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29/12/2017

Ouessant, vent de face.

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Je ne sais pas, in fine, quelle fut la plus grande audace: suivre à vélo, sur les routes de l’île, un ancien coureur cycliste, ou se lancer contre le vent en direction de la Pointe du Pern, entrevue hier, affrontée aujourd’hui, vent de face. Les quelques kilomètres à parcourir se transforment en sur-place, plus proche du keirin que du Giro. L’adversaire, au pur physique de grimpeur, est redoutable, et connaît les techniques, se protégeant du vent en se servant de moi comme bouclier, en vrai Blaireau (un breton – fût-il normand – c’est le seul qu’on puisse traiter de Blaireau sans qu’il regimbe). Mais ici, pas d’attaque à porter, pas d’échappée, à part la Belle, comme l’île qui nous offre sa part la plus sauvage, avec ses enfilades de pointes rocheuses qui sortent de la mer comme autant de griffes qui rappellent aux marins qu’ils ne sont rien et que s’ils sont là, c’est justement parce qu’il est trop tard, et qu’ils verront leur sang couler. Là où Porz Gorec s’impose en douceur, Pern – Créac’h en vue- montre toute sa force et son hostilité, oblige le passant à des efforts qui le dépassent physiquement, dans les derniers mètres, l’abrutissent de houle et de fracas. Mais le cycliste est malin : qui a affronté les vents contraires à l’aller sait que le retour se fera sans pédaler. De quoi aborder l’étape de l’après-midi, qui nous emmène à Cadoran, à la pointe Nord de l’île, l’endroit aux falaises les plus hautes et aux plaines lunaires, recouvertes d’une mousse aux allures de billard, sur laquelle personne ne résiste, malgré l’hiver, à l’envie de s’allonger. C’est d’une beauté inhumaine, et les roches taillées par le vent et les embruns nous ramènent, comme à l’habitude ici, à toute l’humilité du monde. Et à la métaphysique qui va avec : celui qui n’est rien est le seul qui puisse avancer, à bicyclette comme ailleurs. Le phare du Stiff, à l’Est, nous rappelle qu’il faudra repartir, mais pas encore. Au-dessus de nos têtes, on voit l’avion qui atteint l’aérodrome, quand il en repartira, ce sera le moment de solitude que tout îlien ressent. Une longue descente et c’est le Porz ar Lan, désert et ouvert sur l’horizon, sur Molène, sur l’Amérique, aussi, mais on la voit moins. Le miracle de Ouessant, sans EPO, c’est qu’on s’offre une remontée qu’on jugeait impossible mais qui passe crème, parce que le paysage est partout, parce que les moutons sont sympathiques et parce que faire du vélo à Ouessant, c’est accepter d’arriver quand on veut. À la boulang’, où un local nous raconte qu’il a assisté au premier concert de Miossec et que la légende, ici, veut que les marins aux oreilles rongées le sont parce que leurs femmes jalouses ou énervées les assomment et les couches dans les meules de foin, près des abris des moutons, et que les rats qui passent font tranquillement leur ouvrage. De quoi valider la thèse des Baleines de l'Horizon ? Qui sait.

Photo: Franck Gervaise.

20:05 Publié dans Blog | Lien permanent

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