21/10/2015
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Tout le monde sait que c’est l’eau dans la pâte et la cuisson sur feux vifs qui font le goût unique des gaufres de la Vogue des marrons. Mais ça revient à expliquer à un Breton que si des bulles se forment et montent à la surface de la fontaine de Barenton, ce n’est pas seulement parce que les fées vont émettre un oracle. Bref, à chacun sa rationalité, mais la Vogue de la Croix-Rousse, c’est un rendez-vous annuel insupportable parce qu’à chaque année s’ajoute la conscience de celle qui est passée, et qui décale votre perception : des jeux de plus en plus bruyants, des attractions de plus en plus chères, la disparition programmée des avions, après celle du « Paris-Méditerranée ». Pourtant, chaque année, ça n’est pas la vogue qui importe, c’est d’y aller. Et hier, profitant d’un séjour « chez moi », j’ai fait le voyage, comme quand j’étais enfant, comme dans « Tébessa », puisqu’on ne cesse de m’en parler, encore, et j’ai défié la fatigue, snobé les bus, emprunté les chemins de traverse pour m’y rendre. Je suis passé sur les places de mon enfance, j’ai remonté la rue Hénon, jeté un œil au clocher tant regardé de mon bureau d’écolier, j’avais l’impression que chaque personne croisée venait de ce temps-là, avait vieilli, comme moi, mais se retrouvait dans le regard que je lui accordais, qu’elle me rendait. J’ai déjà tout dit sur la mécanique des places et des temps, rendu à la Croix-Rousse ce qu’elle a donné à mon enfance. On en est ou on en n’est pas, c’est aussi imbécile que ça, et il faut la vivre d’ailleurs pour que cette appartenance ait un sens. Mais hier, pendant que je faisais le chemin dans un sens, un autre que moi le remontait, arrivant d’en bas, plus qu’un autre, puisque partie, réelle, cette fois-ci, de moi-même. Manger une gaufre au sucre au stand Modern’ Confiserie, ça n’a rien d’un acte anodin : donner un rendez-vous à son fils pour qu’on en mange une ensemble, c’est un de ceux qui font qu’un jour on pourra accepter de passer la main : on y est souvent allé tous les deux, c’est la première fois qu’on s’y retrouvait.
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