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16/09/2024

Le Grand.

Capture d’écran 2024-09-16 à 15.33.46.pngL’ironie a voulu qu’on me prévienne au moment de l’exergue, quand on se demande à qui on va dédier le livre qu’on vient de boucler. En 50000 mots, petite coquetterie oulipienne. Auxquels il va falloir, à vie, ajouter les 27 qui disent ce que personne n’a encore dit publiquement, mais qui s’est transmis, dans la matinée, à la vitesse de l’éclair, parmi les amis qu’il comptait par milliers, ou plus, tant le Grand était un élément fédérateur de ce que tout Lyon recense dans le spectacle vivant. Un programmateur, un facilitateur, un gérant et un ami. Il a fallu, en plus de ça, qu’on m’apprenne qu’il était à Vaugneray, au Simplextival, vendredi, avec Lyne, qui en assurait le catering, mais qu’ils sont partis avant les concerts, avant que j’arrive, donc, moi qui me réjouissais de peut-être les voir, comme on les voit (un peu) partout quand Stéphane est par là. J’ai encore son message de la fin août, quand il comptait me mettre en relation avec Benjamin Biolay, parrain de la St Louis, comme ils en avaient convenu au Radiant, en février. Ça n’est jamais bon signe, quand on remonte les dates, ça pousserait presque à en parler au passé alors que l’actualité est tellement forte, chez lui, la Grèce, bientôt, la Corse, où deux maisons, dont une d’amis, les attendent, la Nouvelle-Calédonie, pour que Lyne se fasse faire les rougails-saucisses qu’elle n’a eu de cesse de faire pour les autres, à la Casa. Leur Casa. Je serai à vie le premier écrivain – sans trop de problèmes de vocabulaire – à utiliser le plus de fois ces trois mots, rougail-saucisse et Casa dans un recueil qu’il ne verra hélas pas, dont on aurait évidemment fêté la sortie là-bas, avant qu’ils vendent, avant qu’on en fasse un temps d’avant. C’était déjà dur de s’imaginer sans cet endroit qu’on a tellement fréquenté, pour eux comme pour ce qui s’y passait, c’est encore plus absurde d’imaginer qu’on ne le verra pas passer la tête pour surveiller si la prise de son s’y passe bien,  que sa grande carcasse rassurante ne fera pas écho à la nôtre.

J’ai aimé cet homme pour le calme qu’il dégageait, l’autorité qu’il savait manifester, quand il le fallait. Je l’ai vu fréquenter des gens (très) connus, d’autres non, sans aucune espèce de différence. Je crois pouvoir dire qu’il appréciait mon recul quant à ce système, qu’il comprenait pourquoi je disais non quand il me proposait d’aller voir l’artiste en loge, après son concert. Lui y allait parce qu’il ne faisait pas partie du décor, il l’était, le décor, par son flegme et le fait que l’artiste lui savait gré d’être là, de tout arranger pour que tout se passe bien. Il m’a envoyé vers son ami François Morel, à Sète, l’hiver dernier, je l’ai remercié pour les places, j’ai forcé ma nature pour aller saluer la vedette à la fin, j’ai aimé le sourire de cet homme quand je lui ai dit que je venais de sa part à lui, au Grand. Je ne suis pas de son premier cercle, mais on se retrouvait avec plaisir, je les revois chez moi – j’attendais qu’ils reviennent – ou, il n’y a pas longtemps, chez Jutard. Son grand ami Nilda est parti il y a bientôt cinq ans, ça n’était pas prévu qu’il le rejoigne si vite, qu’il nous laisse sans élément fédérateur, sans les dernières dates à la Casa dont la fin se reportait d’elle-même, faute d’avoir encore vendu la maison. Même sa chute dans une piscine sans eau – sans la mythologie rock’n’roll, il a toujours été dans le contrôle - les opérations du poignet qui ont suivi, ces dernières années, n’ont pas eu raison de son enthousiasme, l’ont peut-être poussé à lever le pied, à considérer autrement les années de retraite que Lyne et lui se sont patiemment fabriquées. Quoi de plus normal, finalement, que son trop gros cœur n’ait pas tenu ? Il y a beaucoup de tristesse chez ceux qu’il a laissé, les connus, les anonymes. Il faudra du temps et des artistes pour qu’elle se transforme. D’ici là, laissez-nous avec notre peine, et notre cœur à nous qui se serre.

15:00 Publié dans Blog | Lien permanent

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