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17/11/2019

La corde ou le combat.

Dossier de presse AK-page-007.jpgLe constat étant fait – et souligné parfois avec un mépris évitable – des difficultés de diffusion du livre, l’alternative est faible entre la corde et le combat. Nonobstant les quelques moments de fatigue inhérents aux quelques vexations vécues, je choisis le combat. Je sais que le temps des autres livres peut s’avérer beaucoup plus long que celui de ceux dont on parle, je le vis toujours avec le premier que j’ai écrit, il y a plus de dix ans, maintenant. Alors, puisque l’on me dit que de m’entendre en parler aide à franchir le cap de l’appréhension devant une telle masse, puisqu’on me dit aussi – et c’est magnifique – que c’est parfois le regard aigu de l’héroïne en couverture qui a raison de la paresse naturelle, eh bien je reprendrai bientôt mon bâton de pèlerin et irai dès le mois de prochain traiter des thèmes de l’identité, de la question juive et de l’exil là où l’on m’invite, et là où je me propose. Plus d’informations très vite, comme on dit dans les milieux autorisés.

Pardon d’avance pour le moment d’autosatisfaction, mais voilà le retour que j’attendais de celle qui – si vous avez suivi la genèse – devait m’assister dans les recherches historiques. Pour tout un tas de raisons, ça ne s’est pas fait, mais il faut croire, à la lecture, que je ne l’ai pas déçue. J’en livre ici une version délestée d’informations qui en disent trop sur l’action, mais si vous n’avez pas encore commencé la lecture du roman, vous pouvez vous dispenser de son panégyrique. Tant que vous faites circuler l’information et construisez avec Aurelia - en l’offrant, en en parlant à votre libraire, à des critiques, en envisageant un événement chez vous, dans une structure associative, un cercle de lecture ou autre – une autre chaîne du livre.

"Quelle belle fresque, bien construite !

Pas de longueur. Des articulations bien huilées. J’ai tout lu sans rien sauter, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. A la fin, je trainais même pour ne pas finir !

Soulagée de passer du statut de voyeuse, (...), à celui de témoin attentif à Istambul, d’une histoire vieille de trois ans et qui continue dans une insécurité permanente mais gérable pour les protagonistes, même lorsque les alertes sont rouges. Choix très intelligent de tout de suite panser les peurs extrêmes qu’on éprouve pour les personnages en nous projetant dans le futur sans transition.

On se prend d’estime pour Anton qui se débrouille toujours pour s’en sortir quelque soit la situation, et pour répondre aux attentes des gens qu’il affectionne. Pourtant, dès la première phrase, on sait qu’Anton va vivre des moments pénibles : il est satisfait de sa situation, la suite va le déstabiliser jusqu’à lui faire connaître le dés-espoir à la toute fin.

La vanité des dix années passées à fuir, à essayer de sauver l’idée qu’il se fait de ce qu’il doit être, à essayer de sauver une famille qui somme toute, se débrouille sans lui, lui saute à la figure au travers du message laissé par Aurélia. C’est à mon avis pour lui que l’aventure est la plus cruelle. Il prend énormément de risques et in fine se rend compte que le bonheur qu’il imaginait pour les autres, les autres n’en veulent pas… En arrivant à Lyon, il en oublie presque Igor qui a choisi la séparation. Cette position le rend très humain et plus attachant. On voit bien qu’il ne sait pas gérer, qu’il est démuni devant les questions posées par le choix de son fils.

La triangulation des relations entre les personnages est toujours parfaite, et le croisement des triangles génère des étoiles relationnelles à 5 ou 6 branches dans lesquelles Aurélia est partout présente, même en filigrane. Je l’ai trouvée d’ailleurs parfois un peu estompée par la présence de sa famille alors que c’est elle qui est porteuse d’avenir.

Je me demande si le grand malaise d’Anton, à la fin, ne vient pas du fait qu’au départ de sa fille, il se retrouve dans un huis clos à deux « qu’il n’avait pas envisagé ». Anton est bien quand il est dans un triangle et quand il doit se battre pour les autres.

Varvara est capable de s’en sortir seule. Elle s’est révélée un personnage magnifique au fil du livre qui affronte la vie avec tellement de classe (...). Passage vers la réalité, fut-elle dure, qui lui convient beaucoup mieux que le monde de rêve que lui proposait Nicolaï : elle a bien compris que le rêve peut générer des décalages tels qu’elle ne retrouve pas sa jumelle dès leur première rencontre, mais seulement de longs mois après.

La capacité d’Olga à donner de soi est le juste reflet de la personnalité d’Anton moins évidemment généreux, mais qui ne sait se bouger que pour les autres. Cette femme a un beau profil qui sait hiérarchiser les urgences. Structurée, organisée, équilibrée, elle m’a beaucoup plu, mais elle m’a laissé une impression d’inconfort. Son rôle de « mère juive » qu’elle pousse à l’extrême en s’occupant de Varvara en dépression comme si c’était un enfant y est peut-être pour qq chose. Elle s’oublie dans le bonheur des autres comme Anton ne sait se motiver que pour le bonheur des autres, réel ou supposé.

Au-delà de tous les triangles relationnels (Anton-Nicolaï-Olga (Varvara est à ce moment « évanescente » ) ; Varvara-Olga-Vladislav ; Anton-Vladislav-Hemann ; Olga-Vogt-Aurélia ; Pavline-Vladislav-Varvara ; Anton-Varvara-Aurelia, etc.), j’ai aimé le duo Varvara-Aurélia à Vienne et leur relation silencieuse et si forte, parfaitement décrite. On vit en connivence avec elles autour du canapé.

Aurélia assure avec une belle maturité la synthèse Olga-Anton. Elle fait des choix généreux et raisonnés, alors que ses parents sont dans la réaction aux événements extérieurs. On quitte Iekatarinoslav pour qu’elle ne vive pas l’horreur qu’on pressent pour elle et le livre se termine sur l’horreur qu’elle a choisi sciemment d’affronter. Belle fermeture de l’anneau ce choix engagé !

Le rascisme anti-juif par moments poussé à l’extrême renvoie sans fard à des réalités qui me paralysent. On peut être né quelque part, s’y plaire et finir sa vie en étant de nulle part. La tragédie du juif errant est très présente, même quand le groupe s’implante vraiment et crée des liens, la vie pleine d’ironie mordante, les ramène à la réalité. On les accueille, mais on ne les aime pas, voire on s’en méfie comme s’ils étaient capables de trahir leur propre mère.

J’éprouve une certaine jalousie devant la culture que tu as du acquérir pour écrire une histoire crédible. Je suis absolument admirative du travail que tu as produit."

15:13 Publié dans Blog | Lien permanent

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