19/06/2016
Faites des pères!
Il y a l’idéalisme, la cause juste et l’horreur de l’injustice, et il y a la réalité, l’engagement, l’horreur au quotidien de ceux qui la vivent. Dont on s’est détourné parce qu’ils ne représentent pas ce à quoi on aspire, dans un monde aseptisé, matériel. Déshumanisé à un point que vous pouvez vous retrouver en état de choc, entouré de supporters colorés, bruyants et avinés, en plein cœur de Paris, sans que personne, jamais, ne vous demande si vous allez bien, si vous avez besoin d’aide. Vous pouvez être, comme dans un mauvais film, à quelques mètres de l’être le plus cher au monde sans pouvoir vous montrer, de peur qu’il ne se braque. Vous pouvez vous demander si l’humanisme que vous avez vous même généré ne se retournera pas contre vous, quelles que soient les missions qu’il s’est fixées, quel que soit le cours contraire qu’il prendra. Dans ces moments-là, plus rien n’existe, pas plus le bruit autour que les lendemains qu’on suspend. Parce qu’on n’en voudra pas, pas comme ça, pas sans. Le monde s’arrête, le cœur aussi, dans la même seconde. Et si les choses rentrent dans l’ordre, il reste l’inquiétude, l’impression, aussi, de s’être pris une météorite en pleine face, ou sur les épaules, puisque c’est là qu’elle pèse, la douleur. Et on vieillit de vingt ans, vingt ans pile, forcément. Pourtant, l’équation est la même, souvent : c’est au moment du pire qu’on connaît le meilleur. C’est grâce au meilleur que le pire n’arrive pas. Aujourd’hui, une lecture d’Olivier Martinelli, très intime, racontait l’histoire de cet homme à qui le médecin annonce que le Pic Monoclonal constaté dans ses analyses a un pour cent de chances de marquer un myélome : un pour cent, c’est peu, mais ce n’est pas rien pour quelqu’un à qui on rappelle, brutalement, le Memento Mori. Dans la voiture, en rentrant, il regarde sa fille dans le rétroviseur, se ravise, se rassérène et revit. Du côté des quatre-vingt dix-neuf autres chances : « Souviens-toi que tu vas mourir, d’accord. Oui, mais pas tout de suite. » C’est l’étape qu’on attend, après l’hébétude : le moment où la vie recommence.
19:02 Publié dans Blog | Lien permanent
Les commentaires sont fermés.