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21/06/2018

Détour de chant.

bbmp.jpgLa première d’un spectacle – « Song-Book », « un carnet de chant en fait, mais en plus snob » - réunissant le Gainsbourg du XXI°s. et le comédien fétiche de Rohmer et Desplechin, ne pouvait qu’attirer les foules, énamourées et féminines, hier, au théâtre Molière de Sète. Une ville dans laquelle Benjamin Biolay a ses attaches, qui l’auront mené, avec Melvil Poupaud, puisque c’est lui, à « la Ola » en toute fin de soirée mais chut, c’est un secret. L’affiche avait le côté bobo absolu, mais promettait le meilleur : Biolay est une bête de scène doublée d’un chanteur de plus en plus remarquable dans la gestion de sa voix (de crooner) et Poupaud s’est avéré un musicien complet, commençant le concert à la batterie, passant par la guitare, la basse et le chant. Un poil à l’identique de son ami, ce qui n’est pas négligeable. Les deux sont arrivés sur scène en costume, Melvil coiffé d’un Panama et moi comme les autres, je me dis que le temps a passé depuis que le jeune Gaspard se promenait avec Margot sur les plages de Saint-Enogat, dans « Conte d’été ». Mais l’homme est très beau, d’une beauté moins sauvage que son comparse, dont on devine vite qu’il sera le point central d’une affiche partagée. Les deux avaient promis un tour de chant éclectique, j’apprends même qu’une consultation avait été lancée sur des réseaux sociaux pour proposer des titres. Pendant une petite heure et quart, le tour de chant prend des visages multiples. Les grands maîtres sont sollicités ouvertement, de Nino Ferrer (« la rua Madureira », que Poupaud a fait découvrir à Biolay) à Salvador (« Jardin d’hiver », qui a lancé la carrière de Benjamin) en passant par Aznavour via Tarantino (« Tu t’laisses aller », en duo un peu forcé) ou Nougaro, via « l’écran noir des nuits blanches » qui lie les deux amis. Ça marche, c’est très bien orchestré, avec un comparse aux claviers, Biolay à la trompette et au piano, sur lequel traîne un verre de bon rouge. Mais c’est une chanson de son ami Hubert Mounier, de « l’Affaire Louis Trio », « Non, non, tout mais pas ça » que le théâtre se lève d’un bloc, avec émotion. Biolay, qui doit être l’inverse du sale type qu’il s’est longtemps évertué à montrer, ne lâche pas ses amitiés, promet la permanence à l’auteur disparu et on se dit que le concert de cet été à Fourvière, l’album « Mobilis in Mobile » repris en intégralité s’annonce d’ores et déjà mythique. Biolay pavane, « raconte sa vie », il y a dans la scénographie la réalité reproduite des sessions de répétition, une intimité tout juste reprise, en mise en abyme, par une caméra que Poupaud mène le plus souvent : quand on a travaillé avec Rohmer, on connaît le cinéma et Melvil filme Benjamin et le public se voit en fonds de scène, en réflection. Un Brassens bien choisi pour faire local ? C’est « Maman, Papa », chanson écrite pour Patachou, ça change des Copains d’abord. Biolay introduit une chanson qu’il a écrite pour Gréco, qui n’en a pas voulu, et qui l’a regretté en l’entendant sur son album à lui : « la vanité ». Poupaud est tout ému, encore, d’interpréter une chanson que Biolay lui a écrite. L’échange des politesses s’arrête là, néanmoins, il est convenu que le comédien se montre sous son meilleur jour musical, et sa polyvalence est réelle, bien que les morceaux, souvent, s’arrêtent là où la partition pourrait devenir compliquée. Ils jouent un morceau de « Palermo Hollywood », sur lequel ils se sont rencontrés et ont tourné ensemble. Avec Chiara Mastroianni, qui n’est pas là (« Chiara a ses devoirs à faire », seule référence à Gainsbourg de la soirée). Biolay dit qu’il a écrit pour Julien Clerc, également, mais qu’il préfère interpréter une chanson de lui et de Roda-Gill, « Souffrir par toi n’est pas souffrir », reprise il y a quelque temps, déjà, par Vanessa Chassaigne. On est dans la sphère « Inrocks-Télérama », les groupies sont ravies et jouent de leur portable à satiété. Les compères s’amusent aussi, on devine qu’au fil de la tournée, Poupaud sera moins angoissé. Tout cela est raconté dans le désordre, mais si l’idée et sympathique, la double apogée de la soirée restera pour moi la version originale, à deux guitares côte-à-côte, des « Cerfs-volants » et surtout, SURTOUT, « Ton héritage », une chanson comme il en existe une tous les cinquante ans. Les pères pensent à leurs fils, les fils à leur père, c’est sublime, c’est fort et ça justifie la soirée. Des techniciens habillés en infirmiers psychiatriques viennent enlever un par un les instruments des mains des comparses, les raccompagnent en coulisses et c’est fini. Le beau théâtre Molière attendra un rappel, qui n’aura pas lieu. Un petit goût d’inachevé, mais la satisfaction un peu imbécile d’avoir été doublement privilégié. Sète, the new place to be.

PS : merci à Eric Martin. La revanche aux sépions.

photo: Alain Kertomen

09:35 Publié dans Blog | Lien permanent

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