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04/02/2023

Demande à ma sœur!

FB04C599-BA75-447B-84FA-EE4596FE6462.jpegC’est toujours très particulier de donner rendez-vous à un proche deux fois dans l’année, quasiment le même jour, au même endroit en tout cas. Ça donne l’impression de venir vérifier que quelque chose a clocho, forcément, parce que, tout le monde le sait, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve… Héraclite, pourtant, n’avait pas son mot à dire, dans la soirée : quand on vit à Lyon, ou même quand on en est éloigné, mais toujours raccroché, venir voir Biolay est de l’ordre du commun. Plus encore, aller voir Benjamin Biolay en concert à Lyon quand on habite à Sete, c’est faire le même chemin que lui, c’est accentuer les coïncidences qu’il faudra bien un jour relever. Benjamin Biolay, l’enfant du pays, en concert avec l’Orchestre National de Lyon, c’est un événement, mais un événement de l’année dernière. Entre-temps, il y a eu un album, « Saint-Clair », pour rajouter un peu encore au malentendu : quoi, ce lyonnais de naissance – ou du moins assimilé –s’approprie-t-il le mont le plus élevé de l’île singulière ? Que retenir de ces appartenances, qui décrète, d’un coup, qu’il est là  « chez lui» où il est ? dans la mesure où, dès le deuxième titre, violet d’une donne du « Lyon, presqu’île », on pourrait presque trouver ça cavalier, puisque en plus ça annonce une playlist quasi identique à l’année dernière, qui ne tient donc aucun compte du dernier double-album. On est prêt à le pardonner, un concert avec un orchestre symphonique ne s’improvise pas, et d’ailleurs, très vite, l’impression qui domine est celle que l’ensemble est mieux maîtrisé que l’année dernière, que les morceaux sont plus aboutis, et que du coup, l’interprète est moins livré à lui-même. Ce qui, et ce sera le coup de griffe de la soirée, l’installe un peu trop, a contrario, dans sa zone de confort, et notamment le fait qu’il ne puisse plus se passer de ses prompteurs et de son cahier de chansons. Pour la première fois, depuis 14 ans que je le vois en concert, « ton héritage », un des textes les plus beaux qui est jamais été écrit, Assemblée un peu fade, conventionnel. Il n’y aura que deux morceaux du dernier opus, c’est pas forcément les plus attendues : « De la beauté là où il n’y en a plus » et « pourtant ». Terrible, même quelques heures après, de se dire qu’on aura pas eu droit à « (Un) Ravel » là où il aurait dû être joué. Mais encore une fois, et la captation vidéo aura sans doute joué aussi, c’est difficile de faire bouger un orchestre aussi impressionnant. Alors il faut garder la progression notable, les solos de cuivre (comme une mise en abyme avec le tromboniste du conservatoire, il y a des années) ou le violoncelle isolé sur le désormais mythique « Comment est ta peine ? »…  Biolay est aux anges, comment pourrait-on ne pas l’être quand 60 musiciens, à la louche, déclinent l’art auquel vous vous êtes adonné depuis toujours? Il suffit qu’il lève la main pour que le public tape dans les siennes, pas toujours très en accord, mais avec une admiration sans bornes : Biolay, c’est l’homme qui depuis 15 ans, aligne des mélodies que tout le monde reconnaît, qui chantonne, comme dans « les cerfs-volants » que tout Lyonnais associe au parc de la Tête-d’Or, alors que ce n’était peut-être pas le calcul initial. Peu importe, entre ses deux guitaristes - que de toute manière on n’entendra pas - Biolay occupe un espace restreint, mais exponentiel : plus il chante, plus on mesure son importance dans nos vies, et dans le paysage audiovisuel français, puisque c’est de cela qu’il s’agit. On le contestera sans doute - et l’ironie veut que le chanteur dont parle l’article en dessous ne lui reconnaît ni talent, ni légitimité. Pourtant, à force, et malgré les paresses relevées, je ne connais pas d’autres interprètes, dans cette génération, qui fasse autant impression. Par les textes, la mélodie, les arrangements. C’était, d’accord, déjà le cas l’année dernière, mais « Négatif » ou « La Superbe » avec un orchestre symphonique, c’est juste extraordinaire. Ça nécessite d’être là comme les générations précédentes ont vu les Symphoniques Sanson ou Sheller. L’analogie longtemps menée avec Gainsbourg ne tient plus : Biolay s’est assagi, ne compense plus ses angoisses par l’alcool sur scène, ou la démesure. Son chemin est minimaliste, mais authentique, touchant, toujours. Et quand qu’il entonne « La Ceinture » d’Élodie Frégé, dont il a écrit le texte et composé la musique, on se dit qu’il peut tout chanter. Bon, peut-être pas Sinatra, ce qui a l’air de l’amuser, mais qui fait tiquer l’aud un: l’anglais n’est pas naturel à tout le monde… C’était une soirée au cours de laquelle tous les temps pouvaient se confondre, jusqu’à la superposition. Un truc à finir très tard le soir dans un bar aux allures de relais autoroutier. Avec des figurants aux visages familiers mais oubliés, et ravivés, de fait. Si un concert de Benjamin Biolay sert à ça, ça justifie le voyage à chaque fois, comme un repère vital, au moins. Le reste, l’absence de « joues roses », ça n’est que de la littérature, comme un recueil  de Portraits soumis à la lecture, sans autre réaction que celle d’une Sophie dont finalement on n’aura rien su.

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