22/02/2012
La place (de la pile) du Pont.
Après un début de polémique aussi imbécile que facebookien – ce qui doit revenir au même - je dois à Audrey Betsch non seulement de m’avoir fait lire mon premier roman numérique mais en plus de ça, faute de logiciel adapté, de me l’avoir fait lire intégralement sur mon téléphone ! C’est dire si j’ai été pris, par la curiosité au début, par le récit ensuite. Un récit sec, aride, aux phrases lapidaires et à l’anaphore récurrente, une autofiction assumée qui m’a mis mal à l’aise dans un premier temps, tant le rapport à la mère, le renvoi au passé en italiques, l’impossibilité de survivre à de tels héritages se rapprochaient, stylistiquement, du « Rien ne s’oppose à la nuit » de Delphine de Vigan, dont j’ai parlé récemment. Dans « la Pile du pont », Audrey a beau prévenir que « toute ressemblance avec des personnages blah blah.. », elle est en plein Cloé, cette infirmière de nuit qui élève seule sa fille chérie, jongle avec ses décalages et le désir profond que sa douleur intime cesse définitivement. Contre la pile du pont de Baziege, qu’elle emprunte, à toute berzingue, pour aller au travail ou s’évader, à une heure et demie de là où elle vit, sur la plage ventée de Narbonne. Rien qui ne m’aurait intéressé a priori, si la part autobiographique n’était compensée par un type d’écriture rigoureux et une exploration juste des capitales de la douleur que sont les services d’hématologie et plus largement les hôpitaux. Le soin, le cancer, la chute, la mort, des malades qui ne doivent pas devenir « ses » malades sous peine qu’elle le devienne elle-même, l’équilibre impossible entre une vie normale – qu’elle abhorrerait, de toute manière et cette vie perchée entre espoirs et renoncements. Les séances d’analyse qui vont avec, la bande originale de sa vie, aussi. C’est un roman qui se tient, qui n’évite pas quelques écueils (name dropping, effets un peu répétés, 41 chapitres( !)) mais dont l’écriture, une fois encore, est juste et précise. Mon éditeur lui aurait dit que, pour un roman, les révélations (que je ne dévoilerai pas ici) et les rebondissements sont un poil trop nombreux, mais au final, ce roman-là, qui raconte la même chose et presque de la même façon, je l’ai lu à la suite du De Vigan et je l’ai aimé aussi. Continuant de croire qu’il n’y a pas un type moderne d’édition et un autre dépassé, comme le clament un peu trop fort certains éditeurs numériques. J’ai dit à Audrey Betsch qu’il n’y avait que des bons ou des mauvais livres, en pdf comme reliés. Je le pense encore, mais qu’elle se rassure, si besoin était : « la pile du pont » est du bon côté de l’abîme.
PS: moi, les quinze préfaces, dédicaces, mises en exergue ou autres citations, je suis comme tout le monde, j'ai rêvé d'en mettre, mais l'éditeur me les a toujours retoquées. Et comme neuf fois sur dix, il avait raison. Je crois qu'elles sont le dernier rempart avant l'abandon du texte au lecteur. Un combat perdu d'avance, donc.
08:16 Publié dans Blog | Lien permanent
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