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19/06/2011

Arrêter la poésie.

Il ne porte pas le nom qui lui siérait. Parce qu’il a entrepris de faire de sa vie le support de son œuvre poétique, et que les thèmes qu’il porte aspirent à tout sauf à la simplicité : dans « Je serai maudit », Je est hors de portée. De la société, en premier lieu, celle qui vulgarise tant qu’il ne peut plus voir son obscénité en peinture. Du temps aussi : en conséquence directe du premier point, Je s’est désincarné, installé dans un anachronisme typographique (il tape ses poèmes à la machine) et stylistique : les élans – et les éthers - sont baudelairiens, incontestablement, et comme toujours, il n’est jamais meilleur que quand il s’en sort. Quand il revient à un enfermement qu’on devine mi-contraint mi-consenti (« prisonnier d’un mal que je croyais mortel »), le temps d’une méta-scrutation (les visages, indéfinis, reviennent en récurrence), quand il recherche à ciseler par le mot la couleur la plus froide (« un ciel de février comme aujourd’hui pesant et bas »). Parce que si les thèmes sont hélas rebattus, c’est la justesse de l’écriture qui contrecarre la complaisance inhérente à l’exercice : entre le vers libre et la systémique inconsciente à l’hémistiche, S. s’installe dans son XIX°s. à lui et décline l’insatisfaction de sa vie à l’étalon d’autres mondes à venir (« comme le mal terrassé par la présence de la mort Cette promesse éclatante d’une autre vie »). On ne sait ce que donnerait cette écriture-là dans un genre littéraire différent : lui nous dit qu’il écrit un roman qu’il envisage « comme une poursuite de la Recherche ». Rien que ça. Il faut dire que l’individu déroute : l’allure bukowskienne est soignée et dérangeante, c’est ce qu’il cherchait ; l’entretien au féminin l’éloigne un peu de son désintéressement : Je n’est plus raccord avec son « espérance du Génie » et c’est Tartuffe, par moments, qu’on rencontre. Il reste qu’après avoir épuisé les obscures revues de poésie, S.S (à l’allitération) entend bien, maintenant, faire entendre sa voix : les copies sont faites, les éditeurs prévenus. Mais édite-t-on encore de la poésie post-XIX° au XXI° ? Puisque lui ne donne pas dans la poésie de combat, puisque Je est l’individu célinien revêtant le manteau de Baudelaire, il risque bien de rester seul longtemps. Absolument silencieux et seul. Mais peu lui importe : c’est dans la solitude que les mots se répondent aux autres et font sens, ou pas. C’est dans l’exiguïté de son antre lyonnaise que S. choisira, selon ses termes, « d’arrêter la poésie », ou pas. Certains devraient arrêter avant même d’avoir l’idée d’en faire ; que lui gagne ou non la malédiction qu’il recherche, il aura au moins réussi à arrêter après en avoir fait. C’est déjà bien. 

08:01 Publié dans Blog | Lien permanent

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