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28/09/2021

94.

Reprise du travail.

"Aurelia avait le temps d’avance que son père et Nikolaï avaient jadis érigé en règle. Et aucune envie de s’abandonner aux superstitions que son père avait fini par ramener à la surface, en se ramollissant : s’ils avaient eu le temps, geignait-il, de s’asseoir tous pendant une minute dans la maison qu’ils allaient quitter, si sa mère, pour en rajouter, avait eu la bonne idée de briser un plat, sans doute tout cela ne leur serait-il pas arrivé. Anton confondait, depuis qu’ils avaient atteint leur but, l’élan initial et ses incidences, minimisait la raison pour laquelle ils devaient partir, celle pour laquelle ils l’ont fait. À compter du moment où l’objectif est atteint, traduisait sa fille, on meurt de ne pas se réinventer. Le sien était triple et ne constituait qu’un début pour elle : retrouver son frère, le ramener et faire retrouver un semblant d’équilibre à l’attelage, qui partait à vau-l’eau. Elle en serait le guide naturel, en l’absence de Vladisvav et même, vraisemblablement, quand il sera revenu : c’était sa nature, son fatum. Ce à quoi sa mère, comme disait Anton, l’avait préparée, depuis sa naissance jusqu’à l’heure de sa mort à elle. Elle qui lui avait appris que le nom même de son pays venait d’un mot slave qui signifiait frontière, qu’elle aurait à les définir elle-même, entre les strates de son origine et de ses identités multiples. Elle, encore, qui avait placé sa fille sous le signe de la réparation du monde, singulière, courageuse, solitaire et difficile, puisque sans espoir de reconnaissance. Ce qui dans le cas d’Aurelia, n’était pas tout à fait vrai puisque ses amies l’avaient suivie et – bien qu’elle fût la plus jeune d’entre elles – avaient fondé de grands espoirs sur elle. Sans savoir pourquoi mais sans se poser la question non plus."

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27/09/2021

95.

Cet homme si hautain, capricieux et autocentré comme personne encore ne s'est jamais montré, qui se métamorphose devant son public pour incarner la sagesse, l'humilité et la sympathie, ça n'est pas nouveau, mais ça surprend toujours!

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26/09/2021

97&96.

Deuxième raté, hier, dans mon année à l'envers: il fallait bien que ça arrive (encore). Une journée pleine, des émotions partout, une panne de batterie (plus prosaïque) et un petit brin d'oubli. Mais deux rencontres notables avec Antoine Choplin et Isabelle Flaten, dont il faudra reparler.

08:52 Publié dans Blog | Lien permanent

24/09/2021

98.

63A93E1A-4A94-444A-8731-FEED9B2B229C.jpegC’est une salle pleine mise à disposition par ce lieu merveilleux qu’est le musée-galerie d’art Le Réservoir qui attendait Alexis Jenni pour un Grand Entretien animé par Laurent Cachard dans le cadre du Festival Les Automn'Halles. Derrière eux des œuvres de Marc Topolino.
Et pour un grand entretien c’en fut un. Passionnant. Bien sûr autour du dernier roman de l’auteur « La beauté dure toujours » (Gallimard), mais Laurent a fait des parallèles, en particulier en ce qui concerne le narrateur, avec « L’Art français de la guerre ». Ce premier roman publié qui valut à Alexis Jenni le Goncourt en 2011.  
« Est-il vrai que vous écrivez dans les cafés ? » — Oui et je lie ça au syndrome de l’enfant hyperactif. Si je reste chez moi, je tourne et vire sans arrêt, mais si ça bouge autour de moi, ça me calme… »
Un premier roman primé, et quel prix !, mais aussi de nombreux refus avant que Gallimard le prenne. « Personne ne savait que j’écrivais. » À ce moment-là Alexis Jenni était enseignant de SVT ou comme il préfère dire de « sciences nat’ ». La nature, il en a été toujours proche, à 20 ans, il rêvait de faire pousser des arbres dans le désert. Donc une vingtaine d’années de refus de la part des éditeurs chaque fois qu’il envoyait un manuscrit. Aucun ressentiment cependant à leur égard, « pendant vingt ans, je me suis formé », dit-il. Depuis, il a beaucoup publié, cinq romans, un recueil de nouvelles et le reste ce sont des essais. Il annonce une parution pour octobre et une autre en début d'année 2022. 
Laurent présente « La beauté dure toujours », quelques lectures plus tard, on est sous le charme de ce roman sur un couple (en secondes noces) qui dure et ça se passe bien entre le dessinateur et l’avocate… Nous n’en dirons pas plus. Il faut savoir ménager le suspens. Bonne lecture!
Jocelyne Fonlupt-Kilic 

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23/09/2021

99.

(...) Flaubert, le prosateur frénétique dont la phrase relève d’une douleur absolue, infinie, inutile, disait-il, dont le travail sur le style relève de la souffrance quasi-expiatoire (l’expression est de Roland Barthes). On a de Flaubert des souvenirs souvent imposés, scolaires pour les plus anciens d’entre nous, puis merveilleux, quand la liberté de la vie nous a ramené ses ouvrages. En vivant, on relit Flaubert, comme Proust, et on s’émerveille du jeu de la phrase, quand pour l’auteur, elle est d’abord fastidieuse, soumise à un impératif catégorique : dans l’état total qu’elle doit retranscrire, elle doit rejoindre le vers et le dépasser. C’est ainsi, dans sa dimension esthétique, que l’ennui d’Emma est reconstitué, dans son univers (pointilliste) comme dans sa psychologie. Sans affect et sans licence. Quand le trait est grossi, comme dans Bouvard & Pécuchet, c’est que l’intention première est de dénoncer par l’hyperbole. Il n’y a rien de caché que le travail, chez Flaubert, et son principe de la correction infinie, les deux croix qu’il porte à chaque manuscrit : la hantise des répétitions, quand l’une repérée la veille ne garantit pas qu’une autre reste invisible, encore, à l’œil fatigué. Les articulations du discours, ensuite, sa fluidité, la musique flaubertienne, comme il en est une proustienne, une hugolienne, comme on en cherche un peu dans l’édition contemporaine, qu’on trouve, j’y reviendrai cette semaine, chez des auteurs dits classiques (Alexis Jenni en est un remarquable) ou, c’est le cœur de notre festival, chez des auteurs francophones, dont la langue n’a pas été altérée par l’obligation de la modernité.

Mais Flaubert, disais-je. Alain Ferry, dont j’eusse tellement aimé qu’il parlât à ma place, ce soir, disait de son héroïne – partie avec un marin – qu’un soir qu’il se disait le plus heureux des hommes en son compagnonnage, elle s‘était tue, « se mordillant les lèvres comme Emma avait coutume de le faire en ses moments de silence ». Alain Ferry dit que nous défendons Emma parce que nous l’aimons, mais s’interroge : Emma est-elle réellement un personnage de roman, polychrome dérisoirement, mais homogène à l’envi ? Nous ne répondrons pas à cette question ce soir, ça n’est ni le lieu, ni le moment. Nous allons plonger dans la phrase flaubertienne, telle qu’il la livre dans la correspondance, cet art que, deux ans après les lettres de Brassens à Toussenot, nous donnons encore à entendre, aux Automn’Halles. Il faut imaginer Flaubert à sa table d’écriture, condescendre à lâcher une des 4000 lettres qu’il a adressées à Louise ColetGeorge SandMaxime Du Camp, la princesse Mathilde, les frères GoncourtGuy de MaupassantÉmile Zola, bien d’autres. Il faut l’imaginer, là aussi, dans un délai qui devait le miner, littéralement, chercher l’adresse parfaite, la subtilité rhétorique. L’implicite qui fait que toute lettre attend un retour, et que le propos initial, de fait, peut être faussé, masqué : dans une lettre personnelle, l’écrivain va user d’une matière qu’il n’utiliserait pas dans une œuvre publiée, qu’on pourrait juger d’emblée vraie et intime, en omettant les influences externes qui peuvent changer le contenu d’une lettre : la gêne critique, un brin de flatterie, des transports amoureux… Mais l’heure n’est pas à la méfiance, surtout pas, mais à la petite musique flaubertienne, que Yves Ferry nous fait l’amitié d’interpréter ce soir, chez Valéry. Qui fut critique envers Flaubert, mais se trompa dans ses raisonnements : on ne distingue pas, chez Flaubert, le « vrai » scientifique de la documentation du  « vrai » littéraire de la création. L’Histoire n’est pour lui « que la réflexion du présent sur le passé ». Et la correspondance une façon d’éprouver le présent tel qu’il se joue, pendant qu’il se joue. Il n’y a pas deux Flaubert, il n’y en a qu’un, et il y en a mille. C’est le propre des ogres de la littérature.

05:15 Publié dans Blog | Lien permanent

22/09/2021

100.

"Je vivais avec une femme qui ne voulait pas de moi. C’est un grand mystère de l'âme que de s’obstiner dans ce qui ne nous convient pas."

"Mon mari ne voulait pas de mon amour, il ne voulait pas d’amour, d’aucun amour, il ne croyait pas à l’amour, cette alliance du grappin et de la serpillière."

"Nous nous sommes trouvés car c’était écrit : lui est l’arche, et moi je suis le bonheur."

Alexis Jenni - "La Beauté dure toujours", Gallimard 2021

https://www.flipsnack.com/joce22/programme-automn-halles-...

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21/09/2021

101.

Écrire un livre sur Liliane Benelli?

18:15 Publié dans Blog | Lien permanent

20/09/2021

102.

Une autre fatalité, rimbaldienne : «Le seul vrai mot, c’est : reviens, je veux être avec toi, je t’aime, si tu écoutes cela, tu montreras du courage et un esprit sincère. » L’appel est resté dans le vide, Verlaine en fut quitte pour son âme grise, à vie, et même après.

17:18 Publié dans Blog | Lien permanent