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06/03/2010

les madeleines de Vougy.

500_1179_vignette_1ecoleVougy.jpgJe suis dubitatif. A Vougy, tout à l’heure, des gens charmants m’ont prédit un avenir littéraire à la hauteur des écrivains qu’ils ont déjà reçus dans la jolie bibliothèque de la commune. Des écrivains comme Hubert Mingarelli, comme Sorj Chalandon, rien de moins. J’ai très envie de les croire et de me dire que la partie de cache-cache m’installera – le mot est détestable – dans la partie des écrivains dont on se plaît à se demander des nouvelles. Du monde pour terminer ma trilogie, vingt-cinq personnes, peut-être, pour le petit-déjeuner littéraire. La formule est attrayante, conviviale : il y a une vraie proximité, un grand nombre de personnes qui ont lu Tébessa. Je ne me rendrai compte qu’à la toute fin de l’entretien que je n’en ai pas lu de passages, parce que ça ne le nécessitait pas, parce que des personnes, après l’introduction élogieuse de Fabienne Massarotti, m’ont posé les justes questions sur ce que le roman a provoqué chez elle : la matière, toujours, mais avec ses variantes. On m’a demandé aujourd’hui, par exemple, comment je me positionnais psychanalytiquement par rapport à Gérard, si j’acceptais de le laisser partir après tant d’efforts pour l’avoir intégré au plus juste. Je parle toujours beaucoup (trop), je donne à voir ce qu’est la vie d’un écrivain émergeant, j’explique avoir porté seul et à bouts de bras ce roman qui, maintenant et grâce à eux, n’a plus besoin de moi pour exister. Comme Gérard en somme, qui me survivra auprès de ces lecteurs, à qui je n’ai pas non plus, comme je l’avais prévu, donné lecture d’un extrait de mon « cache-cache ». J’en ai déjà défloré le synopsis, criant mon amour pour Emilie, ma petite fille chétive et allergique. La conversation porte plus que les autres jours sur l’édition, les écrivains, je me retrouve, comme à chaque fois, agent des Bertina et Mauvignier, j’explique quelles sont les raisons pour lesquelles on doit maintenant s’engager dans l’écriture pour dire des choses qui n’ont pas été dites, justement parce qu’on ne les a pas vécues. Je parle de Roché et de Jules & Jim, j’ai une pensée pour Xavier Rockenstrockly, le premier à m’avoir invité, je lui enverrai la photo quand je poserai devant la librairie de Christelle, à Cluzes, qui porte le nom du roman (et du film). Je n’ai pas toujours eu de la chance avec les libraires que j’ai croisés comme auteur, mais là, je répondrai volontiers à cette invitation que j’ai moi-même sollicitée ! La nuit a été courte, mais je me sens très à l’aise au milieu de ces personnes qui me renvoient de l’amour pour mon livre par vagues. Quelques-unes d’entre elles maintiennent qu’il y a forcément un rapport entre le personnage et l’auteur pour que je l’ai si justement, selon elles, cerné. Je parle des correspondances, des coïncidences, des rapports au monde des apprentis horticulteurs. Je donne quelques pistes, mais je n’en ai pas la réponse moi-même. Je sais simplement que « cache-cache » sera plus sombre, mais que la distance et le point de vue seront semblables. Peut-être l’expérience, les violences autres que celles de la guerre auxquelles on est soumis, dès l’âge de mes protagonistes. Pour les en convaincre un peu plus encore, sans pour autant qu’ils aient l’air découragé, et puisque Fabienne m’y invite dans la transition, je laisse la parole à Eric, qui donne un set resserré : trois chansons, « l’embuscade », que les lecteurs peuvent retrouver sur son Myspace, « Quand mes filles seront parties » et « Au-dessus des eaux et des plaines », pour beaucoup d’émotion et davantage d’attention, du coup. Ça marche. Je regarde les personnes qui l’écoutent, un moment je recule jusque dans la salle de la bibliothèque, à côté. Je regarde de loin ces personnes qui écoutent quelqu’un dire mes mots et je trouve ça beau. Pas mes mots forcément, mais l’écoute. Je signe beaucoup de livres, il faut croire que des cadeaux vont être faits, mon Dom Juan trouve des lecteurs, pour une fois, Eric des auditeurs de « l’Eclaircie ». Comme dans tous ces moments qui sont agréables, on a du mal à se séparer, d’autres coïncidences se jouent, je ne veux pas m’avouer que je suis épuisé de ce périple. Le repas se fait dans le calme retrouvé de la bibliothèque, en famille ; on parle de livres, évidemment, mais de vie, aussi, d’une Clara d’une semaine et d’un jour. En partant, je me dis qu’un jour peut-être, elle viendra, lors d’une rencontre, me faire signer mon dixième ou quinzième roman. Ça voudra dire que je n’aurai pas changé de position sur l’écriture, son exigence, le don de soi qu’elle entraine mais qui se voit, dans des moments comme ceux-là, remboursé au centuple. Que je préfèrerai toujours venir à ces rencontres que passer à la télévision. Que je n’aurai pas fait carrière moi, mais que mes livres, j’espère, y entreront.


Ci-joint la version quasi-finale de "l'embuscade", par Eric Hostettler (tous droits réservés©)
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Evian, Cocteau ou moi.

Evian PL.jpgEvian, ville d’eaux majestueuse et, me rappelle Patricia Delpeau, ville plus que symbolique quand on vient y parler de la Guerre d’Algérie. C’est idiot, mais je n’y avais pas pensé avant. Sans doute parce que Tébessa est antérieur à l’accélération des événements. J’ai dit, souvent, que je n’aurais pas écrit le roman si son personnage avait vécu les choses atroces qui ont suivi les premiers attentats, les premières embuscades, terribles mais sporadiques. Evian m’accueille le lendemain d’Yverdon et le lieu, comme prévu, est écrasant de majestuosité. Quand Patricia nous donne, à Eric Hostettler et à moi, le choix entre deux salles aux acoustiques différentes, celui-ci est vite fait quand on découvre la salle Graziella, sa rotonde, son ouverture sur le lac Léman, on se demande un temps ce qu’on a fait dans notre vie pour mériter ça. Mais ça nous passe vite. L’installation, les essais de voix, les gens qui arrivent plus vite que prévu et ce que Patricia n’avait de cesse de me prévenir finit par arriver, en somme : nous serons donc une petite dizaine dans ce cénacle. Mais, comme à chaque fois, le profil des recevants varie, et c’est tant mieux. Aujourd’hui, je comprends vite qu’une partie du public est composée de personnes qui ont aimé le roman pour ce qu’il est, et que l’autre l’a apprécié pour ce qu’il pouvait solliciter de ce qu’ils avaient eux-mêmes vécu. Je m'adapte, avec moins de force que j’aurais voulu et pensé y mettre. Est-ce l’autorité des argumentaires qu’on m’objecte, est-ce la perspective de ne pas m’étaler trop parce que je dois, je veux, laisser la place à Eric qui me représente aussi en tant qu’auteur? J’ai parfois l’impression, nouvelle pour moi, que le discours m’échappe, que je n’apporte rien de plus que l’œuvre a déjà donné. Je me console vite, je sais que c’est plutôt monnaie courante chez des auteurs qui se déplacent, je sais aussi que je vais, indirectement, frapper fort avec les textes que j’ai signés pour « mon » musicien… Je reprends quand même une ou deux fois la main, sur l’exercice de relecture, sur l’épistémologie propre à l’inscription dans une période donnée, ancrée dans le temps et dans l’histoire. Patricia me relance, je lirai, en tout et pour tout, et en plus du début, le passage sur le « Cedrus libani » et l’extrait quotidien de la « partie de cache-cache »  – je m’accorde cette habitude, puisque je suis au deuxième jour de mon Odyssée. Je cabotine un peu, encore, espère publiquement des gens présents qu’ils ne m’oublient pas d’ici six mois, histoire que les réseaux fonctionnent un minimum pour ce roman à venir, que je défendrai bec et ongles, quoi qu’il arrive. Je laisse la parole à Eric avec un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu, à cette heure dînatoire, peut-être n’était-ce pas la meilleure des solutions. Pourtant, personne n’a quitté la salle quand il entreprend son récital: sur sept morceaux, il y a des points d’orgue, il le sait, le ressent, « l’embuscade », évidemment, au vu de l’émotion déjà sollicitée par le roman, « quand mes filles seront parties », pour tout ce qu’elle dit qu’on n’avait encore jamais dit comme ça, « au-dessus des eaux et des plaines » pour l’absolu équilibre qu’elle sollicite. Le concert s’achève, on ne sait pas si ce qu’on a proposé a satisfait les personnes présentes mais, sur le nombre, il y a  déjà des personnes qui viennent me dire que j’ai de la chance d’avoir quelqu’un qui sait si bien interpréter ce que j’ai à dire. Je ne peux qu’acquiescer, mais ne dis rien, sinon merci. On a sans doute fini un peu tard pour eux, qui sont partis vite après le concert, mais j’ai eu le temps de remercier qui a objecté à « Tébessa » sa fonction de lieutenant de l’armée française dans l’Algérie de 60-61 - à laquelle, dis-je avec ironie, Gérard a échappé - qui d’autre objecte gentiment que Richard, l’ami que Gérard se fait sur le bateau, ne pouvait pas être fils de diplomate parce qu’à l’époque, il ne pouvait y avoir de diplomate dans un département français…

Dans les rencontres Lettres-Frontière, il y a, forcément, une part de désacralisation, un moment où l’auteur ne peut pas apparaître autrement que tel qu’il est, dans la vie. Le contact lié au préalable, plus l’aventure de la veille, ne m’auraient, quoi qu’il en soit, pas entraîné sur d'autres terrains, mais la soirée, relâchée et drolatique, passée avec Patricia et Laëtitia – t-i-t-i-a -  , la présence amicale d’Hervé Beynel, les égides, tardives mais signifiantes, de Claude Gensac, Michel Galabru et Pierre Douglas - des têtes d’affiche inversement exigeantes à ce que j’ai vu de la sélection, surtout cinéphilique, de la Médiathèque – aura emporté le tout, en ce soir symbolique d’Evian.

J’ai accepté une trilogie, en amont. Dans six heures, à peine, je parlerai de Tébessa à Vougy, pour un petit-déjeuner littéraire. Que les gens de là-bas ne s’inquiètent pas pour autant : je veillerai à leur donner tout ce que je peux, autant, sinon plus, que ce que j’ai donné la veille. Je ne m’écroulerai, s’il le faut, qu’une fois la rencontre passée. Et si je dois revenir, ils le savent maintenant, à Evian comme ailleurs, je reviendrai.  A la nage ce sera dur, mais par bateau, une fois de plus, volontiers. Quand je ne serai plus en concurrence, dans le même Palais Lumière, avec Jean Cocteau, que j’ai salué mais dont, jusqu’à nouvel ordre, j'attends la réciproque.

 

04:10 Publié dans Blog | Lien permanent

05/03/2010

Le don d'hiver à Yverdon

bat.jpgJe n’ai pas, juste avant d’y aller, posé la question du nombre pour la remettre en cause juste après : à Yverdon, après Chessex, j’ai fait face au plus petit comité qu’il m’ait été donné de rencontrer depuis que je suis rentré dans le cercle des rencontres de Lettres-Frontière, mais je dois dire immédiatement que ça n’a altéré ni la qualité de l’accueil ni celle de l’écoute, encore moins, je l’espère, la teneur de ce que j’avais à donner moi. Face à une quinzaine de personnes, dans le coin de la bibliothèque, j’étais venu, à la demande de Pierre Pittet, avec de la matière, de celle qu’on met sous verre : deux vitrines abritaient les œuvres que j’ai commises avec Jean Frémiot et avec Jean-Louis Pujol et des traces de la vie perdue du soldat Gérard Poncet. Des éléments de la matière que je ne jugeais pas utile, juste là, de montrer, mais que j’ai amenés en Suisse justement parce que les Suisses, dans ce type de rencontres, ont un rapport moins passionnel, forcément, avec la Guerre d’Algérie et me ramènent donc moins au biographique, dont Tébessa est exactement, je pense, la démonstration de la façon dont on doit s’en sortir. Le temps que j’installe tout ça, que la libraire installe les exemplaires et les personnes arrivent déjà, on commence en fait sans avoir l’air de commencer, Pierre, l’animateur culturel responsable des rencontres, me présente, avec le professionnalisme de celui qui s’est documenté, allant jusqu’à me questionner longuement au téléphone, préalablement, sur les thèmes que j’allais aborder, les passages que j’allais lire… Il me prêtera toutefois un roman que je n’ai pas encore écrit, sur « le difficile chemin d’Aurélia Kreit », omettant celui dont j’ai commencé à corriger les épreuves dans le train que me menait vers lui, afin de me convaincre un peu plus que c’était bien un écrivain qu’ils attendaient. On commence, j’aborde directement la question du biographique, de l’histoire familiale, de sa re-création. On parle des lieux, bien sûr, de l’universalité de la guerre et de ses corollaires, l’absurde et l’horreur. Je raconte que dans le train en venant, le jeune soldat en uniforme, visage dur et impassible, Famas en bandoulière, m’a convaincu, en plus de me foutre la trouille, que comme Rivière, c’est l’arme et son pouvoir qui auront déterminé l’homme qu’il deviendra, alors que pour Gérard, c’était l’inverse. Je parle d’édition, dis un peu de mal (pardon) de certains de mes congénères, Aragon en tête, beaucoup de bien d’autres, Nizan (bien fait pour Aragon), ceux de LF, ceux de la guerre d’Algérie (pas ceux qui l’ont faite, ceux qui l’ont écrite). On m’interroge, subtilement, sur l’exigence que je porte à l’écriture quand je parle de mon « livre-monstre » et dis que je renoncerais à l’écriture si mes livres devaient seulement se rajouter à d’autres. Sur les références philosophiques à partir desquelles j’ai donné à Gérard la dimension métaphysique qui est la sienne. Je rencontre les mêmes personnes qu’ailleurs, celles que Tébessa a touchées et qui veulent me le dire. J’en rencontre d’autres, qui ne l’ont pas lu mais que j’ai convaincues, alors que, sempiternellement, j’ai le sentiment d’avoir été bavard, dépassant sans doute le temps qui m’était imparti. Mais, comme ailleurs, les gens sont restés, ont eu l’air d’apprécier, c’est toujours une vraie bonne surprise. Je ne me suis pas répété, j’ai lu des passages que je n’avais encore jamais lu et, comme annoncé, j’ai donné en exclusivité aux lecteurs d’Yverdon le premier paragraphe du premier chapitre de « la partie de cache-cache », le roman que j’ai bel et bien écrit et corrigé dans le train. A haute voix, j’en ai entendu les correspondances avec Tébessa, pas seulement dans le monologue intérieur. Je crois rêver quand je m’entends défendre avec passion le personnage sublime de la petite Emilie… A la bibliothèque d’Yverdon, c’est du pré-prime time, à 20h30, je dois laisser les gens partir, ça fait deux heures que j’ai commencé à parler. Et à répondre. Je pars dîner en ville avec Pierre, le tutoiement est désormais de rigueur, ce jeune homme est remarquable d’érudition et de clairvoyance. Je lui dis que, ici comme ailleurs, je reviendrai, même sans Lettres-Frontière. Par chance, je crois même qu’il verrait ça d’un très bon œil. Il reprend son train, chacun son tour, doté d’une chaleureuse invitation à une balade dans la Croix-Rousse du roman. Moi, je dors à l’hôtel du Théâtre, clin d’œil à ma journée commencée tôt à me recueillir religieusement (en bon polythéiste grec) sur des vers de Corneille. Pourquoi est-ce que, en m’endormant, je pense à « l’Amant », de Marguerite Duras ? Parce que dans quelques heures, je prends le bateau et traverse le lac Léman pour aller à Evian. La vie rêvée des écrivains…

10:49 Publié dans Blog | Lien permanent

03/03/2010

Les Carnets de Tébessa

spirale.jpgOn s'interroge toujours sur la nécessité de tenir un blog, sur la dose d'égotisme (au mieux) qu'il faut pour se persuader que ce qu'on a à dire peut intéresser de virtuels passants. Il en est même, j'en connais, qui voient ça d'un mauvais oeil, qui en deviennent presque moralistes, du coup. Ceux-là, paradoxe à part, tiennent parfois un journal, qu'ils donnent à lire, qu'ils envoient par "newsletter"... Moi, je porte cet espace à bout de bras parce que je ne peux pas me résoudre, même si c'est amusant, aux brèves de FB ou aux messages laissés sur un forum. Je crois encore, je l'ai écrit souvent, à l'histoire en train de se faire et donc de s'écrire. Pour tenir, il faut des rencontres, des vraies, des condensés d'humanité. Demain, je fais l'expérience de la tournée, j'ai concentré les heures de mon premier métier pour pouvoir profiter en plein du deuxième, vous savez, celui qui devrait être le premier mais qui n'en est pas un. Je pars, littéralement, à la rencontre de trois fois plusieurs personnes, dont le nombre importe peu parce que je suis déjà assuré de la qualité de leur écoute. C'est un vrai bonheur qui m'est offert; franchement, je ne vois pas au nom de quoi je devrais ne pas continuer à en faire profiter ceux qui passent par là. Quel que soit leur nombre, à eux.

22:23 Publié dans Blog | Lien permanent