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09/04/2021

267.

C’est ce qu’il faut avoir en tête quand on joue Aranjuez, plus que n’importe quelle partition : plus on se fond dans l’élément, plus il parvient à l’auditeur. C’est l’eau, la terre et le sang qu’il faut lui rendre, l’Espagne et rien d’autre. Le crescendo de l’orchestre est la base dramatique, la guitare qu’on m’a demandée, la poétique. Deux pans d’une même entité, la complexité d’un homme et de son œuvre : lire la musique ne suffit pas, la jouer non plus, s’y perdre est essentiel. Le premier mouvement est la pointe du jour, la lumière qui recouvre la terre, l’idée de la naissance et du monde à conquérir ; le deuxième, l’après-midi qui se prélasse, la lumière qui s’adoucit et se prête à la flânerie, à la séduction : c’est l’âge d’homme. Le troisième, une analepse, le zénith, le soleil de midi, la lumière qui écrase, l’idée absurde que l’existence est essentielle. Jouer cette œuvre, c’est être un homme complet, avec ses failles, ses fulgurances, tout entiers contenus dans un morceau de bois. J’aurai fait parler le bois, en menuisier de la confidence. Pour cela, certains diront que je ne mourrai jamais. C’est l’absence de moi qui validera l’idée que je ne suis plus là, mais rien de tout ça n’est grave, maintenant. Là où je vais, je vois Lucía. Et tout recommence.

05:15 Publié dans Blog | Lien permanent

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