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03/03/2020

AK TOUR - Trois visages d'Aurelia.

ak balançoire.jpgLA BALANÇOIRE LYON - 28.02.2020

Tant qu’on n’aura pas appris à finir les soirées par le début, on sera toujours vulnérable. Mais il faut garder l’essentiel, la petite assemblée réunie à la Balançoire, hier soir, les quelques défections de dernière minute toujours décevantes, et l’esprit du lieu, dans lequel, présentant ma Girafe avec Franck Gervaise, je m’étais juré de revenir. Y présenter Aurelia. Il y a un an et demi, c’était encore un chantier mal engagé. Et je m’y suis attelé, une fois encore. Des fées se sont pour une fois penchées sur mon cas et hier, en parlant, je jetais un œil sur le t-shirt Aurelia Kreit du batteur d’Aurelia Kreit. Hébété, un peu encore, d’être là avec mon gros livre rouge. Décidé, cette fois-ci, à en parler précisément, en mode micro-conférence, sonorisée. Construite sur les concepts d’Humanité, d’exil et d’identité. L’humanité, il est est question tout au long de l’ouvrage : confrontés à ses faces les plus sombres, Anton et Nikolaï en ont deux visions différentes. L’un, confiant en la nature de l’homme, ne peut pas imaginer que, revenu pour les aider, il puisse devenir la cible des ouvriers de l’usine; l’autre, plus sceptique, vient d’entre eux, connaît leurs travers, la rage envieuse et la mauvaise foi, la recherche du bouc émissaire. S’il est Juif, ça fait double emploi. Dans l’Ukraine du début du (XXe) siècle, Nicolas II ne s’oppose pas à ce qu’on les frappe, selon ses termes. Dans la problématique choisie, hier, je voulais démontrer en parlant de mes personnages qu’on ne considère l’humanité qu’à travers l’exil, et la confrontation à l’étranger, au danger. Dans ses « contes d’Odessa », Isaac Babel raconte déjà à quel point une vie, dans un train, peut basculer sur décision du contrôleur. Dans « Aurelia », les personnages voyagent, beaucoup, souvent en huis-clos avec leurs bourreaux potentiels. En s’éloignant de l’Ukraine, ils en revendiquent l’appartenance et l’identité, à travers les mythes païens, le chamanisme, tout en se confrontant au regard de l’autre. Celui qui fait le Juif, dit Lévinas. J’essaie de raconter tout ça, le micro me renvoie une image un peu professorale, qui me freine. M’amène à parler un peu plus vite, à lire beaucoup moins d’extraits que prévu. Difficile aussi de se concentrer quand on se demande si l’appétit et la soif des convives pallieront le manque à gagner d’une soirée littéraire dans un bar à vin. Surtout en pleines vacances, dans la zone. Mais c’est le charme de la Balançoire, et tout l’irrationnel de l’inimitié ne gâchera rien de tout ça. A titre personnel, il me fallait effacer un pan de ma mémoire, exceptionnellement, lié à ma précédente venue, sans que Mareva ou le lieu ait quelque chose à voir avec ça. Ça a été chaotique, mais c’est fait. Je ne sais pas quand et si je reviendrai, mais Aurelia, depuis hier, essaime quelques foyers supplémentaires. Aujourd’hui, elle passe à la question, sous la houlette de Christian Chavassieux, au Jardin de papier, à Roanne. Chavassieux, dont le « Noir Canicule » était dans ma boîte à lettres, hier. Et qui, relisant Aurelia, a eu ces mots qui comptent: « « Replonger dans le texte publié de Aurelia Kreit, de Laurent Cachard, quand on a eu le privilège d'en lire les versions précédentes, c'est mesurer l'immense travail accompli, la détermination du gars à livrer le meilleur de lui. Et surtout, c'est lire un sacré bon roman. Déjà. ». Rapport à suivre.

 

JDP.jpgLE JARDIN DE PAPIER ROANNE - 29.02.2020

Dans le Jardin de papier, à Roanne, on trouve tout ce qui a attrait au livre, à l’écriture, aux Beaux -Arts. Une papeterie à l’ancienne, un fourre-tout très ordonné qui vous permettra de trouver le cahier, l’agenda, le livre de comptes ou de yoga, celui des papillons ou celui des premières amours. Pascale a repris le lieu l’été dernier, l’a aménagé à son image et lui a très vite donné un esprit, perceptible. En harmonie avec la librairie voisine, elle s’arroge quelques droits, celui, par exemple, de recevoir un auteur que son compagnon et elle connaissent depuis le début, dans un ascenseur de Genève. Le rouge et le noir sont mis dans la vitrine, c’est beau et c’est toujours émouvant de voir cette petite fille vivre sa nouvelle vie. Au déjeuner, on croise un banquier heureux de donner sa démission et devenir libraire, un de ses futurs collègues déjà croisé à Elizéo, à Tarare, pour le poignet d’Alain Larrouquis, des gens épanouis et heureux dans ce qu’ils font. Tous soutiens de Pascale dans son entreprise. Il faut dire que Christian et elle génèrent ça, l’empathie et la générosité. Parce qu’ils ont fait des choix durs, tous en direction de l’amour et de la vie juste. Pascale qui s’inquiète de tout, du nombre, de la température, de ma propre renommée. Pas suffisante pour attirer les foules, mais les gens passent pour eux, dans la boutique, et sur la base de ce qu’ils leur ont dit, achètent le livre, s’intéressent, discutent. Un photographe truculent à quatre mois de la retraite, un dessinateur de B.D passionné par son métier d’enseignant (c’est rare), Françoise et Philippe de Fleury-la-montagne, d’autres amis, le gros livre rouge passe de main en main et c’est déjà réussi. Forcément, plus les gens sont nombreux à passer dans la journée pour un signe ou une dédicace, moins ils le seront pour la rencontre elles-même, mais ça n’est pas important: Christian et moi savons que quoi qu’il arrive, il faut accepter, son sort et le nombre de personnes qui vous feront face. À partir de un, il faut faire le job. N’eût-il pas été là, nous l’eussions fait quand même: mon hôte est fin lecteur, enthousiaste et, disons-le, partie prenante de ce bouquin. Il lance l’interview, je sais que la genèse est moins importante pour lui que le thème de la résistance juive aux pogroms et à la persécution. C’est toujours agréable d’être interrogé par Chavassieux, parce que sa relecture est si tenace qu’il vous trouve des pistes d’analyse que vous validez en opinant du chef de façon assurée alors que vous n’y aviez même pas pensé. Il donne envie, aussi, situant les personnages, l’action, sans la dévoiler, ou si peu, en face, la foule est intéressée, visiblement, ça prend, comme on dit dans les dîners en ville. On aborde plusieurs thématiques, la question juive, l’exil, l’ironie et la fatalité. On parle du corps des personnages, des équations entre eux, qui évoluent. Une part de moi est toujours ravie, au sens propre, de défendre cette petite fille, son nom, son avenir. Je ne sais pas si j’en parle bien, mais dans la journée, une dame est revenue sur l’idée de ne pas acheter le livre justement parce que je lui avais donné envie. Ou fait pitié, je ne le saurai pas. L’heure a tourné, Pascale n’a rien dit mais on a fait durer sa journée. Le reste, la soirée, la discussion annuelle, sur l’écriture, les choix, les histoires qui s’achèvent, ça ne regarde que nous. Mais ça ancre un peu plus une amitié dans des parcours distincts et dans un monde aussi chaotique, toute forme de permanence est bonne à prendre. Quelqu’un m’avait dit, avant que je parte, que je serai bien là-bas, bien reçu en tant qu’homme et en tant qu’auteur. À part un léger bémol sur la question de la cuisson des pâtes, et encore, c’est allé au-delà de cette prédiction. Comme attendu.

IMG_6842.jpgCERCLE DE LECTURE FILOMER SETE - 3.03.2020

On dit tellement des Sétois que la moindre goutte de pluie les oblige à rester chez eux que je ne m’attendais pas, trouvant la porte close, à ce qu’ils fussent plus d’une vingtaine en arrivant au port – en l’occurrence impasse de la Bordigue, dans la salle du même nom, pour le cercle de lecture animée par Marie-Ange Hoffmann. Cette grande lectrice qui, ayant aimé « mon » Aurelia, m’a invité à en parler, stipulant qu’elle n’animerait justement pas, et qu’elle me laisserait faire. Le monologue de l’auteur est un exercice fascinant mais casse-gueule s’il ne touche pas très vite les centres d’intérêt du livre, en espérant que ceux-ci correspondent à ceux des convives. On peut aussi être beau parleur et vendre du vent, c’est évident. Moi, quand je parle d’AK, je suis porté par le souffle du roman – celui qu’on lui a reconnu – et par l’envie de faire au maximum connaître mon héroïne. Paradoxe à part (c’est la formule, ici), je parle d’abord de moi écrivain, pour situer un parcours et une ambition, esthétique. Pour bien montrer qu’on peut prendre son travail très au sérieux sans se prendre soi-même pour ce qu’on n’est pas, j’évoque toujours mes deux premiers manuscrits, ceux de mes vingt-cinq ans, censés révolutionner la littérature, dans l’autofiction. Je tacle Doubrovsky l’imposteur au passage, je me fais reprendre mais je maintiens. Je parle de la fabrique du roman, sa genèse, ici, le groupe ne dit rien à personne, évidemment, mais en dit long sur ma pugnacité, mes choix, les sacrifices que j’ai faits. Les dix ans de gestation marquent toujours les esprits, même si dans la réalité, ils disent davantage de la vie que j’ai menée que du travail d’écriture lui-même. Je redis à chaque fois l’hébétement que j’ai d’être devant ma pile de gros livres rouges, avec un personnage – parmi les autres – qui me survivra comme elle a émergé d’un roman qui porte son nom mais dit peu, encore, de son histoire. Je décline les thèmes, la construction en trois parties, l’humanité, l’exil (par le voyage et les huis-clos avec l’ennemi), les pays traversés et la question de l’identité, juive, slave, les deux. La tablée est longue, il ne me faut perdre personne, reprendre la main quand certains des présents se dispersent, je vois dans les réactions des uns qu’ils ont lu – et aimé – le livre, dans les yeux des autres qu’il les intéresse. D’autres ont sans doute déjà reculé devant l’épreuve des 400 pages, mais me suivent dans ce que je dis du métier – le premier devenu second – d’écrivain, de cette forme de responsabilité morale que je place avant tout acte d’écriture. Raconter une histoire, cet acte désespérément vain et essentiel à la fois. Je redis sans flagornerie le plaisir incroyable d’être autorisé à parler de son œuvre, moi qui ne suis pas dans les arcanes de l’édition nationale. Mais il y a des gens, dans le groupe, qui m’ont lu, même avant de me connaître, preuve d’abord que toutes les voies ne sont pas uniformes, preuve aussi de la vie longue des livres quand ils ont marqué un public au point qu’il s’en souvient. Finalement, je me mets à la place de Chavassieux racontant mon roman, et je mixe avec les thèmes dont il faut parler sans que l’histoire soit dévoilée. Il faut croire que je me défends dans l’exercice puisqu’on me remercie vivement d’avoir captivé l’auditoire. Quelques ouvrages, de nouveau, vont vivre leur vie propre, ailleurs, chez des gens qui en parleront peut-être, l’offriront en retour. L’endroit est convivial, on n’a pas très envie d’en sortir, fût-ce pour en faire, d’un trait de plume, un compte-rendu immédiat. Trois rencontres autour d’Aurelia en cinq jours, c’est éprouvant, mais ça justifie le travail réalisé d’une part, et c’est un moyen de se préparer à en finir, de l’autre. Pour mieux la retrouver après ? L’histoire nous le dira. Finalement, à Sète, il n’y a que les libraires qui ne distribuent pas mon roman, mais c’est une autre histoire, et, je l’ai rappelé aux auditeurs, le mantra hugolien de Nikolaï et de Anton est devenu le mien : « Puisque ces choses sont, c’est qu’il faut qu’elles soient ». Il y a des moments dont on se souvient parce qu’ils ont été absolument justes. Immodestement, peut-être, j’ai l’impression que c’en fut un.

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