Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/04/2010

L'anamnèse de Mégevette

IMG_0071.jpgThéorème de la rencontre Lettres-Frontière : plus la commune est petite, plus le nombre de participants aux groupes de lecture est important. A Mégevette, dans le cœur de la vallée, il y a quelque chose comme 400 habitants, dont un peu plus de 6% s’est déplacé dans la salle du presbytère reconvertie en bibliothèque. Et heureusement. Parce qu’il y a eu quelque blasphème de prononcé dans la soirée. Une soirée magnifique, entamée (après une sieste réparatrice à l’auberge du village) vers 18h30 et terminée vers 23h30, après un after – comme disent les jeunes – qui fera date dans l’histoire, généralement feutrée, des rencontres littéraires. Une petite salle comble, un auteur acculé à des étagères bien garnies, une micro-arène que je préfère affronter debout et les débats qui commencent, qui abordent les questionnements habituels, et d’autres qui ne font pas dans la complaisance : on me demande si j’ai considéré le droit moral d’aborder un tel sujet, on me fait part de débats passionnés sur le sujet. Je réponds, je ne me défends pas, j’explique : je reparle de la part épistémologique propre à l’exercice, du rôle de la fiction dans le travail de mémoire. J’aime aller au combat, ça tombe bien, mais la bataille est d’ores et déjà gagnée, tant ces lecteurs là, si avisés, ont été conquis. Par Gérard, ça, je le savais. Par moi, il me restait à le prouver. Puisqu’il est acquis parmi les organisateurs que je suis un auteur bavard, je ne démens pas, je me lâche, après tout, c’est ma dernière sur le sol français. J’aurai existé comme auteur une fois, même si, évidemment, j’aspire à revenir, à recommencer, à convaincre avec un autre roman, moins consensuel. D’ailleurs, puisqu’on s’intéresse à ce que j’ai fait, à ce qui a précédé Tébessa, à ce qui va suivre, je les soigne, quitte à passer pour l’incontrôlable de service, au vu de mes activités diverses : parolier, dramaturge, romancier et, désormais, auteur d’une comédie musicale qu’il va bien falloir livrer, puisqu’elle a suscité des attentes.

On me dit que le début de Tébessa correspond exactement aux souvenirs d’un père, d’un oncle, d’un parent qui lui est revenu. Je réponds, m’appuyant sur le Des hommes de Mauvignier, qu’on peut être revenu d’Algérie et y avoir laissé sa vie, même en n’y mourant pas. Yves Peyrani, vice-président de Lettres Frontière, venu pour l’occasion, me fait l’amitié de me dire que Tébessa lui a permis d’envisager autrement ce qu’il a vécu, lui, en Algérie. C’est touchant, et ça valide, dans le même temps. Il me reste à débattre, quelque part avec lui, de ce rapport entre le vécu et la fiction, avec grand plaisir.

La soirée s’est déroulée, mais il manquait sans doute quelque chose pour qu’on la recommence : Eric a livré deux autres chansons de « l’Eclaircie », plus une autre chanson de la comédie. « Le café des écoles » m’émeut au plus haut point, j’écoute cet homme-là interpréter mes mots sans me rappeler une seule seconde que c’est moi qui les ai écrits : ça me permet de les trouver formidables. Il paraît que je dois reprendre la parole ; une idée me traverse l’esprit, pour que l’instant soit immortel : je lis « Ouessant » à même mon téléphone portable – miracle de la technologie -, je pense avec un amour infini à Fred Vanneyre, systématiquement parmi nous. Je lis aussi – alors que j’avais pensé « au choix » - quelques passages de « cache-cache », avant de renoncer, la mort dans l’âme, à prolonger la conversation. Comme on reste parfois toute une nuit à parler et à refaire le monde parce qu’on sait que ces instants-là sont très largement supérieurs à ceux qu’on vit sous la contingence.

Monsieur le conseiller général, député suppléant, dira de moi, et me dira en face, que j’ai le charisme et l’éloquence pour faire de la politique : je lui réponds par dédicace interposée que la rhétorique et la passion ne sont pas que politiques, et que je n’aurai pas forcément besoin de concéder pour « réussir ». Réussir quoi, au juste ? Le tout n’est-il pas déjà réussi, au-delà de mes espérances ? Je termine mon « Never Eding Tébessa Tour » en ayant fait bouger quelques lignes, en ayant un poil brusqué les habitudes : le vice-président confirme. Je reparle de mon décalogue, je n’aurai pas manqué de dire l’admiration que j’ai pour des auteurs de ma « promotion », Chavassieux, Sandoz, d’autres. C’est terminé, vraiment ? Non, je vais aller à St Maurice au mois de mai, à un horaire inhabituel (12h30) : c’est là-bas que je libérerai ce roman qui m’aura emmené là où je n’aurais jamais osé espérer aller. « Les lilas blancs de mois d’avril », déférence gardée envers mon impéritie horticole – qui en aura gentiment choqué plus d’un – ne sont pas près de faner, dans ma mémoire, et pas seulement.



l'école buissonnière (L.Cachard/E.Hostettler)
envoyé par cachardl. - Regardez la dernière sélection musicale.

16:01 Publié dans Blog | Lien permanent

Les commentaires sont fermés.