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30/01/2023

TOUT EST ENCORE À REFAIRE.

LE VOYAGE DE NOZ, 36 ans, transborde ses passagers d’une salle à l’autre, à trente ans d’écart.

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On ne peut même pas leur reprocher ça. En choisissant, comme une évidence, « Tilda & Dad » pour la première partie de leur concert au Transbordeur, les Nozn’ont pas seulement tapé juste dans le talent, ils ont aussi refait le lien avec ce qui reste le fait d’armes de leur passé, sans jamais insulter l’avenir. Emmanuel Perrin foulera donc bien la scène du (plus petit) Club-Transbo comme il a foulé celle de la grande salle d’à côté, en 1989. Le 24 mars, dix jours après Niagara, pour la petite histoire. Mais il la foulera avec sa fille, qui n’était pas au programme d’une époque qui a vu le Voyage s’affirmer comme le groupe lyonnais pouvant remplir une salle comme celle-ci et succéder, pensait-on, aux Ange, Ganafoul & Starshooter. Qu’advient-il des chemins qui n’ont pas suivi leur voie, c’est une question métaphysique, qui ne regarde personne d’autre qu’eux, leurs choix, les incidences. Reste que plus de 30 ans après, ils sont toujours là, et réussissent même, donc, à ramener ceux qui ont quitté le train, le temps d’une escale. Il y a cinq ans, déjà, ils avaient comblé trois décades depuis Opéra, leur premier album, invité leurs copains d’Aurelia Kreit en première partie, à Rillieux. Depuis, les Kreit sont retournés à leur retraite et les Noz ont enchaîné, toujours soumis au rythme frénétique de leur auteur, qui doit craindre que ses créatures le dépassent dans la vraie vie et les couche, de fait, sur papier. En 2011, « Bonne-Espérance », un roman musical en 21 chapitres avait déjà validé des velléités que Stéphane Pétrier n’a jamais éludées : ses chansons sont à textes, et ponctuées de renvois, cinématographiques, littéraires… Des RCCC, références culturelles collectives cachées (suivant les parcours). La moindre des choses pour un groupe né sous une bonne étoile, celle des Chants de Maldoror et d’une new-wave consciente, et pénétrée. Les affres de la post-adolescence, des déterminismes sociaux et culturels, le groupe y gagne une certaine préciosité qu’il mettra quelques années à combattre, en se salissant musicalement, en s’acoquinant avec l’Enfance éternelle, le temps d’un festival lyonnais, en faisant masteriser le Signe (2album) à Los Angeles. Marc Baujard - le guitariste qui a succédé à Éric Clapot - lequel a un temps, assuré seul les guitares qu’avait posées l’aîné des Perrin – a posé sa griffe, ces dernières années, sur un son plus électrique, que Xavier Desprat, l’ingé-son attitré, tente de restituer, sur disque comme sur scène. Leur dernière double-galette est née de l’expérience traumatisante d’un virus et d’un confinement, lesquels ont généré chez Pétrier une accélération de son hypocondrie, dont il tire une dystopie aussi juste qu’effrayante : dans le monde de demain, l’épidémie à combattre, c’est celle de l’amour, qu’eux-mêmes (le groupe) s’acharnent à diffuser en masse, dans toutes les zones libres. Il semblerait que l’amour fut, et qu’il soit encore, si l’on en croit les premiers concerts, et la photo de Stéphane Thabouret qui annonce les retrouvailles au et avec le Transbordeur. Il y a chez eux quelque chose d’inoxydable et pour une fois, ça n’a rien à voir avec le richissime propriétaire de Simplex Records : les voilà qui reviennent, donc, bien que jamais partis. Ces dernières années, on les voyait sous les boiseries amicales de la Casa, ou au Radiant Bellevue. Dans des plus petites salles, également, ou des festivals improbables, toujours avec la même sensation d’assister à quelque chose d’exceptionnel, un peu décalé dans sa réception. Comme si, souvent, revenait l’idée du parcours inachevé,  pas reconnu à sa juste valeur. Dans « la chambre d’hôtes », Nathalie (P.) prend la voix autant que les claviers, parle d’un film qu’on a vu cent fois, signe qu’il est temps de s’arracher à tout ça, tout faire voler en éclatC’est peut-être ainsi que le groupe se sent en vie, lui aussi, ainsi qu’il envisage de tout reprendre à zéro, le 7 avril. Il y aura leurs fans de toujours, qui ont parfois entretenu le malentendu, d’autres qui, récemment, ont reconnu qu’ils étaient passés à côté de ça. Aldo, le dernier pilier, celui dont Stéphane dit que sans lui, le Voyage de Noz aurait cessé depuis longtemps, se chargera de poser les bases rythmiques avec Pedro à la basse et plus que la mélodie, il y a l’idée d’une harmonie qui s’annonce. Dans l’air du temps. À eux de s’en libérer suffisamment pour ne pas verser dans des best-of qu’ils ont parfois concédés, mais la matière de ces dernières années est largement suffisante pour qu’ils surprennent encore. Même quand le VDN s’empare d’un standard des 70’s, le Diabolo Menthe d’Yves Simon – Dans les cafés du lycée Faut que tu bluffes, que tu mentes – il le déconstruit suffisamment pour lui donner sa marque, et raviver un anachronisme quasi-politique : qui écrirait ainsi sur la jeunesse et ses émois, qui filmerait encore un exhibitionniste à la sortie d’une école ?   Qui sait si Pétrier portera encore son t-shirt de « la Boum », déjà postérieur et plus  policé que le film de Kurys, qui sait si, un mois après avoir vu Morrissey à la Salle 3000 – sous réserves – il fera diffuser derrière lui des caméos de films liés à ses emprunts ? - Thomas, vous avez triché ! -  Thomas triche toujours. Ce qui ne risque pas d’arriver sur scène, vu l’énergie que le groupe dégage depuis qu’il s’est  convaincu qu’il n’y aurait pas de fin à ce Voyage-là puisqu’il n’y a aucune nécessité d’en connaître une. On l’a dit, les membres qui s’en vont ne sont jamais très loin et on ne leur connaît d’ennemis que chez ceux qui ne les connaissent pas. Il y aura certes moins de chevelures déliées, moins de pulls torsadés sur les épaules et de Winston qu’en 1989, personne ne s’inquiétera plus du sort des peuples de l’Est en révolte ni de l’arrivée d’un certain Jean-Michel Aulas – ami de Bernard Tapie - dans un club local moribond. Personne ne se vantera plus de les avoir vus au Vaisseau Public, dans cette petite rue au prénom enchanteur. C’est le drame des groupes générationnels, surtout quand ils finissent, comme avec Tilda, par englober deux lignées (et ça ne fait que commencer) : tout le monde se les est appropriés au moins une fois dans sa vie, a assimilé un événement à une chanson, une relation à un concert, etc. Les Noz au Transbordeur, c’est comme trouver une affiche de leur concert dans le foyer des élèves du lycée quand on en est devenu le proviseur. Mais pourtant, ça n'a rien de nostalgique, au contraire, ça n’a jamais été aussi vivace, et essentiel : comme des constats lucides qu’on fait sur ce qu’on a raté ou réussi (Nous n’avons rien vu venir) en trente ans et des poussières. Seule la Beauté est à l’abri des outrages du temps, disait Oscar W. Il n’est plus question, pour autant, du  portrait de Dorian Gray, à moins que le groupe exhume « la mer morte », ce à quoi l’événement ne se prête pas. On les imagine plus dans la nouveauté ou la surprise, comme s’il devait y avoir, dans l’assemblée, des producteurs à convaincre, ou des maisons de disque à séduire. Pareil qu’en 89. Ils ont prévenu il n’y a pas si longtemps, les Noz : le début, la fin, ce sont des notions aléatoires, surtout avec eux. Plus encore avec ce mantra, philosophie d’une vie (et d’une œuvre) : « Même s’il n’y a plus aucune chance, je sais qu’on essayera encore ». Il faut sans doute avoir quitté les Noz un moment dans sa vie pour apprécier qu’ils soient encore là, et qu’ils nous aient attendus. Ne plus en perdre une miette tout en restant à distance – question de principe – en faire un vecteur de calendrier, de retours fréquents. En 89, Pétrier sera ravi de l’apprendre, le dernier grand concert organisé à Lyon, après le Transbo des Noz, ça a été Paul Mc Cartney, en novembre, à la Halle Tony Garnier. Pas sûr qu’on y programme le Voyage, pas plus qu’on en anoblisse le chanteur, mais l’essentiel n’est pas là et qu’on le prévienne vite, Macca : les places pour le Trans-Club partent comme des petits pains. LC – Photo ST©

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16:05 Publié dans Blog | Lien permanent