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30/03/2010

Portraits de mémoire, reprise.


2ni6mon, 41 ans, passe de projet en projet en essayant de garder une ligne aussi claire que sa caisse.

Docteur es toumtchackologie

Image 7.pngDenis Simon, enfant, n’aimait déjà pas tellement l’école. Indépendamment des matches de foot dans la cour haute de celle de la Croix-Rousse où les quatorze premières années de sa vie se sont déroulées au rythme tranquille des compétitions que « son » Olympique Lyonnais ne gagnait pas encore. Des années à subir l’outrageuse et humiliante domination du voisin stéphanois qui lui ont laissé un goût amer que l’inversion des succès n’a pas totalement anéanti : du coup, c’est vêtu des diverses tuniques de son club de foot qu’il prend place derrière les futs, qui ne sont de bière que lorsqu’il a fait le job. Parce que Denis Simon est batteur, et pas n’importe quel batteur : des noms de la place lyonnaise se disputent ses services, il va de Palandri à Cupidon, d’Ana M. à Nar6. Jusqu’aux mythiques Bijou qui, se reformant, le sollicitent directement. Il a explosé les tympans de ceux qui ont assisté aux concerts des Syoodj, parmi d’autres faits d’arme. Ou plutôt de batterie. De celles qui ne se déchargent pas, et qu’on installe au beau milieu de la pièce à vivre. Car en bon soixante-huitard qui ne s’est pas défroqué, Denis n’a pas beaucoup transigé avec son art, avec cette façon particulière d’être derrière mais en même temps celui dont tout dépend. Si ses enseignants de l’époque pouvaient voir ce qu’il est capable de faire avec des baguettes, peut-être l’auraient-ils davantage laissé jouer avec ses stylos, quitte à ce qu’il fasse du bruit : ça n’a pas l’heur de déranger outre mesure Lilou et Gabin, qui doivent bien se dire que leur père a un clic dans la tête, ni Sophie, qui sait sans doute mieux que quiconque qui elle a rencontré. Difficile de croire, pour autant, que c’est dans une église que 2ni6mon a eu une révélation ! Qu’il a focalisé pour la première fois sur la timbale de la machine installée sur l’autel par des hippies de l’époque : heureusement, soupire-t-il encore, que sa mère n’était pas là ce jour-là. C’est d’ailleurs avec son père - pas non plus le plus rock’n’roll qu’on ait connu – qu’il ira acheter sa première, sur laquelle il se testera jusqu’à ce que les voisins du boulevard obtiennent son exil à Perrache, dans le studio que son cousin et ses acolytes de Rouge Victoire occupaient à l’époque, en 1985, où « le rock existait encore… »

« On oublie vite qu’un huitième de soupir peut annoncer un crescendo,  accelerando poco a poco »

Il s’entraîne, en autodidacte, le pied sur la grosse caisse pour marquer le 1er temps (poum) et la baguette sur le sharkley pour le 2ème (tchak). Pour résumer. Parce qu’il avance tellement vite qu’il rentre tout naturellement d’abord dans  Rouge Victoire  puis dans les groupes émergeants de la région : Cupidon, Charly Red. Il côtoie le batteur de Ganafoul, à qui l’on doit quand même « Elodie mon rêve » de Shona (aussi), fréquente les studios Grange, rencontre le naissant Voyage de Noz – dont Stéphane Pétrier, par la suite, connaîtra le goût du garçon pour le tacle glissé à hauteur du genou. Les locaux des Art-Sonic, également, à Caluire. Il monte un groupe, encore un, 5’Up, croise de nouveaux grands noms de l’époque : François Perrin (« le meilleur guitariste du monde »), ce qu’il reste des Electric Callas et de feu Marie & les garçons… Et se retrouve en contact avec Bijou, donc. Toujours pas impressionné : les seuls temps faibles que Denis connaisse sont les 2ème et 4ème temps dans une mesure de 4X4 : toum tchack toutm toum tchak, toujours. Ou quand les douaniers ont confondu 300 grammes de poudre blanche de garagiste avec de la cocaïne pure. De quoi entrevoir, l’espace d’une longue garde à vue, un congé sans solde pas forcément programmé par Euronews, qui l’emploie, pour qui il a réalisé des jingles, celui de Vancouver 2010, notamment. Parce qu’il n’est pas monomaniaque non plus, le sosie de Jean Reno (à moins que ce soit Reno lui-même qui s’en soit inspiré pour composer son personnage de batteur autiste dans « Subway » ?). Il écoute, il entend et il compose, des variations électro-vidéo-toum tchak, se produit aussi, partage un peu de son univers. Il émarge dans des compils de Rock à Lyon, s’amuse sur scène avec Palandri ou Stéphane Jardin comme il s’est amusé de jouer « Rock à la radio » avec le groupe qu’il écoutait presque enfant sur le même support. Avec qui il a tourné dans le Sud-Ouest pour défendre un disque dont presque personne n’a finalement entendu parler et sur le livret duquel il voit au final qu’on a crédité…l’ancien batteur ! Même si lui a eu droit à des remerciements exceptionnels, juste en dessous de la photo de Gainsbourg… Vicissitudes d’un milieu sur lesquelles il passe sans coup férir. Parce qu’il a déjà rebondi, et loin : il a affaire, tout ou partie, à Prohom, Aston Villa, enregistre « Tout ira mieux » dans les studios de Mickey 3D avec Nar6. Crée DimENsIonS, enregistre son album « Echo logic » qu’il distribue numériquement : pas le genre à s’attarder sur un support déjà mort, 2ni6mon… Il enfourche son scooter – conséquence de rencontres en voiture trop fréquentes avec la maréchaussée – repart pour des nuits faites de musique, de concerts, de rencontres et d’heures tardives. Mais aussi, c’est le paradoxe du bonhomme et de son milieu, de fidélité. A son Olympique, même déclinant. A l’enfant qu’il a été, qu’on a voulu ranger avant de savoir ce qu’il avait en tête. A trop vite décréter que ça sonne creux à l’intérieur, on oublie vite qu’un huitième de soupir peut annoncer un crescendo,  accelerando poco a poco. De derrière les fagots. Il n’a rien oublié de tout ça, 2nis, se souvient d’une Annick J. qu’on regardait avec passion à la récréation, sans se douter qu’un jour, peut-être, c’est elle qui le regardera avec la même envie, un soir de concert. Mais ce sera trop tard. Il a fait sa vie d’une part, n’a nulle envie d’en changer : il a payé le prix des illusions, celles auxquelles tout être absolu se confronte à un moment ou à un autre de sa vie. A la moitié du temps donné, il n’y a plus que de musique et de bons moments qu’il est insatiable. I have a drum, prédit-il. Celui-ci, on n’est pas près de le voir passer. LC

 

 

 

10:51 Publié dans Blog | Lien permanent

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