08/01/2012
Expérience anthropoétique.
Du coup, ça y est, c’est fait. Je disais dans ces colonnes que l’avantage du Cabaret Poétique, c’est qu’il proposait du sens à un moment de la semaine où on est tous en train de le chercher (le dimanche, à 17h). Le corollaire, c’est qu’il laisse, juste après, dans un état d’abandon difficile à surmonter pour qui s’y est confronté. Comme promis et annoncé, j’ai donc franchi les deux trois marches qui vous propulsent en pleine lumière (quel projecteur !) pour faire un pas chez les poètes, moi qui ai spécifiquement demandé à Frédérick Houdaer qu’on ne me présente pas comme tel. C’était la 11ème édition, la 2ème pour moi, qui avais aimé le principe : temps de parole restreint à dix minutes, alternance des genres sur laquelle veille le Mr Loyal de l’affaire. Aujourd’hui non plus, je n’ai pas été déçu : est monté sur scène, en premier, Jean-Baptiste Cabaud, auteur protéiforme (jeunesse, Bd, scénarii etc.) venu lire un essai, un long poème héroïco-ethno-maritime plein de force, aux intonations peut-être un peu trop accentuées, à mon goût. Les feuillets se succèdent, il ne mâche pas ses mots ni ne les annone. Il a la présence scénique des poètes qui savent où ils vont. Hervé Bougel lui succède, pour un changement radical : il est présenté comme un poète-éditeur, des Editions Pré carré, dont j’entendis parler pour la première fois par Christian Chavassieux. Hervé Bougel, tremblant de trac, vient présenter une poésie sociale, issue de ses années, dit-il, de prolétariat, si tant est qu’il s’en soit sorti ou même qu’il l’ait voulu. La maladresse dans la diction, le perdre pied, c’est sans doute ce que je préfère dans l’exercice de lecture poétique : un poète trop sûr de lui est un mec louche. Vos papiers ! Bougel n’épargne rien à l’auditeur, la misère, la crasse, la drogue, mais aussi la camaraderie, la solidarité. Rien d’étonnant qu’il termine par un Mr William, l’employé modèle de Ferré, aménagé. Peu de certitudes, mais du ventre dans l’écrit. Après, c’était à nous. Nous, Pedro et moi-même. Pedro, avec qui j’ai répété deux heures dans l’après-midi pour proposer une lecture d’un poète "à l’occasion". Je ressors, accompagné par le son clair de sa guitara, « Sevilla », écrite au siècle dernier, sur laquelle on devait travailler. On ne l’a pas fait depuis dix ans, je lui ai donné deux heures pour aboutir. Et, malgré quelques approximations, le son acoustique de la guitare souligne harmonieusement les mots rares du poème. On enchaîne avec un « Indifférentiste » parlé (c'est mieux), dont il connaissait les accords. Je me surprends, malgré les projecteurs, à ne pas trembler, ne pas heurter les mots, moi qui ai toujours dit être un piètre lecteur de moi-même. Ça passe, et plutôt bien, il me semble : la focalisation féminine (du texte!) doit faire son effet. Bon je ne tarde pas, pour le dernier morceau, à cabotiner un peu, me présenter comme le romancier accidenté ici. Auteur d’une comédie musicale lycéenne entre « la Boum » et « Hamlet », qui plus est, moi dont Frédérick Houdaer a vanté le premier roman d’une telle façon qu’il a dit avoir oublié, à sa lecture, qu’il avait un article à rendre dessus… C’est une partie du 3ème, « le Poignet d’Alain Larrouquis » que j’ai choisi de lire pour finir, celle de la ballade des républicains à Somosierra. L’occasion de placer Nizan, dans mon travail de sape… Je lis, il me semble être intelligible et la force d’écoute est impressionnante. Le temps, une fois la lecture achevée, de me retirer sur une des Confidences Indistinctes et j’en ai terminé avec ma prestation. Sûr, au moins, de ne pas être passé à côté. On me sollicite à la table des livres à vendre, c’est un bon signe. Derrière, Thierry Renard termine le travail, accompagné du groupe à qui revenait aujourd’hui la partie cabaret (et dont le nom m'a échappé) : un long morceau dit avec brio par ce comédien-poète sur le silence et la parole des arbres. De la conviction, du polylinguisme, des mots justes et l’impression qu’ils ont toujours joué ensemble alors que, de son propre aveu, ils n’ont répété que deux jours avant. Peu importe, ça passe, et bien, même si, au regard de ce qu’a fait Bougel, on peut poser la question de la poésie trop bien dite, justement. Le final est festif, le groupe invite les « poètes » à dire quelque chose de plus pendant qu’il couvre ça d’un groove rodé et passe-partout. Puisqu’il s’agit de dédramatiser et de boucler la soirée, je vais lire, en alternance avec les vers graves de mes compères, deux extraits de « Trop Pas ! » (sans aller jusqu’au PTDR !) qui montrent que l’on peut composer sérieusement sans se prendre soi trop au sérieux. Ça a toujours été mon credo, ça le restera. Un bon moment – de plus – vous aurez compris. De quoi oublier, juste un instant, que tout un pan de bleu s’en est allé ces jours-ci. Et qu'il faut faire face au réel, quand même.
20:58 Publié dans Blog | Lien permanent
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