15/01/2012
C'est qui, ce Baudelaire?
Un très bon moment, hier, à l’espace Baudelaire de Rillieux-la-pape où, à l’invitation de Cécile Dérioz et de Marie-Claude Douot, je suis venu présenter « le Poignet d’Alain Larrouquis ». Enfin, plus exactement, l’ensemble de mon œuvre, tant il fut autant question, in fine, des deux autres romans que du dernier. Parce que quand Cécile Dérioz me présente, elle raconte à quel point « Tébessa, 1956 », que j’aurais dû présenter là-bas en 2008, déjà, les a marqués, elle et tous ceux à qui elle l’a fait lire. Elle me présente via mon activité, ce qui a toujours, sans coquetterie, tendance à m’impressionner et confie à l’auditoire (une trentaine de personnes quand même) le plaisir d’accueillir et de découvrir des auteurs « pas encore célèbres ». Je note l’euphémisme et en souris, j’attends le moment – s’il se confirme – de mon entrée dans les manuels scolaires pour me confronter de mon vivant à ma propre postérité. Ces charmantes responsables de l’Espace Baudelaire sont bienveillantes, mais timides et peu bavardes, ce qui fait que rapidement, on me confie le micro et on me laisse me débrouiller seul. J’avoue que je ne sais pas forcément toujours pas quoi commencer, je reste debout, adossé à la table, je prends l’auditoire à la gorge comme il m’arrive de le faire dans d’autres domaines et voilà que je parle de moi. Justement pour chasser le narcissisme, l’autofictionnel. Je parle de la proximité des romans, de la maldonne qu’elle peut entraîner chez ceux qui me découvrent, de mon entrée dans l’édition, de la fameuse lettre de Claude Raisky. De Lettres-frontière passé, de Grignan à venir. Je confie à des lecteurs la fierté d’être reconnu par eux, avant d’être reconnu tout court. Je parle des thèmes du Larrouquis, de l’identification, de la distance du tireur, de l’Espagne, de Somosierra. Je regarde ces visages à l’air intéressé, pense en moi-même que j’y prends goût, une semaine après le Cabaret Poétique, que ma vie est là et que eux n’en doutent pas. Pas comme la société, je veux dire. Je parle d’une vie d’écriture qui est la mienne et leur attention la valide. Après un premier temps où l’on n’ose sans doute pas m’interrompre, on m’interroge sur la portée historique de Tébessa, je retrouve les questions qu’on m’a posées en 2009, j’y réponds. Par la mécanique des places, par l’écriture simplifiée. Je parle pour la première fois publiquement des portraits de mémoire, j’en vois dans l’assemblée qui sourient parce qu’ils en font partie. Un monsieur très cultivé – qui viendra par la suite me parler de la métrique des chansons – me demande si l’actualité pourrait inspirer le romancier que je suis, je lui réponds en philosophe, arguant du fait que mon engagement à moi est esthétique mais qu’on peut poser des problématiques actuelles en écrivant un dialogue de 1906. Aurélia, donc. Pour la première fois aussi, je ne respecte pas la dissociation en évoquant mon autre métier pour répondre à une question sur la nécessité d’avoir fait des études de Lettres pour écrire. Ce qui est évidemment faux, sauf, peut-être, pour boucler un Dom Juan en vers en une quinzaine de jours… Bref, je m’amuse bien, je crois tenir l’auditoire, il est donc temps de le lâcher. Je présente la partie musicale du projet, mon travail d’auteur au sens large, raconte un peu la genèse et laisse la place à Eric et Gérard, dont les répétitions le matin même m’avaient enchanté, pendant que je repassais ma chemise dans la pièce à côté. Quelques pains, pour reprendre un terme du milieu, un dobro peut-être pas assez fort, un ou deux oublis de texte (Eric confiera la difficulté d’entrer tout de suite dans le sujet, après une heure d’écoute de l’autre), mais la magie opère, je crois. La relation entre eux est palpable, en tout cas, je ne m’en lasse pas. C’est sublime et touchant d’entendre ces chansons dans des lieux aussi inédits pour le genre. « Au-dessus des eaux et des plaines » fait donc son retour, comme annoncé, je sais aussi qu’elle clôt la rencontre à chaque fois. Nous nous quittons à regret, après une séance de dédicaces finalement assez nourrie, des retrouvailles avec de vieux amis de trente ans, d’autres qui s’annoncent par des démarches singulières, je signe autant de T. ou de CC que de PAL (vous notez l’aspect pratique de mes titres ?), je regarde des gens partir avec tout Cachard sous le bras et, plus tard, dans leur vie. Cécile Dérioz m’a appris hier qu’un enseignant de collège avait choisi Tébessa pour travailler avec ses 3èmes et qu’une rencontre serait bientôt organisée avec les classes. Il ne me fallait pas moins que l’assurance de revenir pour que je puisse partir en toute tranquillité.
13:48 Publié dans Blog | Lien permanent
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