’à ce que ce soit eux qui en héritent. Ils traitent des sujets de leur époque, privée de l’insouciance à laquelle on a eu droit et qu’ils n’ont pas ou peu connue. Eux sont les héritiers de beaucoup d’artistes mais savent qu’on ne fait pas d’œuvre – et encore moins d’œuvre commune – sans s’affranchir de ses ainés, souvent pesants. Ainsi Simon Conti montre-t-il des corps enchevêtrés, calcifiés, des visages effacés, des silhouettes suspendues au vide pour témoigner d’une complexité des identités, de tous les déchirements possibles ; ainsi Didipizi, sous des allures (presque) ludiques traite-t-il des pouvoirs et de la façon méthodique dont l’homme travaille à sa disparition ; ainsi Vinny Murano cache-t-il derrière d’immenses fresques colorées aux allures de manga des entrailles, des abysses et les déchirements de l’être humain ; ainsi Louis San s’empare-t-il, via ses chevaliers de l’Apocalypse ou la jeunesse retrouvée des Beatles l’idée d’un monde 1) qu’on a perdu 2) qui va à sa perte ; ainsi Leni «Lkim» Malki insère-t-il dans ses planches colorées quelques figures méphistophéliques ou patibulaires, des regards hagards et des mondes resserrés qu’on croirait tirés de Metropolis…

L’idée que des jeunes artistes s’emparent de l’Apocalypse n’est pas une concession faite à la fatalité, au contraire. Quand tout menace de ruine un jeune homme (l’amour, la santé, la famille…)*, il a le choix de la démission – comme ses ainés – ou du combat, auquel la société l’a préparé. La violence, l’injustice, le repli, l’isolement, ils ont traversé ça sans qu’on se soucie vraiment d’eux, se sont repliés, chacun, sur un mode d’expression artistique, le seul domaine dans lequel se renfermer (sur soi) permet de s’exposer (aux autres). Ce qu’ils veulent tient dans le mot même qui les réunit : dans la culture judéo-chrétienne, l’Apocalypse est une révélation sur la marche du monde, l’arrivée proche du Royaume de Dieu. On les a trop leurrés sur l’existence de ce dernier – sous quelle forme que ce soit - trop nourris à l’obscurantisme et au fanatisme pour qu’il y soit pour quelque chose, Dieu, dans ce qu’eux-mêmes ont créé et c’est là la bonne nouvelle. Parce que seule la première proposition va compter – une réflexion sur le sens de la vie – et que c’est la seule façon dont l’être humain pourra se libérer de ses chaines. Se réaliser.

Elle peut paraître bigarrée, cette exposition, éclectique, mais elle a un sens commun – la chose au monde la mieux partagée, dit-on par ironie. Le Quintet en I - Leni, Louis, Vinny, Didipizi & Conti - vient mettre le monde qu’on lui a laissé sous nos yeux, comme pour dire qu’ils prennent les choses en main puisqu’on a échoué. Dans cette ville où, dans l’Art plus qu’ailleurs, il est douloureux de laisser la place (voire de la place tout court) ça n’est pas forcément pour eux que va sonner l’Apocalypse, dans son idée de finitude. Et les toiles de Nora Jo, l’invitée spéciale – à l’âge de leurs parents – feront le lien, pour ce qu’elles montrent de l’arché – l’origine – des monstres et des fantômes venus côtoyer des figures plus douces, enfantines. Dans une espèce de Guernica maritime, néanmoins. C’est l’œil de celui qui regarde qui fait le sens de la toile ; dans l’Apocalypse la plus sombre, libre à chacun de voir le rameau d’olivier.

*Paul Nizan, Aden Arabie, Éditions Rieder, 1931

09:47 | Lien permanent

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