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14/09/2024

SIMPLEXSTIVAL.

Capture d’écran 2024-09-14 à 09.55.11.pngÇa aussi, c’est nouveau. Un éditeur de disques – à l’ancienne, vinyls, exclusivement, bandes oubliées et restaurées de groupes lyonnais (et alentours) qui ont eu leur heure de gloire – qui décide de faire une grande fête, d’inviter quelques-uns de ses poulains et, après tout, pourquoi pas, de donner son nom à ce nouveau festival en rase campagne, qui a avant tout l’avantage d’être…juste à côté de chez lui. Le 1er Simplextival - jusqu’aux programmes, on a cru à un canular – à Vaugneray, donc, compte trois groupes, dont un ne coûte pas cher en musiciens puisque Danilo – déjà vu au Tiki Vinyl Store – joue seul devant son rideau à lamelles argentées. Il est doué, Danilo[1], et ses chansonnettes, faussement légères, restent bien en tête, mériteraient de toucher plus qu’un VRP en goguette dans un hôtel de banlieue, histoire que lui aussi, comme il l’a fait il y a longtemps, se demande ce qu’il est en train de faire (ou de ne pas faire) de sa vie, en Méthadone ou ailleurs. Il a son très jeune fils qui fait le show dans la fosse, et ça tombe bien, ça libère des très nombreux photographes qui empêchent un peu le public d’avancer sur des morceaux aussi bons que Bienvenue en Enfer, ou de nouveaux titres, assez porteurs, un Qui aurait cru qu’une nuit blanche m’aurait guéri ? signifiant. Il terminera sur LMQR, la mélodie qui reste, en hommage à sa maman, aux chanteurs-crooners qu’elle écoutait et qu’il est devenu, pour elle. Danilo-Pétrier-(Fragments of) Factory, c’est une belle première affiche, sachant qu’on y va plutôt pour l’un que pour l’autre. On serait même en pleine battle de dinosaures, entre le Pétrier des Noz et ses 40 ans de scène et les encore plus vieux Puce et Matrat, leaders du groupe mythique de Givors Factory, alliés à la section rythmique du groupe lyonnais de power pop the Segments pour revisiter leur répertoire 1977-1980 et les titres de l’album L'Amérique à la casse, ressorti à l’occasion chez Simplex Records. Du rock dur comme l’aime l’Eddy Barclay valnégrien, qui dénote un peu avec la douceur des deux premiers impétrants, qui savent durcir le ton, néanmoins, quand il le faut. Et qui a, quand on parle de Pétrier, le matos pour, sur scène, avec sa session rythmique de l’homme coupé en deux (Simon/Habouzit, en relation visuelle permanente), le synthé et les choeurs de Mathieu Larue, les cuivres de Samuelle de Jesus Pires – quelle entrée trompette/batterie sur Houdini II ! -  et le son cristallin de l’éternel acolyte Éric Clapot (et son nouvel ampli), celui qui lui a permis d’aller au bout d’un projet qu’il voulait tenir du début à la fin, à son idée. C’est toujours drôle de voir débarquer Pétrier, ses idées loufoques qu’il met en disque ou en romans, dans le monde du rock’n’roll dur, parce que la finalité n’est pas la même quand il faut faire bouger les popotins ou quand il s’agit de chercher l’équilibre entre le récit – LCED est là encore un roman musical – et la mélodie, l’abandon. Oh, à terme, il a l’habitude, et l’autorité, pour tenir sa place (bien souvent mieux que les autres), mais au départ, ça n’est jamais gagné. Comme tout, remarque. Le voilà qui débarque avec ses copains, sur une grande scène – Éric dira qu’il avait du mal à trouver Damien, pourtant imposant, du regard - il a la charge de passer après la belle prestation de Danilo, son aquoibonisme contagieux, et d’ouvrir pour un groupe dont le public aurait cloué ses Noz au pilori, il y a quarante ans. Sans doute se demande-t-il, comme à chaque fois, les raisons qui le poussent à se mettre en danger, mais le refrain est connu de tous ceux qui le suivent : un bonjour poli, la main dans les cheveux, le micro saisi à deux mains dans un angle des coudes parfaitement réglé, et c’est parti. Une heure pour raconter une histoire, la grande vie d’Houdini (Pétrier lui a consacré deux morceaux, pour épater sa fille, qui lui disait que Kaaris lui avait déjà dédié un titre, sans qu’aucun ne puisse présumer qu'Eminem en ferait, récemment, le single le plus écouté sur la toile…), le lien qu’il a développé avec son frère, les secrets de ses tours les plus célèbres, dont le titre du disque. Du livre-disque, comme ceux qu’on dévorait enfant dans le mange-disque familial. Il faudrait savoir la part des fantasmes enfantins dans la réalisation de ces projets d’adultes, dans le fait de développer autant d’énergie et d’application – au sens antique, les jeunes, quand le mot désignait qu’on allait prendre le temps, pas qu’on allait en gagner à tout prix – pour aller au bout de choses bien anachroniques qu’assez peu de gens, en somme, regardent d’un air poli. Et un poil consterné. Heureusement qu’il en reste des comme ça, des rêveurs, parce qu’on serait bien étriqué, dans nos vies bien calmes. Pas sûr que les rêveries de son Altesse soient du même acabit que celles des Factory, leur comédie musicale sur des textes de Manchette, leur reprise reggae de À la claire fontaine chez  Drucker quand les Noz étaient en 4e, les deux morceaux qu’ils ont composés pour le film Le Bahut va craquer, puisqu’on en parle. Mais aussi, récemment, la parution des 11 titres inédits de L'Amérique à la casse, enregistré en 1977 et remasterisé par Simplex Records. Dont ce Flying From The Hairy Stars qui ne peut laisser indifférent les aficionados du mythique gang givordin et les amateurs de rock qui racle et roule, dit le maître des lieux lui-même. Qu’on peut croire mais pas forcément suivre, dans mon cas : litote inside. Moi je suis venu voir comment allait se comporter l’homme coupé en deux au milieu (c’est le mot) de ce cirque-là, pas forcément le sien. Avec un public pas nécessairement venu pour lui, de fait, qui reconnait peut-être Denis Simon parce qu’il a un jour pété les tympans de tout le public du Pez-ner lors d’un concert de rupture avec les Syoodj ou parce qu’il joue (aussi) avec les Slaughter & the dogs, qui leur correspond davantage, en amont, que l’éternel ado hirsute qui secoue sa crinière pour se donner du courage et entamer sa sérénade. L’histoire, une fois encore, de Johnny Eck, né sans jambes, avec une colonne vertébrale en miettes et un torse atrophié, condamné à autant de contorsions sociales que circassiennes et célèbre pour son numéro d’homme coupé en deux. Paradoxe, sur scène, dans un tel festival, celui qui chante cette histoire-là n’a pas de truc, pas de faux-fond dans la malle, il faut donner tout de suite pour que ça prenne. Pas d’illusion, dans le rock n’roll, sinon celle qui s’empare de vous quand on commence ou quand on ne sait pas suffisamment se juger, après le show. Son Je ne dors jamais intrigue les oreilles venues écouter autre chose, il est pêchu et interroge sur les mystères de la création, de l’imaginaire qu’on subit, quand le cerveau tourne à 3000 la nuit, toujours pour envisager le pire. LHCED déroule, Stéphane s’excuse auprès de son producteur et de son batteur d’avoir écrit St Etienne – le morceau – mais le joue avec force, s’excuse d’être parfois un peu déconnecté à l’autre bout du monde mais le défend musicalement via son avatar, les Beaux restes, en full band, confirme son titre de tube interplanétaire : une chanson écrite pour un ami qui est parti, et aussi pour ceux qui sont restés et qui ont la chance de continuer ce truc époustouflant, merveilleux, dramatique et ébouriffant qu’est la vie, annonce Pétrier. Il y a Nu dans la crevasse – pardon, sur le rond-point – au tambourin, un morceau inédit, l’anachronique et oulipesque pour un rien joué en acoustique, au tabouret et le groupe entier pour finir sur Besoin de personne, la plus belle contre-vérité jamais chantée, surtout quand on attend tout du public. Une trois-centaine de personnes, venues, je l’ai dit, pour des raisons différentes, qui auront supporté, dans la deuxième partie de soirée, l’absence de sièges ailleurs que dans la salle, l’évaporation ultra-rapide du blanc au bar et le fait que personne n’ait même touché l’album d’Aurelia Kreit, en vente avec les autres productions Simplex. Une belle soirée néanmoins, dans cette salle de l’Intervalle au son & lumière parfait, peut-être (encore) un peu grande pour autre chose que du très connu et très commun. Mais son atrium, pour finir, valait peut-être davantage que la salle, pour les visages connus, les histoires qui remontent, les promesses qu’on se fait – comme dans les enterrements, dira Guillaume. Évidemment, le froid glacial et l’attente de Jo – pas inintéressant – auront raison de mes derniers anticorps et me vaudront un rappel courroucé du producteur à l’oreillette, à 8h20. Il doit être content, on l’est pour lui : ça n’est pas tous les jours qu’on inaugure un festival, qu’on crée un rendez-vous.

[1] Il les lâche, ses chansons, sur la route, sur les différents dépits que la vie propose au fur et à mesure qu’on s’y coltine. Dans Méthadone, il y a cette voix qui lui répond – c’est sans doute sa chérie, elle est dans la bonne cinquantaine de jeunes qui ont peuplé l’endroit : (tu reviendras) je ne reviendrai pas (tu reviendras) nan, il nique la panique, parmi les nombreuses interjections qui ponctuent son show, il se décrit lui-même quasi-ingénieur en quête de contrats se demandant ce qu’il fait là et s’imposant, pour survivre, sa première composition, Danilo, avec son look anachronique d’Elno ressurgi de nulle part s’étonne en permanence d’être là, d’avoir été signé, à l’ancienne, de pouvoir montrer ce qu’il sait faire et quand il aura définitivement cessé de le faire, ses chansons gagneront encore, comme sur disque, où la production et le spectre musical impressionnent. CDT 26.01.2024

09:55 Publié dans Blog | Lien permanent

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