20/06/2011
Diérèse roannaise
Je connais la difficulté d'écrire "sur" des photographies, une antiphrase tellement répandue qu'on a fini, comme souvent, par paresse, par l'accepter. On n'écrit pas sur, on propose à celui qui regarde déjà une autre lecture en filigrane de ce que le photographe a déjà dit. Christian Chavassieux a accompagné le regard qu'velyne Loiseur a posé sur la ville de Roanne, qu'ils aiment tous les deux et dans laquelle ils vivent. Dans un long dépliant joliment intitulé, je vous en avais parlé, "Dans les plis sinueux des vieilles capitales", Yvelyne Loiseur alterne les portraits (d'enfants, d'adolescents, d'adultes un peu défaits), des plans de nature et des espaces en friche, à moins que ce ne fût l'inverse. On s'arrête, pour une fois, dans cette ville de passage dont un mur décati rappelle les services journaliers desservant Lyon et St Étienne. Les parents riches. Ça dit tout de la ville, quand on en vient à envier St Étienne... Et pourtant, ici comme ailleurs, on n'est pas d'un pays mais on est d'une ville, et pas seulement pour les imbéciles heureux : Yvelyne Loiseur nous montre l'humanité là où elle est restée, et Chavassieux la suit. Il a choisi l'écriture syncopée, faussement automatique, lui qui dans le même temps, je le sais, écrit un roman historique consacré à la même ville. La bande grise en dessous des photos propose un cadavre exquis dans lequel il commente, phrases nominales, syntaxe libre, énumérations de noms ou d'adjectifs, puis assène, entre parenthèses, quelques pistes de son ressenti personnel, un peu de son histoire, les traces de ses enfants, une énonciation qui se dévoile ("où je t'ai attendue, une fois"). "Satin à peu de choses", dit-il avec l'élégance de ceux qui vous présentent un intérieur moins cossu que le vôtre mais qui ne l'échangeraient pour rien au monde. Le sourire éclatant, en fin de parcours, de cette dame entre deux âges témoigne de la réussite de ce qu'a entrepris Yvelyne Loiseur: la bonneterie fantaisie a beau avoir tiré le rideau, il reste des forces vives à Roanne, "Peindre" l'ayant démontré il n'y a pas si longtemps. Il faut remercier Jean-Pierre Huguet, également, pour ce type d'édition, absconse et embrassante, au sens propre. Et souhaiter qu'un tel objet, puisque c'en est un, passe de mains en mains et ce, comme ce fut le cas, jusqu'à Lyon ou ailleurs. Sans services journaliers.
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