15/11/2014
Un roman à l'envers (16).
Je suis né et je vis dans une ville dans laquelle deux fleuves - négligeons les aspects techniques - se côtoient puis se rejoignent. Pourtant, c'est toujours loin de chez soi que les fleuves prennent leur dimension héraclitéenne: comme on ne se baigne jamais deux fois dans le même, il en est certains qui ont porté le poids de l'histoire et dont on gardera le souvenir singulier des moments où l'on s'est trouvé devant. A chaque fois que je traverse le Guadalquivir, j'ai cette émotion particulière. Mais j'ai à chaque instant la possibilité d'y retourner. A l'échelle du monde, aller en Ukraine est un saut de puce, également. Mais les raisons d'y aller ne sont pas les mêmes, les paysages non plus. Alors, aujourd'hui, avant, ce soir, de monter dans un train et rejoindre Odessa, et la mer Noire, je suis allé faire mes adieux au Dniepr, dans le froid piquant, désormais. Il continuera sans moi de véhiculer ses histoires du passé et du présent. Le cours des fleuves est toujours inversement proportionnel aux vies qui se présentent à eux: comme tous les éléments, ils sont les révélateurs de notre immense petitesse, de l'éphémère de tout cela. Mais la mélancolie n'a pas de place pour autant: je quitte Dniepopetrovsk sans regrets: "le temps n'a pour objet nulle destination, il n'est de notre histoire que l'humble palimpseste", de mémoire. Et du temps, je vais en avoir, dans mon train de nuit: onze heures, précisément, avant l'entrée, à l'aube, dans Odessa.
13:52 Publié dans Blog | Lien permanent
Les commentaires sont fermés.