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11/10/2013

Mammouth écrase les prix.

Affiche.jpgDrôle de moment que cette conférence gesticulée, hier, une première offert au club de lecture de Sainte-Foy-lès-Lyon. Nicolas Sizaret, auteur de « OPA sur le Mammouth », incarnait la figure d’un requin de la finance proposant à de potentiels acquéreurs d’investir dans des USC – des Unités Scolaires Compétitives, faussement fictives – pour en finir avec l’hérésie financière d’une Institution sans source de revenus mais générant des coûts considérables. Une heure d’une démonstration cynique et implacable, sur fond de Monopoly géant, avec comme stratégie argumentative de tourner en dérision les préalables idéologiques ou constitutionnels : quoi, l’entreprise privée n’a pas droit de regard sur l’Ecole publique ? La bonne blague : EADS, principale filiale d’armes sur le marché mondial, a « mis au pot » 250 000€ pour aider des projets à se monter à Louis-le-Grand, lycée d’élite parisien. Pas dans une « filiale déficitaire de banlieue». Total, bien connu par ailleurs, a financé une partie de la réforme des rythmes scolaires… Sizaret, qui a tourné dans la finance avant d’intégrer le Ministère de l’Education Nationale pendant six ans (en charge de sa rénovation, soit quelque part entre le poste de Sisyphe, dans le bureau de Tantale !) , cheveux gominés et sourire carnassier, s’amuse à démonter les derniers pans d’une illusion et dans la salle, tout le monde rit jaune : la France est le premier pays d’Europe en terme de financement d’un soutien scolaire privé (Acadomia a inventé le système « le Bac ou remboursé », établissant à environ 1300€ le coût du diplôme en même temps que la culpabilité des parents), et ainsi de suite dans l’absurde d’un système qui prend l’eau. Sous le regard amusé des spéculateurs de tout poil, qui écoutent les contestataires échevelés – l’autre personnage de la conférence – qui s’indignent mais participent d’eux-mêmes à la raréfaction recherchée d’un enseignement d’élite : ce qu’ils n’arriveront pas à obtenir de l’Etat, d’autres iront le créer ailleurs et réussiront même à attirer les meilleurs d’entre eux dans leurs filets (le salaire des enseignants est de 35% moins élevé en France qu’en Allemagne). La démonstration se poursuit, géniale de cynisme froid : quoi, il y a des lois en France ? Depuis 2001, un code de bonne conduite des entreprises dans un établissement scolaire permet à peu près de faire n’importe quoi, jusqu’à considérer un distributeur de boissons comme un outil pédagogique… Des entrismes déjà en cours, très largement, dans le système anglo-saxon.  La France résiste par culture et idéalisme, mais en 2005, assène-t-il, on a déjà introduit une entreprise publique en Bourse (EDF) et de fait, créé un précédent. Sizaret  (ou son double, plutôt) ne parle plus d’établissements, mais d’usines, de professeurs mais de fournisseurs, d’apprenants mais de clients. Et de taylorisation des apprentissages. Il incite, en parfait general manager, à calculer rapidement les profits possibles : l’introduction boursière de 10000 collèges et lycées publics rapporterait, après multiplication des gains par 9 comme à l’accoutumée, 30 milliards d’euros. Puis se ravise : autant n’en privatiser que 2000, ne gagner que 6 milliards mais créer de la compétitivité et de la rareté, deux notions très rentables dans le secteur de l’éducation des enfants. Surtout ceux des riches. L’ensemble fait froid dans le dos et élude, volontairement, la partie irrationnelle qui tient l’ensemble : la vocation (concept un peu bidon pour ma part) mais surtout la formation des esprits critiques.  Cela étant, l’exercice est réussi, la conférence drôle et bien gesticulée. Je jetterai un œil sur le livre quand on me l’aura prêté : je me méfie toujours de ceux qui écrivent sur l’école sans l’avoir réellement pratiquée. Mais le tout mérite largement qu’on s’y intéresse : dans la démarche, ça se rapproche sensiblement de ce qu’a fait Frédéric Lordon, avec plus de panache encore, sur la crise économique. Fantastique, comme tout le monde le sait.

17:14 Publié dans Blog | Lien permanent

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