15/08/2009
Destination Zagreb via Paris!
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Ce 360° a pris un tour spécial. Décidé à ne plus revivre des atrocités dépressives comme le Vertigogo Tour que j’avais vu de Nice (très mauvaise pioche…) en 2005, j’avais décrété, en amont, que ce serait la dernière fois que j’irais voir ce groupe qui ne pouvait que me décevoir en me ramenant systématiquement aux 20 ans que ni eux ni moi n’avons plus. Je me suis fixé donc deux échéances raisonnables, « faire » le SDF que je n’avais pas pu faire quatre ans auparavant, et doubler ça d’une date à l’étranger. Je rêvais de Séville, ma ville fétiche, de Lisbonne, également, mais au vu des premières dates annoncées, j’ai d’abord déchanté, avant de faire un bond : Zagreb, Croatie, premiers concerts là-bas, quelques attaches affectives dans cette ville également, ma décision était prise. Evidemment, j’aurais pu, comme tout le monde, aller à Dublin, mais j’ai déjà dit que je ne voulais pas faire maintenant ce que je n’ai pas pu faire vingt ans avant, a fortiori quand c’est devenu beaucoup (beaucoup) plus facile… Et Zagreb, ai-je pensé, c’était aussi l’assurance d’une ambiance de feu, dans un stade à taille humaine. Parce que c’est quand même ce qui fait que des vieux fans se détachent de U2, de ne pas supporter cette démesure qui n’est même plus ironique comme elle l’était pour le Zoo Tv Tour… De ne pas supporter cette illusion entretenue par les fans plus jeunes et – forcément – plus enthousiastes, l’illusion d’un groupe qui donne tout sur scène, qui est capable de tout. Les shows de U2 sont millimétrés, de telle façon qu’on en est maintenant arrivé à disserter sur l’esquisse d’un changement, sur le fait que, par exemple, ils interprètent « Bad » à Amsterdam ou Dublin. Mais « Bad », U2 doit le jouer partout, sinon, ça n’est plus U2 ! Qui s’est posé cette question ? Et pourquoi ne la jouent-ils plus, alors ? Parce qu’ils n’y croient plus et que parmi les obligations qu’ils doivent à cette partie – majeure – du public qui ne les suit que de très loin et qui ne passe pas ses journées sur un forum, ils ont choisi d’autres classiques et, peut-être, épargné celui-ci par sursaut d’éthique… Parce que c’est quand même ça qui ressort d’abord des mes deux concerts du 360° Blackberry Tour : cette grosse machinerie s’est fonctionnarisée jusqu’au ridicule. Le ridicule, c’est d’abord cette nouvelle façon, déguisée, de hiérarchiser les « clients », avec des Red Zone dont une partie financerait l’Afrique ! Je pense à Lennon qui demande aux pauvres du poulailler d’applaudir fort et aux riches du parterre d’agiter leurs bijoux… Comble du mauvais goût, des passerelles mouvantes servent aux musiciens d’aller marcher sur l’eau et, accessoirement, sur les têtes des ravis qui ne savent plus, dans ces moments-là, où donner du numérique… Les mêmes s’enorgueilliront d’être arrivés à 7h du matin, d’avoir passé le concert collés à la barrière (en ratant tout des effets lumineux, d’ailleurs…), d’avoir préféré Paris II à Paris I etc. Qu’est-ce que j’ai vu, moi, de mon SDF, en toute objectivité ? Un concert qui commence plutôt bien, quatre chansons du dernier album courageusement défendues, puis, déjà, une redescente, un « In a little while » superflu, une liaison satellite qui ferait pleurer n’importe qui ayant assisté au duo fictif avec Lou Reed ou à la liaison avec Sarajevo… Un « Streets » raté, un « Sunday », un « Pride » expédiés sans conviction, une bonne surprise avec « Unforgettable Fire » malheureusement maltraité, joué comme un (autre) morceau de stade que sont les détestables (pour moi) Vertigo, Boboots et toutes les oh-oh-oh songs du dernier album. Je ne cherche pas la polémique, je dis que je n’aime pas cette façon de jouer ces morceaux, qui ne laissent aucune place à la finesse : quand je les entends, je me dis une fois encore que le groupe que j’aimais est passé, et que ça ne sert décidément à rien de courir après sa jeunesse…
Il me restait Zagreb, alors, le 10 août. Il a fallu encaisser d’abord d’être les dindons de la Live Nation farce, puisque c’est à Zagreb, et Zagreb seulement, que le deuxième concert – rajouté après que le premier a fait le plein – a été placé la veille du premier… Pourquoi n’ai-je pas fait les deux, alors, m’ont déjà demandé certains fans ? Pour la même raison qui a fait que j’ai volontairement pris un billet retour le 12 juillet pour ne pas être à la deuxième date : parce qu’assister deux fois à un show rigoureusement identique est au-dessus de mes forces. Arrivé à Zagreb, j’ai été surpris de constater que le concert de U2 était un événement national (télé, journaux, livret spécial distribué en ville…) mais qu’il ne phagocytait pas la vie non plus : pas de hordes de t-shirts, pas de drapeaux irlandais fièrement arborés, il faut atteindre la proximité du Maksimir Stadion pour réaliser que le même groupe que j’ai vu un mois avant allait se produire là dans quelques heures. Et, pour ceux qui jugeraient cette chronique désabusée, je vais dire ce que j’ai aimé de ce concert : l’impression justement d’assister pour la première fois à un concert de U2, comme il y a vingt ans, dans le même désordre d’ailleurs que celui qui n’aurait jamais dû disparaître des concerts de rock. L’emplacement d’abord : dans un stade comme celui-ci, en arrivant à 19h, on peut se retrouver à dix mètres de la scène sans problème, et on peut avancer, si on en a envie. Pas de consumérisme à tout crin, du j’ai-payé-j’ai-droit, du « j’étais là avant ». Alors, oui, ça bouscule, ça joue des coudes, mais au moins ça vit. Et puis la réaction d’un public privé de tout concert depuis le début sur des chansons comme celles que U2 a expédiées à Paris fait que, d’une, ils les jouent beaucoup mieux, de deux, le public les reçoit avec une vraie ferveur : jamais je n’aurais imaginé que Sunday ou Pride me feraient cet effet de nouveau. On me disait que pour que U2 existe de nouveau, il fallait qu’ils aient quelque chose à prouver ; j’en avais eu l’impression en 2001, alors que je les avais un peu laissé tomber, quand Bono a enflammé Slane Castle pour expier la mort de son père (tout ça pour nous pondre trois ans après le larmoyant « Sometimes » et sa dégueulasse interprétation live…). A Zagreb, je ne me suis pas autorisé la distance blasée des nouveaux consommateurs de U2 et j’ai aimé ce concert plus que j’ai aimé d’autres concerts d’autres tournées du même groupe. J’ai enfin vu un Bono décidé à en découdre et content d’être là, un public réceptif, un show et un groupe resserrés, et peu m’importe d’avoir appris après que si l’écran ne s’est pas totalement déplié, c’est parce qu’il y a eu une panne, j’ai trouvé ça mieux, plus originel. Comme quand ils étaient encore maîtres de ce qu’ils faisaient, même dans la démesure, comme quand, pour le Pop Mart Tour, Bono demandait à ce qu’on éteigne les écrans pour « balancer » un New Year’s Day juste éclairé de blanc et donner l’illusion, oui l’illusion, là aussi, qu’on était tous ensemble dans une petite salle…
Ah, à Zagreb, Bono a eu l’élégance de remercier ses sponsors avant que la dernière chanson commence, ce qu’il n’a pas fait à Paris (ce qui vaut son pesant de cacahouètes sur les bootlegs !). Cette dernière chanson qui arrive en fin de rappels qui n’en sont pas, puisqu’il n’y a plus de rappels aux concerts de U2. Tant mieux ? A chaque fois que j’entends Bono chanter « How long to sing this song », même en snippet de Bad (qui dira également que le snippet est pour Bono l’excuse officielle de l’oubli des paroles ?), je ne peux m’empêcher de penser à l’ironique polysémie de la traduction : combien de temps encore va-t-il falloir que je chante ça… Fonctionnarisés, disais-je.
19:07 Publié dans Musique | Lien permanent
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