07/07/2014
In abstentia.
Samantha Barendson souffre d’un déficit d’image positive. Je sais, ça n’a pas de sens, mais ça en fait : voilà que cette poète au beau minois, hyperactive sur une scène poétique lyonnaise riche mais en cercles un peu clos, voilà que cette femme qu’on pensait jusque-là de bonne lignée détruit le mode ami-Ricorée de la famille idéale réunie sous le chêne, dans le jardin. Avec « Le Citronnier », Barendson va plus loin que les jolis poèmes bien troussés qu’elle lit habituellement, plus loin aussi que les tentatives d’auto-enlaidissement stylistique auxquelles elle s’est récemment adonnée : elle reconstitue la figure paternelle, perdue quand elle avait vingt-quatre mois, autant dire rien, si rien n’était pas la conscience inversée d’un Tout. Que le livre recompose, touche par touche, impression par impression, livré à l’imaginaire autant qu’aux marques, maigres, de la réalité, à la mosaïque d’identités et de pays traversés qui font qu’aujourd’hui, on l’invite elle tantôt comme Française, comme Italienne, comme Argentine ou autre. Par strates, courts chapitres d’une courte somme, elle l’imagine in abstentia, révèle le lot de mystères qu’il a laissés, énonce les regrets de la jeune fille puis femme qui ne l’aura pas connu, puis l’utilise comme figure prégnante d’une enquête qui épouse l’époque, les grands événements, de la dictature des Colonels aux Seat 1200 Sport. Le titre, comme espéré, est une allégorie de la place qu’il occupe, ou occupera, depuis qu’elle s’est occupée de régler son absence, une fois pour toutes. Avec une gradation qui explique qu’elle vous interdise de piocher dans le livre, au hasard : comme si elle luttait, une dernière fois, contre la fatalité que ni cet être ni le livre qui lui est consacré lui appartienne, encore.
Ce serait prétentieux de parler de maturité dans l’écriture, mais c’est quelque chose de cet ordre qui s’est joué chez Barendson : la stylistique est affutée, l’absence d’effets, dans la reconstitution comme dans le sentiment, fait la force du récit. Ou de ce poème en prose, c’est selon. Elle se sort de l’exercice compliqué du deuil rétroactif et partagé : ce n’est pas donné à tout le monde. C’est un citronnier qui vaut ceux de Eran Riklis, et c’est une sacrée référence, pour moi.
NB : la fréquentation de ce blog me vaut déjà quelques soupçons de copinages. Je réitère fermement mon postulat, qui est de ne dire du bien que des ouvrages dont je pense qu’ils sont bons. Je tiens à disposition de tous ceux qui en doutent un ou deux messages privés adressés à des auteurs qui insistaient pour que je leur dise ce que j’avais pensé de leur livre.
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06/07/2014
Who's who.
Jean Lessoeurs, Catherine Buisson, Pierre Lange, Michel Compteur, Karine Sauvage, David Mochenon, Stéphane Pile, Jacques Marron... ©jardin, Simon & Co.
16:03 Publié dans Blog | Lien permanent
05/07/2014
Débaptême.
Au dernier moment, je dois changer le nom d’un de mes personnages de « Aurélia Kreit » : soucieux d’ancrer cette histoire dans une réalité historique durement vérifiée, je m’étais servi du nom d’un des créateurs des Cités du Textile. Mais au fur et à mesure que l’intrigue avançait, épousait les soubresauts de l’Histoire en train de se jouer, ce personnage est devenu beaucoup moins fréquentable que je l’aurais imaginé. D’où le débaptême, qui est un exercice difficile, d’abord parce qu’il convient de ne pas laisser passer un des noms anciens, ensuite parce que dans la tête de l’auteur, il gardera le premier nom. J’ai ainsi, souvent, en rencontre, appelé le Lieutenant Fontaine de Tébessa, Rivière (!) et Grégoire Dallot, de « la partie de cache-cache » du nom de l’ennemi intime de Jean Frémiot. Histoire de brouiller les pistes, un petit peu plus encore.
17:07 Publié dans Blog | Lien permanent
04/07/2014
Ne passons pas à côté d'une joie, d'un bon mot et d'une note facile.
Mon fils a échoué dans son entreprise savamment élaborée de rater le Bac.
16:59 Publié dans Blog | Lien permanent
03/07/2014
Dream on.
Cette femme, dans la rue, qui tance son fils (8-10 ans?) en lui interdisant de se mettre des choses "non réelles" dans la tête, des choses "qui n'existent pas". Et moi qui me demande si je dois reprocher à ma mère de ne pas avoir fait son boulot.
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02/07/2014
Exaltant et intimidant.
J’aurais préféré avoir un peu plus de temps pour parler d’un projet dont on dira plus tard qu’il n’existe pas en littérature, que de créer un immeuble ou un rond-point en est un, mais que faire un livre ne garantit en rien 1) que le livre existe 2) qu’il ait une utilité publique. Mais devant l’orage menaçant et après une attention de l’auditoire longuement sollicitée par la lecture-hommage aux mots grinçants et sublimes de Pierre Autin-Grenier, il fallait faire vite, donc trois ou quatre par quatre. Après, tant mieux : les livres parlent toujours d’eux-mêmes et que dire d’un livre qui n’existe pas encore. Je suis attablé dans une belle cour qui me rappelle celle de Grignan : espérons, ici, que l’oubli ne suive pas la reconnaissance, parce que c’est un peu idiot. Je présente mon argument de lecture juste après Jean-Noël Blanc, dont j’aime et les livres et la personne, qui devrait, bientôt, compléter l’armada des auteurs du Réalgar. Je découvre Catherine Fradier, dont le « Camino 999 », attaqué par l’Opus Dei, lui a garanti 50000 exemplaires, et bien des ennuis : elle viendra par la suite me proposer un réseau russophone aussi exaltant qu’intimidant. Je rencontre enfin Fabio Viscogliosi, qui a vu « Aurélia Kreit » en concert en 1982 et me dit s’en souvenir. Laurent Bonzon, souvent, ramène le débat sur la condition des auteurs, on évoque le deuxième métier, les projets de loi menaçants sur les droits et les indemnités, la très jeune Lucie Albon, illustratrice et scénariste de littérature jeunesse, dit toucher un à-valoir de 1000€ pour… l’année et l’équivalent d’un travail démentiel. Je ne connaissais pas le poète Roger Dextre, qui m’a donné envie de le lire après l’avoir écouté, ni le jeune Loïc Merle, à qui l’on demande si « l’Esprit de l’ivresse », premier roman remarqué, chez Actes Sud, met la pression sur le deuxième en cours d’écriture. Grignan, toujours, et sa mise en exergue signée Dan Simmons (« tout le monde peut écrire un premier roman. C'est le 2ème qui fait de vous un écrivain »). Puisque la soirée est politique, elle s’achève par des discours, des petits-fours, du champagne et des places réservées aux concerts d’Ibrahim Maalouf, sublime, et Robert Plant, anachronique. Je reviendrai leur parler d’Aurélia quand le livre sera édité, de quelque façon que ce soit. Si je pouvais revenir pour « Lettres sur Cour », dans la Cour des Carmes, ce serait parfait : j’y visualisais hier mon quartet musical. Patience et longueur de temps… En attendant, dans la boite à lettres (réparée) ce matin, outre les 36 choses des Editions Pré#Carré, j'ai trouvé la confirmation officielle que ce roman existe déjà, sans être terminé. Exaltant et intimidant, disais-je.
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01/07/2014
Honneurs.
Je repasse ma chemise, taille ma barbe de près, défroisse ma veste et cire mes chaussures : en fin d’après-midi, je reçois, dans la Cour des Carmes, à Vienne, une Bourse d’aide à l’écriture, de la Région Rhône-Alpes, via la Direction des Affaires Culturelles et l’ARALD. L’équivalent de trois mois sans devoir travailler autrement qu’en écrivant, raturant, vérifiant, pour ce projet « Aurélia Kreit » qui a séduit le comité. J’en lirai quelques extraits, tout à l’heure, devant ces personnalités du monde du livre, et laisserai l’effet se produire, ou pas. Je nouerai les contacts qu’il me faut désormais pour une plus grande visibilité et leur rappellerai que, dans leur région, j’ai été plusieurs fois choisi et que ça fait du bien. Pas à l’égo, à l’estime. Aux orientations que j’ai données à ma vie. Ensuite, j’irai boire du champagne avec elles, puis voir Ibrahim Maalouf et Robert Plant en VIP. Je serai de ceux qu’on siffle quand ils arrivent au dernier moment prendre les meilleures places, qu’on leur a réservées. J’aurais pu m’abstenir, mais non, je profite : les occasions sont rares d’être apprécié pour ce qu’on fait vraiment.
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