Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/03/2018

La Haine des camions.

L’image m’obsède et m’interpelle plus que jamais. La pudeur me dit de me taire mais le silence, dans la vie, l’amour et la mort sont les étapes de l’après, pas celles du pendant, de ce qui se passe, arrive ou – c’est le sujet ici – arrive de nouveau. Je pense à cette personne à laquelle la vie m’a lié dans une injonction commune, aux mots sur lesquels nous sommes tombés d’accord il y a seize ans : chacun de notre côté, in abstentia mais unis par l’homme que nous venions de perdre tous les deux, nous serions condamnés à vivre, ne serait-ce que pour lui. Récemment encore, on me disait que j’étais celui qui témoignait, recueillait, immortalisait, dans la grande ironie de la disparition. Pas par gloriole personnelle, ni même par culpabilité, mais parce que la permanence, chez moi, est viscérale et que j’ai toujours détesté l’idée que l’humanité perde un contemporain capital sans même s’en apercevoir. J’ai fait vivre en moi et partout où je le pouvais cet homme-là, je sais que ma compagne d’infortune en a fait autant. Ça a dû être compliqué de vivre au-dessus de cette histoire, de s’accorder le droit de continuer, différemment mais de continuer quand même. Ceux qui l’ont rencontrée ont dû lutter contre ce fantôme-là, omniprésent. Alors quand, avant-hier, j’ai appris que l’homme avec qui elle partageait sa vie venait de disparaître dans les mêmes conditions que celui qu’elle a perdu il y a seize ans, mois pour mois, je n’ai pu éviter la nausée, je ne peux éviter de l’écrire aujourd’hui. Il n’y a pas d’autre damnation que celle que nous partageons depuis longtemps, mais la voilà obligée d’interroger son destin alors même qu’elle n’y est pour rien. C’est injuste, profondément. Et ça m’oblige, là encore, aux forces de l’esprit, à les imaginer tous les deux se rencontrant, d’égal à égal, enfin. C’est aujourd’hui qu’elle se séparait de la deuxième personne qui l’a aimée en seize ans. Je pense à elle profondément. Et à lui ; non, à eux.

18:49 Publié dans Blog | Lien permanent

Les commentaires sont fermés.