21/01/2024
Le livre des Autres.
Je n’oublierai jamais, dans ma vie, la maxime de Dan Simmons illustrant le prix du 2e titre de Grignan («Tout le monde peut écrire un premier roman, c’est le deuxième qui fait de vous un écrivain. ») mais c’est très loin, maintenant - 12 ans! - et depuis « la partie de cache-cache », j’ai écrit deux autres romans (les aventures d’Aurelia Kreit) ou plus si quelqu’un arrive à classer la Girafe lymphatique ou le prochain Liliane, puisque c’est ainsi que je nomme, pour aller vite, « Quelle petite cantate pour piano noir au fond de l’Écluse? », mon biopic de Liliane Benelli. Hier, c’était le livre des autres, le premier volume de portraits des Figures Singulières, ces Sétois d’aujourd’hui qui vont de A(rménio) à Z(ambrano), de l’illustre inconnue qui peine à l’île de Thau jusqu’à la femme la plus cotée de la Sillicon Valley. Des portraits longs, rédigés, psychologisants, à la Libé, comme ceux que j’ai faits de mes proches depuis 20 ans et dont le recueil restera privé, pour de tristes raisons. Lesquelles m’ont sans doute poussé à accepter le défi de Jean-Renaud Cuaz, qui a repris les rênes des éditions l’An Demain, qui m’a poussé à dresser le portrait des Sétois vivants quand lui se charge – dans ses Trombinoscopes – des illustres disparus. On a choisi le Bar du Plateau pour les présenter officiellement, hier, parce que c’est un lieu qui revenait souvent dans les souvenirs des portraiturés. On a bien fait, parce qu’on y est toujours bien reçu et la matinée d’hier n’a pas dérogé à la règle, sauf qu’il eût fallu pousser les murs pour faire rentrer tout le monde, et que certains ont reculé devant la foule, dont des figures représentées dans l’album. Qui s’est construit d’abord sur des personnes que je connaissais et s’est très vite orienté vers ceux dont j’entendais parler sans les avoir croisés. Alors, j’ai expliqué ma démarche, pris rendez-vous, chez moi, chez eux ou au BDM et je les ai interviewés, quatre pages de notes à l’appui, avant de tout synthétiser, fonction expressive et référentielle en alternance. Des titres en jeu de mots, une diligence impressionnante, dira Jean-Louis Ciani en ouverture de la rencontre. Il me présente en disant qu’il n’a plus besoin de le faire, par timidité, il ne me passe pas à la question de la méthode, alors j’explique les choix, pour ne pas avoir à me justifier. Je pourrais parler des heures de cet exercice que je connais si bien, désormais, et qui donne de si beaux ouvrages. Des sommes, qui feront office d’autobiographie à la fin de ma vie, alors même que je parle des autres. Hier, j’ai signé plus de livres que j’en ai jamais signé sur une rencontre, la tante de l’un des portraitisés, la sœur d’un autre, j’ai vu des gens se découvrir des connaissances voire des aïeux en commun – amaï ! – d’autres échanger longuement autour d’un verre, faire la queue pour que l’ouvrage soit dédicacé, il y avait des gens venus pour moi, d’autres pour Jean-Renaud, d’autres encore pour les 25 (+1) choisis et d’autres, enfin, comme ça, pour avoir droit à un éclairage sur la ville. Plus facile à faire, me dira-t-on, que si j’avais été Sétois, au vu des jalousies que ça peut – et va – provoquer. Je réitère mon parti-pris sur l’identité, moi le Canut chez les Sétoïs, défie quiconque de me prêter d’autres velléités que celles de la rencontre et de la curiosité. Il y a tous les quartiers, toutes les tendances politiques, à peu près toutes les strates qui font la culture de la Cité. J’en parle avec Laura Seguin, sociologue, puisque c’est ainsi que je me place (en supplément, j’ai ajouté un texte, « Présentation d’une ville », au titre emprunté à Nizan). J’ai vu passer, de mon tabouret haut, des Brel, Cianni, Combas, Subitani, Lambert, Winling, Cuaz, Armenio, Zambrano, Liberti, Grego, Lalia (frère), pas vu Grosso ou Puertolas, restés dehors, regretté l’absence annoncée des uns, surprise des autres, mais en soi, ça a fait beaucoup de monde, déjà, et c’est jubilatoire qu’un livre ne soit pas essentiellement centré sur son auteur. Fin juin, on remettra ça dans le patio de la médiathèque Mitterrand, avec une exposition – dehors – d’extraits remis en forme des portraits. Toujours siglés de mes seules initiales, sans qu’on sache forcément de qui il s’agit. Une façon de rester en arrière de cette anthologie, qui recrée, de figure en figure, une image de la ville que je n’ai pas connue, mais que je peux restituer, par petites touches. En impressionniste.
https://www.audasud.fr/figures-singulieres
photo: Florence Montferran.
15:53 Publié dans Blog | Lien permanent
Les commentaires sont fermés.