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02/06/2018

Bien sûr que les flammes étaient hautes.

image.jpgOn se dit à chaque fois, depuis trente ans, qu’un concert du Voyage de Noz ne sera jamais qu’un autre concert du Voyage de Noz et je ne dirai pas que ce n’est pas vrai : c’est pire. Enfin mieux, je veux dire. Compliqué, avec ces types qui mélangent sciemment le début avec la fin, ou le début, je ne sais plus. À domicile, qui plus est, dans cette Casa musicale (d'Eric & Line) qui relie tant de souvenirs, les leurs, les miens, devant un parterre d’historiques et de Noz 3ème génération. Trente ans, le chiffre ne sort pas d’ex nihilo: c’est, l’année prochaine, l’anniversaire de la sortie de leur premier album, « Opéra », dont le défaut aura été de ne pas contenir « Anassaï », ma chanson préférée avant que paraisse ce Bonne-Espérance qui restera mythique dans l’histoire de la musique pas suffisamment diffusée (mais c’est un autre sujet). C’est par « Sculpture lente », morceau de ce premier opus, qu’ils commencent hier, histoire de faire le lien. Les Noz, depuis le début de cette tournée, ont trouvé l’équilibre : des vieux morceaux, un "Pierrot le fou", des pépites retrouvées ("le Pont", "le Fleuve", ces moments Lautréamont), quelques extraits de « Bonne-Espérance » – dont « le secret », sublime morceau, hélas altéré hier par quelques soucis de balance – le dernier album joué dans l’ordre et en intégralité (à la Springsteen) et un lâcher-prise final, rock héroïque à l’appui et "Valse aux idiots" dégingandée.. J’ai déjà tout dit sur Pétrier, il est temps de rendre justice à cette session rythmique démentielle, un Alexandre Perrin toujours aussi juste et puissant malgré son tennis elbow, un Pierre Granjean à la basse ronde et sourde qui soutient l’ensemble et permet aux solistes, l’un à la Gretsch, l’autre aux cheveux, de pousser un peu plus à chaque morceau, histoire d'aller chercher la catharsis. À chacun sa façon de la vivre, dans le public, entre ceux qui récitent le moindre texte, ceux qui observent et ceux qui parlent entre eux. Il y a ceux qui les ont tellement vus qu’ils ne sont pas montés dans la fournaise, préférant la fraîcheur du jardin. Ils auront entendu, quand même, les conseils de respiration de Stéphane, via un autre Stéphane, Thabouret, le photographe du Radiant (et de moi-même, par ailleurs, ce qui n’est pas une mince affaire). Se concentrer sur une partie de son corps, la laisser s’imprégner des énergies du lieu, trouver le chemin entre la chaleur et la chaleur. Les boiseries de la Casa s’y prêtent, le souvenir du violoncelle d’Olivier Gailly aussi. L’endroit a une âme et le chanteur s’en empare, dans sa pantomime. Les autres l’accompagnent et tout le monde est pris, à chaque fois. Parce qu'à force, il y a quelque chose qui se dégage de cette intégrité scénique: les Noz, en fait, c'est U2 qui aurait réussi, contre toute attente. À mener le cap, à rendre après 30 ans (en prenant le leur, ok...) des albums toujours plus remarquables. Bonne-Espérance mis à part - double album concept, roman musical - des titres récents comme "Nous n'avons rien vu venir" (même s'il n'y a plus aucune chance, je sais qu'on essaiera encore) ou "juste avant la fin du monde" (bien sûr que les flammes étaient hautes, bien sûr que le vent soufflait fort) sont très supérieurs à ce qu'ils ont fait avant, dans la mélodie, les textes et l'intention. Et on ne lasse pas, en tant que musicien, d'un titre qu'on a encore que peu joué. C'est dans ce lien qui les unit, la volonté d'en découdre et de montrer qu'on peut en être au début en approchant de la fin que ce groupe tire sa spécificité. L'interprète lui-même est déjà à part, et l'apport de la voix féminine en chœur, très marqué sur le denier opus, fonctionne bien sur scène aussi, le libère de certaines montées et lui permet d'être dans la performance, physique, viscérale. Hier à la Casa, le témoin que j'étais est passé en une seconde d'un concert attendu (bleu pâle?) à quelque chose dont on se souvient, dans le crescendo et la force (bleu Klein). Et puisque rien n'est normal dans ce groupe qui génère des personnes qui présentent quelqu'un comme le mari de leur femme, puisque la fin, c'est le début et le début, la fin, on a eu trois guitaristes différents, un sorti de (derrière) ses fûts pour un "Empêche-moi de dormir" intime, un sorti de sa retraite pour accompagner celui qui, dit-on, serait plus proche, lui aussi, de la fin que du début, pour un "30 avril sur les quais" fascinant de complicité, le jour même, à quelques heures près - dans le titre et dans la vie- des 56 ans du second. Le dernier morceau, dit le chanteur, c'est le "Cimetière d'Orville", puis "Attache-moi" puis "Opéra", enfin. En fermant les yeux, un moment, c'est vers les vingt ans de Denis Simon qu'on se dirige, pas vers ses cinquante. Mais puisqu'on s'est connu à 5 et retrouvé à 40, on se dit que le début, la fin sont effectivement des notions arbitraires.

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