30/06/2019
Minute, papillon!
Me voilà confronté à un phénomène étrange, moi qui ai fini par les considérer comme habituels, dans ma vie. Un truc absurde, à la Devos – l’influence de « Pôle-Emploi » sur mes dernières semaines ? – irrationnel : je n’ai pas vu le temps passer. Au même titre que Monsieur H, dans la pièce sus-dite, j’ai perdu mon temps, sans le perdre vraiment, juste pour dire, en somme, que je ne sais pas où il est passé. Mais pas du tout. Et la perte est conséquente, puisque c’est tout un mois, celui de juin, que je ne retrouve nulle part. Ni dans ma mémoire immédiate, ni dans celle, un peu plus profonde, du continuum. Peut-être parce que j’ai préféré le mois de juin de l’an passé (c’est une piste) peut-être parce que je m’étais fixé, il y a peu – six mois, mais pourquoi se rappeler de ce qu’on avait en tête il y a six mois si c’est pour ne rien savoir de ce que sont devenus ces trente derniers jours ? – des échéances tellement autres qu’en ne se réalisant pas, elles ont effacé de fait la matière temporelle dont elles avaient besoin, a minima qui plus est ? Je n’en sais rien, mais comme je le cite dans la pièce, également, le livre d’Isabelle Kauffmann, Grand Huit*, m’est revenu immédiatement en tête : dans ce roman, qui se passe aux moments des travaux d’Einstein sur la relativité, une femme demande à son ex-mari de lui rembourser le temps qu’elle a perdu avec lui, mais pas en argent, en temps, justement. En cycles de temps. Elle lui propose d’étaler le paiement en cycles de huit années, sans quoi il ne reverra pas son enfant. Jamais. De quoi me demander, du coup, si ce temps que je ne retrouve pas, on ne me l’a pas enlevé, par quelque charme que ce soit. Bref, puisqu’il me faut être philosophe, je vais me dire que cette accélération me rapproche encore un peu plus de la grande échéance, celle que je verrai passer trop vite mais que j’attends depuis longtemps (ça n’est pas la mort, non !). Le coup du lépidoptère et de la minute, je ne l’ai pas vu venir, lui non plus, et pourtant, ça n’est pas faute de l’avoir annoncé. Mais toute la calliépie du monde n’y fera rien : il m’a manqué un mois, moi qui ai fait matière des dix ans qu’on ramène, des trente ans qui reviennent, moi qui d’ici peu - deux mois, mais me les accordera-t-on ? – ouvrirai le journal d’Aurelia, en 28 épisodes d’un jour, plus volage mais moins risqué.
* le Passage, 2011
21:10 Publié dans Blog | Lien permanent
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