26/01/2020
Farewell.
Toutes ces marques de temporalité qui viennent valider l’irréversibilité d’une vie. On pleure la disparition de Terry Jones – ce qui en soi, quand même, situe notre CSC – on a une discussion privée sur le deuil, l’inacceptable habitude de l’absence, l’idée qui fait son chemin des prochains départs, du sien, aussi, et puis, au hasard d’un entrefilet, l’annonce de la mort d’un footballeur, pas de légende, mais presque. Un grand joueur resté dans l’ombre de quelques illustres coéquipiers. Mais trois syllabes que j’aimais prononcer, enfant, avec l’assurance bien maquillée de celui qui s’était choisi un joueur que les autres ne choisissaient pas. Le foot et l’enfance, c’est lié à la cour de récréation, selon que vous êtes un incontournable ou celui qui reste, une fois qu’on a déguillé. Robby Rensenbrink, personne, à ma connaissance, ne lui a consacré une chanson entêtante, ou un roman sur ses échecs à devenir Champion du monde. Avec une équipe nationale qui a pourtant marqué l’histoire du jeu sur le plan de l’esthétique et de la philosophie. Je collai quelques vignettes Panini, juste au dessus du radiateur, sous la fenêtre de ma chambre d’enfant, il est donc lié à vie à des époques révolues, mais si prégnantes, encore. Dans une chanson à venir, j’écris « On repense à tous ces amis, si présents et pourtant si morts ». On passe notre vie avec des étrangers qui la ponctuent, c’est sans doute cela qui en crée le sel, et l’hyper-sensibilité. D’Amsterdam, j’ai un jour ramené à mon fils blond comme les blés un de ces maillots orange qu’il pouvait porter sans aimer le foot : juste parce que c’était décalé, que ça renvoyait à une idée, surannée, de l’immatériel et du Beau. Ça mérite d’avoir vécu cette vie, même si sa fin passe inaperçue : la mort des (faux) seconds rôles - dans les 100 meilleurs joueurs de l'histoire, 1000ème buteur des Oranje - est plus durable que celle des stars, c’est leur revanche.
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21/01/2020
Claude Lemesle.
J’ai assisté récemment à un concert de reprises de Serge Reggiani, me rappelant partiellement ces moments magiques et pourtant bien tardifs à l’Auditorium de Lyon. Des lettres de lui ponctuaient le récital, dont une m’a parlé, particulièrement : elle était adressée à ses auteurs, auprès de qui il s’excusait de ce que le public les confonde avec lui, souvent. Pourtant, sur scène, il n’oubliait jamais de les nommer, ces personnes si méconnues et pourtant si essentielle : c’est par lui que j’ai connu Claude Lemesle, par exemple, qui reste dans l’écriture l’équivalent d’un Moustaki ou des mythiques Delanoë, ou Roda-Gil. Ces hommes de l’ombre, pour le cliché, je les ai toujours admirés, et je reste fasciné par le combo paroles & musique, la souplesse qu’il faut à un écrivain pour se fondre dans une mélodie, celle qu’il faut à un musicien pour s’adapter aux mots, aux sonorités. J’ai dans ma petite carrière un catalogue d’une trentaine de chansons, à la SACEM. Pendant un peu plus de dix ans, mon vieux complice Eric Hostettler les a composées, et interprétées. On a même partagé les textes et musiques de « l’Eclaircie », son premier album, ce qui fait de moi, qui n’ai jamais joué une note – j’aime trop la musique pour ça – d’être officiellement recensé comme compositeur. Ponctuellement, parce que les duos ont la vie dure et que le milieu n’est pas partageur, j’ai travaillé avec d’autres, et non des moindres. Stéphane Pétrier, du Voyage de Noz, a dit mon "Camille", mis en musique par Schizoïde, rencontré sur un forum : en une proposition, un micro-refrain chanté, il a tout bouleversé. Stéphane Jardin, lui, a chanté « le Café des Ecoles », de la comédie musicale – dont on ne savait pas, sur le moment, que le chant en serait la faiblesse – et en a fait une version sublime, hélas jamais finalisée. Vitas m’a demandé un texte qui n’a jamais vu le jour, les frères Védèche ont un « Brothers in Blues » en réserve. Sandro, lui, a réussi l’exploit de composer sur un de mes textes en prose, sans paroles, juste avec une mélodie sublime. J’ai l’ambition, à terme, de placer une de mes chansons dans chaque prochain projet de mes amis chanteurs, voire d’écrire la totalité d’un de leurs albums, s’ils veulent s’aventurer. C’est compliqué, parce qu’un auteur-compositeur-interprète n’aime pas forcément qu’on écrive à sa place, et je le comprends : je pourrais, en toute amitié, tuer Balmino pour avoir écrit « J’écris » à ma place, ou Riatto, pour son « Baudelaire ».
En 2020, qui vient de commencer, deux projets vont me voir exister en tant qu’auteur de chansons. Eric va bientôt finaliser « Quantifier l’amour », que je n’espérais plus. Mes textes ont dix ans, n’ont pas pris une ride, on retrouvera même « l’Embuscade », inspirée de « Tébessa, 1956 », déjà immortalisée par le quatuor de « Littérature & Musique ». J’en suis ravi, même si, aujourd’hui, je n’en maîtrise rien de la portée musicale. Dans le même temps, je reçois ces jours-ci les premières versions des premières chansons de « Ciao Bella », un projet que Sandro avait initié et que Fred Dubois, le Herr Direktor musical de « Trop Pas ! » a repris, à sa sauce, avec sa culture et son raffinement. Ce que j’entends est époustouflant et j’ai hâte de finaliser l’objet livre-disque : j’en peaufine la nouvelle, déjà très courte, pour garder l’essentiel de la fausse-bluette. Et je pense à Claude Lemesle, en toute modestie : parce que nous avons écrit sur Camille tous les deux. Quand Leprest est mort, on l’a présenté, alors qu’il allait parler, comme le directeur de la SACEM. Il a commencé son discours, s’est interrompu, et a repris « oui, mais avant tout auteur ». Je suis sûr que, comme moi, à mon petit niveau, il sait quelle est la vérité d’une chanson : c’est quand on l’aime comme chanson qu’on en oublie qu’on en a écrit le texte.
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18/01/2020
Creuser l'affaire.
J’aime assez la façon dont Bernard Joustrate présente mon rapport avec l’héroïne que je partage donc, désormais, avec ceux qui l’ont créée et fait vivre il y a trente ans. Celle de nos post-adolescences enfouies, dit-il joliment. Je suis bien incapable de répondre aux questions qu’il sous-tend, j’ai juste, il y a longtemps déjà, fait le constat que mon travail recréait mes mythes de très jeunes hommes, entre le huis-clos sartrien, le poignet en éponge au bras gauche d’Alain Larrouquis et, alors, le regard perçant d’Aurelia, sur l’affiche, sur mon mur. C’est sur l’Ambidextre - plus pratique, pour le basket - un blog plus que fréquentable, et il annonce un premier bel événement en 2020, qui en appellera d’autres : on se mobilise autour de ma petite Ukrainienne, on trouve des moyens alternatifs de la faire exister, c’est bien. J’attends encore que tous les obstacles se lèvent pour que les deux Aurelia soient un jour réunies en une seule soirée, mais il faut y croire : même s’il n’y a plus aucune chance, je sais qu’on essaiera encore, dit l’autre.
C'est donc le 28.02 à la Balançoire et le 29.02 au Jardin de Papier, à Roanne, que je viendrai parler de la véritable histoire d'Aurelia Kreit. Et assumer mon côté obsessionnel.
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03/01/2020
Dithyrambes.
Les plus inquiets - de leur statut - diront que la diffusion n'est que d'estime, mais Aurelia vit sa vie, et semble en marquer plus d'un. Qu'on ne s'y trompe pas (comme on l'a fait avec les autres, et avec moi-même; par ailleurs) : ce roman est né en fin d'année 2019, mais c'est en 2020 qu'il rencontrera pleinement ses lecteurs.
"Digne des plus grandes sagas familiales, on découvre avec bonheur ces personnages qui n’ont commis qu’un seul crime : être Juifs dans une Ukraine en proie à la misère... Ils n’ont qu’une solution, fuir avant d’être massacrés comme tant d’autres avant eux.
Je suis fascinée par ce livre, par la documentation énorme dont Laurent Cachard s’est servi pour nous permettre d’être aux côtés de ces deux familles en fuite. Que de découvertes !
Je découvre un pan de l’histoire, celle de l’Ukraine, que je ne connaissais pas. Une seule envie : découvrir ce pays et ces artistes (peintres, écrivains...)...
Et puis cette immense tristesse, une fois encore, à propos du sort des Juifs accusés par des plus pauvres qu’eux d’être à l’origine de tous leurs maux... accusés jusqu’à la torture et la mort et toujours voués à l’exil.
On suit deux familles, qui, à chaque installation, quand tout semble aller bien, sont obligées de repartir pour échapper au destin que d’autres veulent pour eux : la mort.
On découvre les balbutiements de la psychanalyse et des femmes admirables et inoubliables.
De la grande littérature, facile à lire cependant. J’ai retrouvé ce bonheur oublié de lire avec un dictionnaire pour vérifier certains termes et avec Internet pour visualiser des lieux, des personnages...
Personne n’oubliera Aurelia, ni Olga, ni Anton. Et tout le monde aura, souvent, les larmes aux yeux en découvrant ce magistral roman.
Mon immense coup de cœur 2019."
« Il m’a fallu une dizaine de jours pour lire Aurelia Kreit.
C’est avec un très grand plaisir, mais aussi beaucoup d’effroi que j’ai suivi les différents exodes des familles d’Anton et Nikolaï. J’ai notamment aimé voir évoluer souvent de façon drastique le caractère des différents personnages tout au long des dix ans que dure « l’aventure ».
Intérêt de découvrir que les exactions faites aux juifs ne remontent malheureusement pas aux années 30. Ce roman n’est jamais didactique, mais pour ma part, j’y ai appris de nombreuses choses. Ce livre m’a d’ailleurs permis de mieux comprendre l’extrême solidarité qui demeure encore de nos jours au sein de la communauté juive. (...)
Bravo également pour la qualité des personnages auxquels on s’attache avec une grande facilité : Olga, Anton, Vladislav et Pavline notamment.
(...)
Dans ton nota-bene, tu écris que ton héroïne se distingue du personnage fictif qui l’a inspirée parce que la tienne a survécu. Je suppose que pour toi l’aventure d’Aurelia se termine avec ce livre (nb : merci d’avoir réussi à glisser « le cœur en croix » dans les toutes dernières lignes). Ecrire la suite de l’histoire n’aurait sans doute pas grand sens. Je le regrette un peu.
En tous cas grands mercis pour ce très beau moment de lecture de l’année. (...)
"Je n’en suis qu’à la moitié de ce roman éblouissant ! Digne des plus grandes sagas familiales, on découvre avec bonheur ces personnages qui n’ont commis qu’un seul crime : être Juifs dans une Ukraine en proie à la misère... Ils n’ont qu’une solution, fuir avant d’être massacrés comme tant d’autres avant eux.
Je suis fascinée par ce livre, par la documentation énorme dont Laurent Cachard s’est servi pour nous permettre d’être aux côtés de ces deux familles en fuite. Je découvre un pan de l’histoire, celle de l’Ukraine, que je ne connaissais pas. Une seule envie : découvrir ce pays et ces artistes (peintres, écrivains...)...
Et puis cette immense tristesse, une fois encore, à propos du sort des Juifs accusés par des plus pauvres qu’eux d’être à l’origine de tous leurs maux...accusés jusqu’à la torture et la mort et toujours voués à l’exil.
Je retourne à la seconde moitié du roman, mais je ne pouvais pas attendre pour vous dire de foncer le lire (à se procurer chez l’éditeur)."
"Je me doutais depuis le début qu'Aurelia elle-même serait toujours présente en filigrane dans le livre pour n'apparaître en pleine lumière qu'à la fin et en effet elle annonce une belle suite... Car cette infirmière ne peut pas s'arrêter là (...).. Je reste subjugué par la maîtrise de tes personnages de bout en bout... Ils se surpassent, comme toi... Je connaissais à peu près bien une partie de ton oeuvre mais là c'est une autre histoire... Tout y est, y compris les faits historiques, les détails techniques ou scientifiques et même au niveau de la psychanalyse c'est vachement bien traité... Toujours en souplesse avec une belle dextérité. On retrouve même un peu de la problématique de la gémellité... (…) Je te trouve très habile dans tes articulations et tes ellipses, et je suis ébahi par ton rythme, une vraie musique que l'on entend de bout en bout sans jamais faiblir, c'est ça la grande force de ton roman... A la fin, on en attend encore, comme si tu en avais gardé sous la plume... Autre chose: bien aimé ta manière de gérer les trios de personnages, c'est presque systématique et chaque scène pourrait ainsi être théâtralisée... J'ai vu ce que tu avais lu (biblio) et c'est effectivement lisible: on sent bien que chaque sujet même s'il fait 3 pages a été soigneusement peaufiné et enrichi auparavant... (…) Bien aimé ton traitement de la judéité, sans insister, mais c'est le fil du roman avec l'âme slave en toile de fond...Bref, triste de quitter Aurelia à qui je souhaite longue vie... Il va rejoindre les autres Cachard entre Butor et Calaferte...Après c'est Camus et Carco..."
15:01 Publié dans Blog | Lien permanent