28/05/2020
Reality.
J’ai toujours été obsédé, du plus loin qu’il m’en souvienne, par la crainte de perdre des choses. Au vu du jaunissement du papier, il y a peut-être vingt ans que j’ai découpé et gardé cet article dans le programme télé du Nouvel Obs. Depuis, je n’ai plus la télé, le Nouvel Obs est devenu l’Obs et je n’y suis plus abonné, Alain Riou n’écrit plus de chroniques assassines, mais cet encart retrouvé, je peux maintenant le livrer au monde, numérisé, sans craindre le procès. Il n’était pas gagné que mes deux amours d’adolescence - et non, il y a pas Denise 50 nuances de Grey dedans! - se retrouvent dans le même papier.
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26/05/2020
Anton, Gérard, Nikolaï, Paul & les autres.
Dan Burcea, qui tient le blog Lettres Capitales, m'avait sollicité - à l'invitation d'Isabelle Flaten - en tout début de confinement pour intervenir sur le sujet de l'écrivain face à l'isolement forcé : autant dire que si je devais réécrire a posteriori ce que j'avais dit alors, ce le serait à 90% tellement l'épisode m'a empêché de pratiquer ; hier, c'est sur une autre question qu'il m'a été donné de disserter, celle de l'auteur et de ses personnages : c'est ICI, et ça devrait parler à quelques-uns d'entre vous.
15:54 Publié dans Blog | Lien permanent
16/05/2020
Fatalitas.
Une simple vérification orthographique et j'apprends ainsi qu'Enid Blyton est morte un mois pile avant que je naisse et que j'aurai donc passé toute une vie sans elle.
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12/05/2020
Mes 12 mai.
Le 12 mai, chez moi, c’est une date multiple : c’est d’abord l’anniversaire de ma mère, qui a 78 ans aujourd’hui, et j’ai du mal à le croire en l’écrivant, mais c’est peut-être parce que j’en ai moi-même (bientôt) 52. Heureusement (ou pas), mon père avait trouvé, depuis 1976, un moyen mnémotechnique pour ne pas oublier la date et froisser son épouse : il l’a appelée, quarante ans durant, « Glasgow », et il n’était en rien précurseur de « Casa de Papel », qu’il n’aura jamais vue. Non, il faisait référence aux poteaux carrés de la finale de Coupe d’Europe, et à l’équipe des Verts de Saint-Etienne, défaite ce jour-là de 76. On riait donc tous, sans savoir que lui-même défiait la malédiction de ce jour-là, en 1945, quand son frère Marc s’est noyé dans l’Azergues, à 17 ans. Cette histoire, j’ai attendu mes 40 ans pour que mon autre oncle, présent sur les lieux, sans réussir à la sauver, me la raconte : à cette époque et chez ces gens-là, Monsieur, on ne parlait pas. Mon père n’avait que 3 ans, il n’a sans doute rien compris à ce qui se passait, mais a vécu toute sa vie avec ce drame contenu, refoulé.
Le 12 mai 2012, une date anodine, ni lointaine ni récente, je recevais à Grignan, des mains de l’Association Colophon, le prix du deuxième roman pour « la partie de cache-cache ». Une récompense d’autant plus marquante que parmi les trois autres auteurs reçus, l’espace d’un week-end chez la Marquise de Sévigné, il y avait là Carole Martinez et son fabuleux « Domaine des murmures ». Depuis, je souris à l’idée que j’ai dû, depuis huit ans, rappeler ce fait d’armes en citant ma concurrente pour convaincre mon interlocuteur que je n’affabule pas. Il y a prescription maintenant, j’ai déjà raconté les tensions qui avaient accompagné, semble-t-il, les délibérations, l’aide précieuse que Laurence Tardieu m’a apportée, la belle lettre qu’elle m’a consacrée, lors de la remise du prix. J’ai été fabuleusement accueilli ce week-end, là, je crois avoir donné de ma personne aussi, je les ai suppliés, dans mon discours, d’être vigilants avec les auteurs qu’on récompense et qu’on oublie dans la foulée, par mégarde. J’aurais aimé pouvoir écrire, dix ans après, que l’histoire était belle et continuait, comme Chavassieux à Gilly. Mais non, rien, le néant. Pas même un petit intérêt pour ce qui est sorti après. C’est comme ça, et vu d’ici, maintenant, je m’en fiche. C’est pour le roman que ça m’embête : il continue de valoir mieux qui le traitement qu’il a reçu, je crois.
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07/05/2020
Crépusculaire.
L'ami Eric a donné quatorze de ses chansons à entendre, au gré du confinement. Il a bouclé l'histoire hier, avec ce morceau qui me touche tant, depuis tant d'années. Je me souviens avoir griffonné sur mes notes, un jour de 2009, alors que je faisais semblant d'écouter un candidat à l'oral, entrée de Au-dessus des eaux et des plaines dans ma vie : elle n'en était qu'à sa première mouture. Je me souviens de sa genèse, de son inspiration musicale, de toutes les versions qui en ont été faites, en concert, de ce moment privilégié du regard, "à la moitié du temps donné". Hier, c'est une version quasi-crépusculaire qu'il a donnée. On aimera, ou pas, le débat est éternel, mais en ces temps de questionnement, je sais que, pour moi, s'il devait n'en rester qu'une, de chanson, ce serait celle-ci. Et ça n'est pas rien, pour un nizanien, de concéder un octosyllabe à Aragon.
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