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20/11/2011

Alive Poets Society

1180815503.jpgUne première pour moi, la dixième pour eux : je suis allé assister au 10ème cabaret poétique, sous l’égide de Frédérick Houdaer, mon tout premier chroniqueur (de Tébessa, pour « Livre & Lire »), mais sans doute ne s’en souvient-il pas. Une entreprise délicieusement surannée qui consiste  à réunir, dans la salle du Périscope, à Perrache, des poètes qui viennent lire des extraits de leurs œuvres en dix minutes maximum, le temps de la réelle attention portée. L’occasion pour moi d’interroger ce rapport complexe que j’entretiens avec le genre : je ne m’auto-proclamerai jamais poète et pourtant, j’ai pratiqué, un peu, quand même. En m’orientant très vite vers la forme et les vers fixes, qui me permettent de cacher derrière la forme ce que je peux parfois trouver indécent sur le fond. Tout en ayant conscience que cette dichotomie n'est pas valable. Le problème des poètes, outre qu’on ne leur accorde aucune autorité dans notre société - encore moins qu’aux autres écrivains - c’est que leur diction s’accorde très rarement avec leur propos, et qu’on peut trouver dans l’énoncé saccadé et souvent précieux ce contre quoi les mots qu’ils mettent en jeu doivent lutter, précisément. J’ai un souvenir cuisant de Yves Bonnefoi lisant ses vers au TNP pour les Langagières, je m’étais profondément endormi dans les doux fauteuils rouges… J’ai vécu, également, la douleur de ne pas être compris dans ma poésie en la lisant, jusqu’à ce que Jean Frémiot, un soir de Bleu du Ciel*, renverse le tout en disant magistralement « Ouessant » à ma place. Ou plutôt à la sienne, que je n’aurais pas dû emprunter. Mon rapport à la poésie est resté dans le cadre des vers réguliers, même pour la chanson, je ne m’en extrais jamais, dussé-je composer des pentasyllabes bilingues pour une comédie musicale lycéenne… J’allai donc à ce cabaret avec beaucoup de précaution, sans réserves, néanmoins : j’y ai entr'aperçu des personnes engagées, curieuses des autres, des éditeurs rares, des amoureux du livre. Coincé entre une salle de répétition de rock et des prisons désertées, le Périscope est un bel endroit pour des rencontres. Se sont succédé sur la scène Katherine L. Battaiellie pour une poésie toute en finesse et un bel exercice de style sur les temps de l’indicatif - suivi de quelques vers de colère, qui sont souvent mes préférés, puisque ne laissant aucun doute sur l’authenticité de leur auteur - Pauline Catherinot, qui ne m’aura pas fait vibrer, indépendamment de son élocution pour le coup parfaitement maîtrisée et Emmanuel Merle, qui aura lu en force un chant des morts poignant, prenant les spectateurs à l’estomac sur la question de la culpabilité collective entourant la Shoah. Entre les poètes et avant le concert final, l’animateur du cabaret lit des extraits d’entretiens entre auteurs : Cendrars/Apollinaire, Blondin/Assouline et, clou du spectacle, une vacherie de Calaferte sur Aragon : un homme exquis, selon lui, mais débordant de manières pour le séduire, ce qu’il a immédiatement détesté. Et plus encore sur Elsa Triolet, dont la froideur et la distance l’ont fait s’interroger, a-t-il dit, sur l’authenticité, disions-nous plus haut, des si fameux « Yeux d’Elsa ». Un cabaret où on moque Aragon, quel beau crépuscule de dimanche pour un nizanien pur souche !

* tiens, un autre bleu que je supporte!

21:01 Publié dans Blog | Lien permanent

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