Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/12/2023

Club de lecture Filomer - 5.12.23

akroux.jpegQuinze ans maintenant que je restitue la thèse du nombre à chacune des rencontres littéraires, de Sierre en 2009 (ma première) au Cercle de lecture de Filomer, ce mardi 5 décembre. Même Quignard, en septembre, m’a rassuré sur ce point, avant que 150 personnes n’investissent l’auditorium du Conservatoire : «  Vous savez, Laurent, s’il n’y a que dix personnes qui viennent, on jouera quand même ». Hier, ils étaient une bonne quinzaine, moins qu’il y a quatre ans et – visiblement – moins qu’à l’habitude, mais ça a (encore) été un bon moment, animé, à ma demande, par Jean-Louis Cianni, le philosophe, sorti un poil frustré de la rencontre à la médiathèque. Parce que, selon ses dires, on a trop parlé de l’action et pas suffisamment de l’écriture. Il a raison, ceux qui ont lu le livre savent ce qu’il s’y passe, les autres, il est inutile de leur raconter. Alors, une fois les amabilités faites sur ma personne, il est allé au cœur des thèmes qu’il faut exploiter : pourquoi Aurelia ? D’où vient-elle? Une question à laquelle il est complexe de répondre parce qu’il ne faut pas se limiter à la réalité. L’histoire du groupe, pour ceux qui suivent, importe peu, il faut lui laisser sa part de mystère, en élue qu’elle est. Par sa mère, par sa culture, par un réseau de subcroyances qui fait qu’on peut quitter l’Ukraine, à 4 ans, pour des raisons de survie et l’incarner via tout ce qui fait qu’elle y jouera un rôle, un jour. Passé mais à venir, pour l’écrivain que je suis. On parle judéité, pogroms, inscription de la littérature dans le support de l’Histoire. Je réitère la méfiance que j’ai envers tout ce vers quoi on m’a orienté à l’origine – l’autofiction, principalement – j’arrive à ne pas mettre de nom quand je parle d’écrivains paresseux ou satisfaits d’eux-mêmes, je suis en net progrès. Je réitère mes modèles – Hugo, Flaubert, Proust – tout en contestant l’idée que les avoir lus pousse un auteur à se prendre pour eux. C’est juste la notion du sujet, qui importe, et j’avoue – rencontre après rencontre – la place qu’Aurelia a prise dans ma vie, depuis un peu plus de dix ans. Je souhaite à n’importe quel auteur d’avoir un personnage aussi conséquent dans son œuvre et son existence. Qui m’a poussé à m’intéresser à l’histoire de l’Ukraine, à sa culture, à la différence de perception entre Sartre et Lévinas sur la question de ce qu’est qu’être Juif. De sortir de soi, en somme. Je suis une nouvelle fois intarissable et je m’en désole, Jean-Louis Cianni parle du souffle du premier roman avec enthousiasme, j’ai la double impression d’être là où je devais être depuis longtemps et de me demander si c’est bien de moi dont on parle. Je ne suis pas sensible à la flatterie, ça tombe bien, ça n’en est pas. Je sens bien la limite de devoir convaincre quand je suis moi-même transporté, je regrette de ne pas avoir Clara avec moi pour emmener tout le monde vers des hauteurs esthétiques qui dépassent les lourdeurs du monde qu’Aurelia a d’ores et déjà explosées. Comme elle emporte tout sur son passage : j’explique à chaque fois l’épisode où j’ai cru la voir dans mon salon, en conseil de famille, me débloquant dans ma narration en m’apportant, sur un plateau, la relance d’un réseau de résistance russe à Zurich – auquel Lénine a participé – maquillé sous des allures de club littéraire. Peut-être pensent-ils que j’affabule, après tout, ils en ont le droit. Mes projets, les figures singulières, n’ont finalement que peu d’intérêt : il faudrait pouvoir donner rendez-vous, dans un club de lecture, avec un roman que ses membres auraient lu. Je signe quelques ouvrages, la preuve que j’en ai convaincu quelques-uns de suivre mon héroïne, qui passe bien avant moi. Je sais ce qu’il faut sacrifier à ces moments : qui n’ont aucune mesure au regard de ce qui se passe en soi quand on (re)traverse la ville, en rentrant, en se disant qu’on a encore parlé d’elle, et que c’est un privilège. Qu’on ne m’enlèvera plus, maintenant.

Photo: Christophe Roux.

 

23:22 Publié dans Blog | Lien permanent

Les commentaires sont fermés.