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26/01/2024

Danilo, d'ex nihilo.

IMG_3543.jpgIl faudrait pouvoir, dans une vie, mesurer chaque événement, ou micro—événement, au regard de qui l’a présidé, et le show-case de Danilo, terme usuel pour désigner un mini-concert pour une sortie d’album, était, jusqu’à hier, un de ces cas d’école. Danilo, lit-on dans Soul Kitchen, ce site branché qui adore s’écouter écrire, c'est un mix entre Michel Mortez et Alain Moreau, un dandy dilettante et un doux hurluberlu de la chanson mercurochrome. Ça fait déjà sourire parce que ça ne dit rien à personne, en tout cas pas à ceux qui ont un parcours classique de mélomanes et d’amateurs de chanson française. Mais ce sont, déjà, trois syllabes repérées, il y a deux ans, en première partie du Voyage de Noz à Thou bout d’chant. Passer avant les Noz, direz-vous, ça ne veut rien dire : depuis trente-cinq ans qu’ils sont là, on en connaît quelques-uns qui se sont essoufflés mais déjà, à l’époque, le garçon avait impressionné par l’illusion – excellente – qu’il pouvait donner du sang-froid. Danilo, c’est Guillaume Sinelle, qui se lance en solo en 2020 après des expériences de groupe – Texas Menthol, Segfault – et dont la biographie lance, d’entrée, qu’il se reconnaît, dans sa nonchalance, d’Étienne Daho ou de Baxter Dury, ce qui ne revient déjà pas au même. Daho, il faut oser, parce que c’est, déjà, dans l’histoire, quarante ans de contre-vérités sur sa voix et son talent, alors qu’il faut l’avoir vu sur scène pour savoir ce qu’il a apporté. Danilo en est loin, c’est logique, mais il fait déjà dire que la voix impressionne, que les textes sont bons et que ça n’a rien à voir avec un quelconque mimétisme : l’homme porte ses chansons, ce qu’on demande à tout (bon) artiste, il s’est construit un univers solo fait de pédales, de boucles et de séquences qu’il gère parfaitement, dont une rythmique programmée qui vous fait prendre un coup de vieux, tant ça s’approche du beat des bons rappeurs. Tiens, le Demi-portion de la chanson française, me dis-je, quand il lance, en remerciant mille personnes entre chacune des chansons, ceux qui l’ont rejoint au Tiki Vinyl Store, ce superbe magasin sur les pentes de la Croix-Rousse qui ne vend que des galettes neuves ; ce qui ne pouvait qu’attirer Christophe Simplex, mon historien de l’inutile – l’expression est tout sauf inélégante – directeur du label du même nom qui jusque-là éditait des pistes inédites de groupes lyonnais historiques (d’Aurelia Kreit à Ganafoul, et bientôt Factory) et qui s’est lancé, par coup de cœur, dans la sortie d’un maxi-45t, pour respecter l’intitulé de l’époque, 5 titres inédits d’un chanteur qui a des choses à dire – sur l’addiction, sur les métiers qu’on fait sans vouloir les faire – et les dit avec détachement, en faisant mine de ne pas s’y coller, devant son rideau de lamelles argentées, façon disco. Il les lâche, ses chansons, sur la route, sur les différents dépits que la vie propose au fur et à mesure qu’on s’y coltine. Dans Méthadone, il y a cette voix qui lui répond – c’est sans doute sa chérie, elle est dans la bonne cinquantaine de jeunes qui ont peuplé l’endroit : (tu reviendras) je ne reviendrai pas (tu reviendras) nan, il nique la panique, parmi les nombreuses interjections qui ponctuent son show, il se décrit lui-même quasi-ingénieur en quête de contrats se demandant ce qu’il fait là et s’imposant, pour survivre, sa première composition, Danilo, avec son look anachronique d’Elno ressurgi de nulle part s’étonne en permanence d’être là, d’avoir été signé, à l’ancienne, de pouvoir montrer ce qu’il sait faire et quand il aura définitivement cessé de le faire, ses chansons gagneront encore, comme sur disque, où la production et le spectre musical impressionnent. Il a fait Astafort, ça n’est pas non plus le perdreau de l’année, Danilo, et aux dernières nouvelles, lui et quelques-uns de ses frérots ont œuvré dans l’entourage – immédiat ou non – de Voulzy. Ce qui moi me ferait fuir en courant, mais lui reste déférent, un signe de son humilité. LMQR, le titre de l’EP, c’est la mélodie qui reste et c’est bien trouvé parce que, s’il faudra réécouter, paroles à l’appui, c’est déjà une espèce d’empreinte qui se joue, par une voix qui sait se moduler, et toucher à Bashung, quelquefois, et un univers musical qui a le talent de ne rien inventer mais de le faire bien. Dans Bienvenue en enfer, l’homme se déhanche, quasi-disco, sur des paroles lourdes – plus t’es salaud, plus tu prends cher – et joue de ce paradoxe qui fera son image. C’est au milieu de ces gens que je me sens moi, susurre-t-il en n’omettant personne, de Ludo, le maître des lieux à ses clipers, ses auteurs, ses potos et même le chanteur des Noz, le seul quinquagénaire, pour être gentil, à porter le même bonnet que tous les djeun’s présents hier. Il n’y eut que cinq ou six chansons chantées hier soir, c’est le lot du show-case, mais il faudra le voir et le revoir, Guillaume, parce qu’il y a parfois des gens qui véhiculent une forme d’évidence. Quand il aura, tranquillement, œuvré contre elle, il n’aura plus à se justifier. Et on se souviendra qu’on aura été là.

simplexrecords@orange.fr 

" On a tous et toutes déjà croisé un petit peu de Danilo quelque part : il porte en lui l’essence d’une vedette de karaoké, mi-crooner,-mi-loser, accoudé au bar de l’hôtel-club. Du moins, c’est ainsi qu’il se définit. Mais à l’image de son rideau à franges irisées qui ne rate aucune de ses performances, il brille tout seul sur scène avec une aisance naturelle et un charisme évident. Outsider à la façon de son Tessin familial d’où il hérite son nom, Danilo arrive pourtant à mettre tout le monde d’accord : derrière sa dégaine faussement naïve et décalée se trouvent des textes sensibles et sincères sublimés par un son vintage dans lesquels chacun peut retrouver un beau bout de soi-même. "

01:16 Publié dans Blog | Lien permanent

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