31/07/2017
Jules & Jim.
Ce serait faire injure à Jeanne Moreau que de la limiter à cette sublime chanson de Bassiak, écrite en plein tournage de "Jules & Jim" alors que Truffaut, comme à son habitude, cherchait en la filmant comment montrer à l’actrice qu’il avait choisie qu’il l’aimait. Elle qui en aimait un autre, puis un autre en cours de tournage, comme si la merveilleuse a-moralité du roman de Henri-Pierre Roché (un premier roman à 74 ans !) n’en finissait pas d’agir. Et de résonner, comme son excipit, dans nos mémoires : « D’ailleurs, ce n’était pas permis ». Ce serait faire injure à la vie de pleurer trop fort la disparition d’une dame de 89 ans, quand dans la note d’en-dessous, on fustige l’injustice d’une vie volée (beaucoup) trop tôt. L’adage, éculé, veut que les acteurs restent vivants, quoi qu’il en soit, et Mademoiselle Moreau est une IMMENSE actrice, alors, pensez donc, la postérité. Non, aujourd’hui, pendant que les réseaux sociaux bruissaient d’hommages et de RIP, une jeune femme m’a ému en se souvenant d’une scène que je pensais oubliée de tous, sauf de moi. D’une rencontre à la librairie « Jules & Jim », à Cluses, qui changea ma vie, d’une interprétation du tourbillon dont j’avais, accompagné de Eric Hostettler, fait la surprise à Christelle, la patronne des lieux. Ce jour-là, je présentais « la partie de cache-cache » à la curiosité de tous ceux qui avaient aimé « Tébessa », et ils furent nombreux, du côté de la Savoie et de la Haute-Savoie, terre des jurys de Lettres-Frontière. Christelle, qui fut la meilleure vendeuse de ce roman, qu’elle conseilla en coup de cœur, « comme un thriller », disait-elle. Christelle qui ne fut pas en reste puisqu’elle m’offrit ce jour-là les Carnets d’H.P Roché, dans la belle collection rouge d’André Dimanche. Un peu dépitée de n’avoir pas réussi à dégoter ceux d’Hélène Hessel – mère de Stéphane – qui racontaient la même histoire, vue différemment. Ce jour-là, à Cluses, la tempête de neige a surpris tout le monde, même les plus volontaires, mais n’a pas retenu les plus fidèles d’entre eux, qui ont poursuivi ce tourbillon-là jusqu’au bout de la nuit. Celle d’avant les incompréhensions et les chemins qui diffèrent – alors tous deux on est reparti – bien dérisoires des années après, devant l’histoire qui se rappelle, ou qu’on ravive. Aujourd’hui, alors que Catherine (ce personnage inspiré de deux figures féminines du roman) s’en va, doucement, je repense à ce sublime dialogue, ciselé :
« "-Vous avez aimé, Jim. Pour de bon, Jim. Cela se sent. Pourquoi ne l’avez-vous pas épousée?
-Cela n’est pas arrivé. »
Et je pense à une librairie qui n’existe plus sous ce nom, à une libraire à qui je donnerai, bientôt, de mes nouvelles, sous la forme d’un roman de 540 pages.
18:53 Publié dans Blog | Lien permanent
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