04/10/2011
Le siècle des Lumière.
Vu « The Artist », hier soir, dans ce qui devient, pour l’occasion du Festival Lumière, la plus grande salle de cinéma du monde : 7000 personnes, peut-être plus, dans l’attente de la projection. Et le silence qui se fait, davantage que dans ces salles où je ne vais plus. Le festival est cinéphile, le public aussi. Le film, vous en entendrez parler partout dans la presse, et j’ai cessé depuis bien longtemps la critique de cinéma. Mais ce qui m’a attiré, hier, c’est le défilé de stars – dont certaines sont bien réelles -, les minutes qui précédaient leur entrée, diffusée sur grand écran, dans l’énorme Halle Tony Garnier. L’applaudimètre, cruel pour les uns, flatteur pour les autres. L’entourage proche mais inconnu, dont la cinéphilie se révèle, ou pas, en fonction de qui ils reconnaissent. J’applaudis à tout rompre Tavernier, Zulawski ou Varda, mais également Maria de Meideros ou Kathia Lewkowicz, pour leur singularité. Je tressaille à la vue des seules images des « 400 coups » ou des « Tontons flingueurs ». Il se confirme en une seule image que Robert de Niro n’est pas réel. Je retrouve le cinéma tel que je l’aime, comme sujet de mémoire, et objet en même temps. Le cirque tout autour, que j’ai vécu à Cannes dans une autre vie, n’a pas d’intérêt en soi et les acteurs le savent bien, qui cachent l’impéritie de leur personne derrière l’importance de leurs rôles. Je regarde Dujardin évoluer dans les travées, me demande quand il a basculé : mon quart d’heure (d’accord, un poil multiplié), je l’ai eu au Tramway samedi, j’en ai eu d’autres avant, j’en ai même aligné pendant plusieurs mois, consécutivement. Je sais qu’il ne faut pas leur laisser prendre la poussière, pas par nécessité, mais parce que la mélancolie est mauvaise conseillère. Dans « The Artist », un comédien réputé se voit dépassé par l’apparition du parlant : à partir de quand les livres dépassent-ils leurs auteurs ? A mon sens, dès qu’ils les lâchent. Dujardin parle sur la scène après les quinze minutes de standing ovation, il souhaite au film de continuer sur la voie royale qu’il a entreprise. Ce n’est plus le sien depuis bien longtemps, mais, comme le rôle, il l’incarne. Michel Hazanavicius en est l’auteur, il s’efface. Ce n’est pas la place des auteurs d’être devant.
Ah, une clé ! Dans « le Poignet d’Alain Larrouquis », les personnages féminins portent le prénom des personnages du « Conte d’été » d’Eric Rohmer. Sauf Léna, que j’ai oubliée, parce qu’elle est déjà présente dans un autre de mes romans de tiroir.
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03/10/2011
Post Partum, animal critique.
Le post-partum, ce sentiment décuplé que la première est passée, que maintenant on n'y peut rien et qu'en plus de ça, il reste à affronter les avis des lecteurs. Ceux qu'on attend et ceux qu'on espère. Ce n'est pas la critique que l'on craint quand on écrit, c'est l'indifférence. Pour le roman, je suis prêt, je l'ai dit. Mais ce que j'ai engagé avec Eric et les musiciens de la comédie, dont ceux qui l'ont accompagné au Tramway, c'est quelque chose de l'ordre de la troupe. Quelque chose auquel je ne croyais pas, il y a peu, maintenant. Mais les routes qui se sont croisées depuis deux ans, les retours, les rencontres, tout cela a contribué à faire que le cheminement est collectif, que j'offre à ceux qui viennent me rencontrer en tant qu'auteur deux pans de mon travail, dont celui musical est plus haut qu'il ne l'a jamais été. Quoi qu'on en dise: Jean Frémiot, qui n'abhorre rien de moins que la chanson française, s'est montré enthousiaste devant le quatuor (Pauline incluse) de samedi. S'est enfui, ce sont ses mots, devant ce que contenait la seule critique négative qui ait été formulée. Trop vertement pour que ça ne cache pas quelque chose : c'est lui qui s'en est ému, rétrospectivement. Moi, là aussi, je laisse les choses venir. Elles sont faites, et bien faites. Je les ai remerciés d'eux-mêmes, ces beaux musiciens, et j'attends les moments où je reprendrai la route avec eux. En gardant mon jardin secret et ma nécessité de silence. Je n'aime pas le bleu, mais j'accepte celui de l'horizon, ou du regard porté sur moi et sur mon travail.
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02/10/2011
Hier, j'étais pris.
De l’intensité, hier, à la Librairie du Tramway. De ces moments que je cherche à passer tout en sachant que le contrecoup est toujours difficile. Il y avait du monde, les proches, les fidèles, et puis ceux qui ont ressurgi d’un peu nulle part, ou plutôt de cette époque que j’ai cherché à retrouver et à retranscrire dans « le Poignet d’Alain Larrouquis ». J’ai répondu pendant une petite heure aux questions de Romain sur la genèse de cet ouvrage mystérieux. Les facétieux du Tranway m’avaient fait asseoir derrière l’étrange qualité de « écrivain-basketteur », ce qui pouvait prêter à confusion : j’ai dû expliquer que le PAL n’était pas seulement un ouvrage sur le basket ni sur Larrouquis lui-même, que tout cela n’était que prétexte, dans l’inessentiel, pour laisser apparaître le souvenir et la mémoire. Que je ne tombais pas non plus dans le piège de l’autobiographique, mon seul souhait étant de jouer avec le vrai pour nourrir la fiction. Pas dans l’autofiction, dans l’égotisme, plutôt. Un moment agréable, quoique déroutant : il me fallait parler dans un micro, avec un retour saccadé juste derrière moi. Détail. Romain fait remarquer la fréquence de mes éditions, au risque de l’amelinothombisation des esprits. J’explique, là aussi, que c’est le fruit d’un cycle court d’édition sur un cycle long d’écriture, que dès aujourd’hui, je ne suis plus rien. Qu’un auteur qui sait qu’il a un livre à écrire mais qui ne sait pas s’il saura le faire. Qui sait néanmoins que ces questions-là, il se les est déjà posées pour les deux premiers, ça aide. J’étais déjà ému, sans narcissisme aucun, par la belle vitrine et cette unité de couleur, en plus de celle d’écriture. Je l’ai été hier en retrouvant ces vieux amis et ces nouvelles têtes, défilant à ma table pendant plus d’une heure pour que je signe leur livre. Le leur, oui, plus le mien. J’ai apprécié les paroles tenues de Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement, qui entendra en plus « Tébessa, 1956 » lui parler de « son » quartier. Des bibliothécaires de Rillieux, également, venues me rencontrer avant que j’aille chez elles, en janvier. De Bruno « sleepless », qui blogge pour « le Petit Bulletin », avec qui j’ai sans doute beaucoup de choses à partager. De tous les autres, pour qui mes trois magnifiques ont chanté les trois chansons des trois romans : Fred Dubois à la basse, Gérard Védèche au lap-steel et au dobro, Eric Hostettler au chant et à la guitare acoustique. Trois morceaux intenses, une « Embuscade » sublime d’émotion. Ces trois-là vont très haut, ensemble… Puis la surprise, Pauline, quinze ans, qui fend la foule et vient interpréter, pleine d’aplomb, cette « Ecole Buissonnière » que désormais tout le monde attend : patience, c’est pour décembre. J’aurai récupéré quelques images, bientôt, j’attends également celles de Tristan Grujard, vidéaste, venu faire un film de ces moments magiques dans la vie d’un auteur.
Evidemment, je suis aux anges, prêt pour le post-partum. J’ai cette impression étrange d’être lu en ce moment même, j’en connais qui l’ont peut-être déjà terminé. Les retours viendront, les incidences, peut-être. La solitude et le découragement aussi. Mais je suis prêt.
NB : merci à N.P-G pour cette photo, sur laquelle j’ai l’air bien seul. Trompe-l’œil.
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