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17/10/2013

Au bon plaisir de la gargouille.

NLB.jpgJ’ai mis du temps (l’été) pour terminer, entre deux lectures, la trilogie romanesque de Nicolas le Breton, « la Geste de Lyon », un recueil de trois polars médiévaux, dont l’appellation elle-même prête à confusion – et donc à éclaircissement, en préface. Ces romans historiques, « le maître des gargouilles », « le seigneur des corbeaux » et « le prince des ours » ne font appel à nulle heroic-fantasy ni chevalier de quelque engeance, mais dépeignent , très précisément – l’auteur est guide de tourisme – les différentes strates au pouvoir à Lyon, au XIV° siècle, dans le bas d’un Moyen-Age dont les coutumes restent, quand elles servent les manigances des grandes familles qui s’entre-déchirent : c’est là que, nonobstant la difficulté première d’assimiler les titres hiérarchiques du clergé ou de la noblesse, on sourit de retrouver des noms qui sont, de nos jours encore, des quartiers de notre ville, à commencer par Grolée – le personnage principal – Ainay, et en continuant, par extension, aux communes proches, Montluel, Saint-Priest ou d’Anthon. L’intrigue mêle les forces du Roi de France, en lutte contre celles du Comte de Savoie pour la conquête de la ville : meurtres maquillés en crimes sataniques, procès en sorcellerie, Nicolas Le Breton reconstitue dans les trois récits une geste qui restitue une époque dont on n’a gardé qu’une mythologie. Il y fait référence, ponctuellement, quand on fait allusion à Lancelot et à la charrette d’infamie, mais pour mieux s’en éloigner, par le cynisme affiché de ses personnages face à l’ignorance généralisée de leur époque : Anselmus, fameuse figure du nain retors, mais pugnace, Guillaume Bâtard et Barthélémy Chevrier luttent chacun, d’une manière différente, contre les simulacres de justices et les diverses Inquisitions : on y croise Bernard Guidoni et Bernard Gui, qui décrètent du veneficium à tour de bras (séculier) pour disposer du pouvoir. Les Templiers sont condamnés, traqués, exécutés (Memento Moris !) comme pour signifier que l’âge preux et courtois est terminé et qu’il est l’heure des stratégies d’alcôves : dans cette trilogie, les Papes se succèdent (Innocent IV, Clément V, Grégoire X*, peut-être ?) mais n’ont d’autorité que de façade, les magistrats les plus respectés sollicitent, dans les bas-fonds de la ville, les criminels les plus sordides, des prostituées juives qu’ils convertissent ou des dresseurs d’ours. Nicolas Le Breton conduit ses personnages dans une action prenante, parce qu’on savoure les stratégies politiques, sans s’empêcher de penser que quelque chose, à Lyon, est resté en l’état… On passe d’une porte à une autre, d’une maison (de Savoie) à celle de Roanne, on suit les fleuves, les traboules, les ruelles, on se retrouve rue Mercière, au Pont du Change ou à St-Nizier, en quête de pots de saindoux empoisonné… Nicolas Le Breton maîtrise le passé simple et semble accélerer la narration quand le piège de l’épistémologie se dessine : les dialogues sont ciselés, les personnages profonds, jusqu’à la deuxième génération, avec Jacelme et Peronin, le lyrisme n’est pas dans l’action mais dans ce qu’elle recèle : on devine à travers les complots qu’elle défait le caractère prégnant de la ville, en « grand animal trop piqué, trop blessé », qui se redresse. Quel que soit son gardiateur. Au final, on laisse ces personnages à regret, avec une persistance qui vous fait guetter les détours de rue de votre ville autrement que vous les regardiez avant. Et s’asseoir sur les bancs de marbre à l’entrée de la cathédrale en pensant à ceux qui s’y sont assis avant nous, regarder les gargouilles et voir se profiler l’ombre de Hiéronymus. Moins assotis qu’on l’était en arrivant. Mais conscients, nous aussi, que la vie était là.

* Et pas XIII, comme me l'a soufflé l'Inoxydable, même je positionne le XIII comme mon pape préféré, puisqu’il a fait suivre, inter gravissimas, le 4 octobre du 15, en 1582, validant ainsi mon rapport relatif au temps qui passe.

15:08 Publié dans Blog | Lien permanent

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