06/11/2010
IV- L’Impromptu de Florence
L’action se passe sous les arcades du Palais Pitti. Laurent de Médicis, qui n’a pas encore rencontré Clarisse Orsini, jouit d’une solide réputation de séducteur. Ippolita Maria, fille de Francesco Sforza, au mariage de laquelle il a assisté, l’aborde secrètement.*
Ippolita Maria Sforza
Vous m’intriguez, Monsieur, je ne sais si je dois
Vous demander des comptes sur un subit émoi
Laurent de Médicis
Que je vous inspirai ? Vous me flattez, Madame !
Ippolita Maria Sforza
Je vous prie de cesser de jouer de vos charmes !
Je ne vous parle pas de ce type d’émoi
Qui ne touche jamais qu’êtres de peu de foi !
Mais de la position que vous prenez, céans
Qui vous donne les traits d’un fieffé Don Juan
Dont on ne sait jamais quelles sont les humeurs
Ni de quelles régions sont les élans du cœur
Laurent de Médicis
Vous pensez me connaître sous ces attributs-là
Qui vous rassureront puisque ces entrelacs,
Il va sans dire, Madame, qu’ils ne sont pas les vôtres :
Vous n’êtes pas de celles qui rampent et se vautrent !
Ippolita Maria Sforza
Monsieur, vous m’outragez !
Laurent de Médicis
Il n’en est rien, Madame !
Ippolita Maria Sforza
Pourtant c’est outrancier !
Laurent de Médicis
Mais si loin de votre âme !
Puisque les Florentines tiennent de leur Cité
Le don de ne sortir jamais que maquillées
Des plus belles peintures qu’on ait jamais perçues
Vous n’avez pas le vice, Madame, mais la vertu !
Ippolita Maria Sforza
Vous savez bien flatter, mais savez moins répondre
Aux questions qu’on vous pose et pourtant sans encombres
N’y a-t-il pas ici quelques afféteries
A ne montrer de vous que cette face-ci ?
Laurent de Médicis
Pour la clarté, Madame, vous avez un époux !
S’il vous voyait ici, que dirait-il de vous ?
Ippolita Maria Sforza
Rien de ce qui m’attire ne peut m’être fatal
Quand le lien que j’ai pris est fidèle et moral
Laurent de Médicis
Et si je vous disais, Madame, que je l’envie
Cet être qui à vous un jour on a uni ?
Ippolita Maria Sforza
Je vous dirais, Monsieur, que vous pourriez aussi
Etre d’une ingénue le fidèle mari
Laurent de Médicis
Que je n’aimerais plus dès après qu’un regard
Se portera sur moi sans que j’y prenne gare ?
Non, non, je vous le dis, je n’aimerai personne
Que je ne puisse aimer sans peur du monotone
Je peux garder de vous le meilleur sans conquête
Il suffit qu’un sourire, une pensée s’y prête
Et si cet absolu dépasse l’Apennin
Je resterai là, seul, en maudit florentin !
Je préfère aimer plus que l’on m’aime en retour
Qu’on me condamne donc sans ultime recours :
On dira de ma vie qu’elle se fît dans l’errance
Mais on dira aussi qu’elle séduisit Florence.
* Il va sans dire qu’aucun historien sérieux n’a trouvé trace de cet épisode sulfureux.
09:05 Publié dans Blog | Lien permanent
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