10/09/2011
Commissaires-mépriseurs.
La dernière fois, j’avais procédé par périphrase. Là, je le dis, c’est à Bourges que ça se passe. Bourges, la ville où Malraux a inauguré la première maison de la culture. Des artistes, justement, du moins l’un d’entre eux pour commencer - mon ami Jean-Louis Pujol - décident de s’engager au profit des enfants irradiés de Fukushima. La cause est noble, un galeriste, Laurent Quillerié, de Pictura – mon premier éditeur, pour les livres d’artiste réalisés avec Jean Frémiot – offre gracieusement les services de la galerie, ouvre son réseau. L’action est (trop ?) rapidement menée, d’autres artistes adhèrent, proposent des œuvres. La vente se fait un lundi, au début du mois de juillet, seule la presse locale relaie l’information et son correspondant, pour éviter une répétition, utilise l’expression « vente aux enchères » (voir l'article). Faut-il dire que, par jeu, une des œuvres en vente s’est arrachée à coups de surenchères de 10€, entre amis ? Disons-le. Mais qu’on aille taxer les jarretières des mariées, alors, ou interdire toute performance artistique mimant la geste des commissaires-priseurs. Autre chose, le bilan : cette vente humanitaire a rapporté 1300€ pour près de 40 œuvres vendues, soit des cotes très inférieures à celles du marché pour les artistes présents : normalement, dans un vrai « gala » de bienfaisance, la cause aurait voulu qu’on mît plus d’argent qu’elles n’en valaient. Mais, encore une fois, l’action a été menée rapidement, les artistes se montrant d’ailleurs les principaux acquéreurs, au final. L’occasion d’un Thimonnier ou d'un Badaire à 40€, le tout pour une association franco-japonaise, un entre-soi bon enfant. Et pourtant…
Pourtant, les vacances passées, Laurent Quillerié a été convoqué au commissariat parce que l’étude des commissaires-priseurs de Bourges a porté plainte. Son responsable, Me Darmancier, a d’abord piteusement argué du fait que son syndicat l’en avait obligé, que ce ne serait qu’une main courante. Ce que les policiers, écoeurés, ont infirmé : la plainte passera bien par le Procureur de la République et peut aboutir à l’annulation de la vente, à l’énoncé d’un délit et à une condamnation. Justice de classes, ou comment se payer sur de l’humain, quand on spécule soi-même au quotidien sur des successions ou des saisies. Le dégoût serait complet si cette farce ne se déroulait pas dans l’atmosphère feutrée et flaubertienne de la bêtise provinciale : chez ces gens-là, Monsieur, on convoque en douceur, on ne menotte pas. Pour peu que quelqu’un demande pourquoi, vous pensez… Faut-il faire le lien avec d’autres activités de Laurent Quillerié, dont le « Berry Ripoublicain » a fait plier, par jet d’éponge, Hortefeux et ses sbires dans l'autre procès des caricatures, l’année dernière ? Il semblerait, une fois le coup de blues passé, que l’effet produit soit inverse et c’est heureux. Dans ce petit théâtre picrocholin, un absurde chasse l’autre, pour autant : Quillerié est l’heureux détenteur d’une collection d’œuvres impressionnante bien connue de la Salle des Ventes de Bourges (qui n’organise jamais de ventes humanitaires, tiens…), lui-même connaissant parfaitement les lois liées à la vente d’œuvres d’art. Donne des cours (particuliers) aux enfants des personnes qui aimeraient qu’il se taise, quand il ne les donne pas (collectivement) à des enfants des quartiers de Bourges qu’ils ne connaissent pas.
Les petits combats font les grands changements. Ce blog, je l’ai déjà dit l’année dernière, n’a pas d’autre vocation politique que celle de l’esthétique. Ça ne m’empêche pas de me demander comment se dit indignation, en japonais.
17:19 Publié dans Blog | Lien permanent
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