Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/06/2024

Puisque tu t'en vas avant moi.

Capture d’écran 2024-06-13 à 11.10.10.pngC’est toujours difficile de voir s’effilocher ses repères, les liens qu’on a avec son enfance, son adolescence et, par effet-miroir, le temps qu’on ne rattrapera jamais. Depuis que je suis parti vivre ailleurs que là où j’ai grandi, j’ai perdu des êtres chers, proches, dans ma famille ou ailleurs, mais j’ai aussi perdu des êtres qui me composèrent, par ce qu’ils ont écrit, dit ou chanté. J’ai sans doute assimilé, dans ma jeunesse, tellement de mots qui disaient ce que je n'arrivais pas à dire que je les ai un jour lâchés, sans plus jamais les chercher. Ils sont devenus ma vie, moi qui la cherchais. Le décompte ne se fera qu’à la fin, mais je sais déjà que je ne les aurai pas trompés, et que je ne me serai pas tout à fait perdu. Juste un peu, comme me le conseillait Laurence Tardieu, à Grignan… J’ai pleuré comme un gosse à la mort d’Higelin, me suis enfui pour me cacher quand Jean-Louis Murat est passé ad patres, je suis moins marqué par la disparition de Françoise Hardy, parce qu’elle était annoncée et qu’elle intervient, visiblement, comme une libération. La seule question valable, pour tous, restant : était-elle entourée des siens, dans ses derniers instants ? Ça a été le cas, voilà. Mais en dehors de l’anachronisme, par-delà le fait que j’ai été éperdument amoureux, adolescent, d’une icône qui n’était pas de mon époque – et qui a sans doute déterminé ma vie d’homme, sur ce terrain – c’est surtout sur la disparition tout court qu’on pleure en laissant partir Françoise, dont les bluettes, à commencer par « Tous les garçons et les filles » adoubée par Annie Lennox (strike !) ont ponctué mon parcours. « La question », chantée en playback dans « la dernière séance », avec André Pousse, Mitchell & Dutronc autour d’une table, usée jusqu'à la corde de ma vieille VHS. « Un peau d’eau », plus récente, mais qui fut contemporaine de beaucoup de mes atermoiements. « l’Amitié », chantée par tous, mais récemment par Renaud, étonnamment,  dans un dernier élan. La version un peu électro du superbe « Tu ressembles à tous ceux qui ont eu du chagrin », qu’on a tous pris pour soi, à un moment de nos vies. Même le trop attendu « Il n’y a pas d’amour heureux », a fait taire, un temps seulement, mes saillies anti-Aragon, même si je lui préfère le dub-mix de Ranger (& Kerenn Ann). C’est dire le pouvoir que cette femme avait sur moi. Elle n’est plus, peut-être, mais ça concerne les siens, d’abord. Moi, je me dis qu’elle m’a laissé – à moi, à d’autres, peu importe – cette faculté d’intégrer tout ce que la mélancolie peut restituer de Beau, voire de joyeux, c’est un paradoxe. Celui du désespoir du singe. Farewell, Françoise!

EDIT : ma soeur et moi, toujours étonnamment synchrones, avons choisi, par effet de mise en abyme, le Large, pour nos funérailles, sans nous concerter. Ce sera donc au premier qui y passera qu'il reviendra de le prendre. Sans tristesse.

11:00 Publié dans Blog | Lien permanent

Les commentaires sont fermés.