20/12/2018
Ground Countrol to Major Tom - 1
Et donc cinquante. Le chiffre qu’on n’osait même pas prononcer quand on en avait trente de moins, cette espèce de dématérialisation de soi, la somme de toutes ces années vécues, disait l’autre. Cinquante, trop tard pour les bilans, trop tôt pour le dépôt de celui-ci. Plus d’entre deux, pas plus de moitié du temps donné, on regarde fleurir la jeunesse chez les autres en essayant d’équilibrer ce qu’on a fait, l’idée qu’on n’a pas non plus gâché la sienne. La santé est encore bonne, on a plus de charme que de beauté réelle mais les deux font encore un peu effet (illusion ?), on n’a pas non plus tout raté, au vu des amis qui restent, qui viennent, des projets qu’on a terminés qu’on doit chérir davantage que ceux qu’on n’a pas faits. Un début de sagesse, imposée de fait, qui se confronte à celle qu’on a développée, cette sur-conscience des êtres et des choses qu’on a portée comme un fardeau et qui semble s’alléger. Un peu. Sur les murs blancs, tout autour de moi, des œuvres. Des vraies, de ceux et celles dont j’ai croisé la route, ces dernières décennies. Celle de ma vie d’artiste, qui ne sait faire qu’écrire, mais qui l’a fait pour eux, souvent. La Valse de Jean-Louis Pujol, Paco de J.P Castaing, les portraits de mémoire d’Emile Parchemin, l’Abbaye de Noirlac par Jean Frémiot, un grand format d’un Horizon de Gervaise, son « Ouessant » - le premier que j’ai acheté – un dessin de Fabienne Bergery, une gravure de Mourotte côtoient les cds, dvds et livres-disques de Fergessen, Guillo, Vitas ou du Voyage de Noz. Bientôt, sur l’étagère, trônera une invitée de choix, un de ces personnages qui vous porte toute une vie, comme elle l’a fait pour moi, deux fois. On demande souvent à des élèves, en philosophie, ce que c’est qu’une vie réussie. À l’aube de ma deuxième partie de siècle, avant que demain, on me refasse le Portrait, je n’en sais toujours pas plus, en bon dialecticien. Mais je sais que celle-ci aura été la mienne et que, contre vents et marées, je l’aurai menée.
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